Les pompes britanniques ont de plus en plus de mal à être remplies, au point que certaines stations-service ont déjà fermé. En cause: les conséquences du Brexit. Pour certains, la pénurie de carburant guette le Royaume-Uni. Pour d’autres, elle est déjà là. Vivement critiqué, le gouvernement assure pourtant qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Ce jeudi, le géant du pétrole BP a indiqué qu’une centaine de stations-service britanniques manquaient d’au moins un type de carburant. Certaines n’en ont même plus assez que pour continuer à fonctionner: elles ont fermé. Constat semblable chez Esso, qui affirme que les livraisons de carburant auprès de certaines stations-service sont affectées, bien qu’aucune fermeture n’ait été signalée pour l’instant.
L’explication de ce début de crise réside dans le manque cruel de chauffeurs routiers. Un problème qui a un impact sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en carburant.
Ce manque de main-d’œuvre s’explique en grande partie par le Brexit, rapporte le Guardian. Il est désormais bien plus difficile pour les chauffeurs étrangers de venir travailler au Royaume-Uni. Le phénomène touche, en plus du transport routier, les usines et les fermes. Nombre d’entreprises de ces secteurs demandent au gouvernement d’introduire un système de visa particulier pour les aider à embaucher davantage.
Le gouvernement tempère
Malgré certains signaux très alarmants, le gouvernement britannique continue de dire qu’il n’y a « pas de pénurie de carburant ». Le porte-parole de Boris Johnson a reconnu l’existence de problèmes dans plusieurs secteurs mais qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.
« Il est important de réaffirmer qu’il n’y a pas de pénurie de carburant et que les gens doivent continuer à en acheter comme d’habitude. Pour le carburant, comme pour les denrées alimentaires, nous disposons d’une chaîne d’approvisionnement très résiliente et robuste. Donc, comme je l’ai dit, les gens devraient continuer à acheter du carburant comme d’habitude », a-t-il assuré.
D’après lui, le gouvernement est occupé à travailler en étroite collaboration avec les chefs d’entreprise au cours de cette semaine pour résoudre les problèmes.
Le secteur gronde et appelle à l’aide
Auprès du secteur du transport routier, le discours gouvernemental ne passe pas. Rod McKenzie, de l’association professionnelle Road Haulage Association, a accusé les ministres de « gouverner par inertie », en laissant la situation « s’aggraver progressivement » au cours des derniers mois. Selon lui, une mesure « à très court terme » consisterait à permettre aux chauffeurs d’être inscrits sur la liste des professions en pénurie et à accorder des « visas saisonniers » aux chauffeurs étrangers.
De son côté, BP a déjà tenu à d’excuser pour les désagréments actuels et futurs. Sa responsable de la vente au détail au Royaume-Uni, Hanna Hofer, a déclaré aux ministres qu’il était important que le gouvernement comprenne « l’urgence de la situation », qu’elle a décrite comme « mauvaise, très mauvaise », dans des commentaires rapportés pour la première fois par ITV News.
Mme Hofer a signalé que son entreprise disposait de « deux tiers des niveaux de stock normaux des stations-service nécessaires au bon déroulement des opérations » et que ce niveau « diminuait rapidement ».
Esso, qui connaît des problèmes dans certaines stations-service munies d’une boutique Tesco Express, s’est lui aussi « excusé auprès de ses clients ». « Nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les parties de notre réseau de distribution afin d’optimiser les approvisionnements et de minimiser tout désagrément pour les clients », a déclaré la branche britannique du groupe pétrolier américain.
L’opposition dénonce une situation « sans précédent »
Le gouvernement britannique doit aussi faire face à une opposition particulièrement remontée. Jim McMahon, secrétaire d’Etat aux Transports fantôme au sein du parti travailliste, a fustigé « une crise qui s’aggrave rapidement et dont le gouvernement n’a pas tenu compte des avertissements depuis une décennie ». « Les solutions de sparadrap ne vont pas résoudre le problème. Les ministres doivent prendre des mesures décisives dès maintenant pour s’attaquer à la pénurie de 90.000 conducteurs », a-t-il déclaré.
Côté libéral-démocrate, la députée Sarah Olney, a déclaré que la pénurie de carburant était « sans précédent ». Selon elle, celle-ci « pose un risque énorme, non seulement pour les entreprises mais aussi pour tous ceux qui dépendent d’une voiture pour aller travailler ou emmener leurs enfants à l’école ». Elle a urgé le gouvernement « d’abandonner son idéologie anti-immigration qui qualifie les travailleurs clés de non qualifiés, et supprimer ses seuils salariaux arbitraires pour que davantage de chauffeurs reviennent au Royaume-Uni ».
Avant le Brexit, en cas d’échec de l’accord, le gouvernement avait imaginé le recrutement de 1.600 soldats en vue de conduire 80 camions-citernes militaires, pour approvisionner les pompes en essence et en diesel. Appelée « Operation Escalin », cette éventualité ne serait toutefois pas à l’ordre du jour.
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