Trois sénateurs républicains ont envoyé une lettre à l’autorité portuaire de Sassnitz, en Allemagne, la menaçant de ‘conséquences dévastatrices’ si le port continue de fonctionner comme plaque tournante du projet controversé NordStream 2.
Sassnitz est situé sur l’île de Rügen dans la mer Baltique. Moins de 10.000 personnes y vivent. La lettre s’adresse à l’administration portuaire locale Fährhafen Sassnitz. Ce port fournit un soutien logistique au projet NordStream2.
Qu’est-ce que NordStream 2?
Ce projet est une épine dans pied des États-Unis depuis un certain temps. Deux nouveaux gazoducs seront construits entre la Russie et l’Allemagne. Le NordStream 2 double la capacité des pipelines NordStream 1 actuels. Le gaz peut alors être fourni de la Russie à l’Allemagne, sans passer par la Pologne et l’Ukraine. Il est clair que cela diminue considérablement l’importance géopolitique de ces deux pays.
Les États-Unis veulent faire tout ce qu’ils peuvent pour empêcher le projet d’aboutir. Les Américains soutiennent que l’Allemagne devient dépendante du gaz russe. Le président Donald Trump a accusé l’Allemagne de vouloir la protection militaire américaine contre une menace russe, mais dans le même temps, Berlin finance Moscou avec de l’argent provenant de l’importation de gaz naturel.
L’Ukraine et la Pologne sont également mécontentes de la construction d’un gazoduc dans la mer Baltique. Cela leur fera perdre des milliards de droits de transit sur les pipelines qui traversent encore leur pays.
‘Écraser les sanctions économiques et juridiques’
Dans une lettre envoyée à Sassnitz plus tôt ce mois-ci, trois sénateurs républicains – Ted Cruz (Texas), Tom Cotton (Arkansas) et Ron Johnson (Wisconsin) – ont menacé ‘d’écraser’ l’entreprise de ‘sanctions économiques et juridiques’ si le port continue d’équiper des navires avec du matériel du projet de pipeline.
Selon les sénateurs, la lettre ‘sert de mise en demeure pour l’opérateur portuaire, les membres de son conseil d’administration, les responsables de l’entreprise, les actionnaires et les employés. À moins qu’ils ne cessent de fournir des biens, des services et un soutien pour le projet NordStream 2, ils risquent d’être écrasés par des ‘sanctions juridiques et économiques’, lit-on.
‘Le seul cours des événements responsable est que Faehrhafen Sassnitz utilise les options contractuelles dont il dispose pour mettre fin à ces activités’, a conclu le trio. Mais ce trio n’est certainement pas seul, car aux États-Unis, il y a unanimité au Sénat et à la Chambre des représentants sur le boycott de NordStream2.
Swiss Allseas s’est déjà retiré après la pression de Washington
Le sérieux des Américains était déjà évident en décembre lorsque la société suisse Allseas, qui exploite des navires posant des parties du pipeline sous-marin, a suspendu ses activités. Cela s’est produit après que le président Trump ait signé une loi qui menaçait de sanctions les entreprises participant au projet.
Les Allemands n’ont jamais pris très au sérieux la menace de sanctions américaines à cet égard. On suppose généralement que le projet sera simplement achevé. Il ne manque d’ailleurs que 150 kilomètres de pipeline.
Selon la chancelière allemande Angela Merkel, les sanctions américaines contre les entreprises impliquées dans NordStream 2 ‘ne reflètent pas la compréhension de la loi par l’Allemagne’. Elle reconnaît que la pression de Washington a rendu la construction du pipeline plus difficile, mais souligne qu’il est juste de poursuivre le projet.
La liste SDN: un moyen de pression très efficace
Dans le journal Frankfurter Allgemeine, deux avocats expliquent comment fonctionnent les sanctions secondaires prises par les Américains. Grâce à la liste des ressortissants spécialement désignés et des personnes bloquées (SDN), les entreprises et les particuliers qui n’ont aucun lien avec les États-Unis peuvent être ciblés s’ils font affaire avec des entreprises qui ont un tel lien.
‘Le SDN est une sanction et une mesure d’embargo américaines visant des terroristes désignés par les États-Unis, des fonctionnaires et des bénéficiaires de certains régimes autoritaires et des criminels internationaux qui mettent en danger les intérêts économiques américains.’ La liste comprend désormais des dizaines de milliers d’entreprises et d’entrepreneurs. Principalement des organisations et des individus ‘qui constituent une menace pour la sécurité nationale et la politique étrangère et économique des États-Unis’.
Un réseau local peut également être complètement arrêté via ces mesures. Surtout en ciblant les banques avec lesquelles ces entreprises commercent. Après tout, combien de banques occidentales (allemandes) n’ont pas de lien direct avec le système bancaire américain ?
Les avocats ont plaidé dans le journal pour un accord intra-européen pour protéger les entreprises contre la menace posée par la liste SDN. Les politologues plaident plutôt pour un système qui cible les entreprises américaines opérant en Europe avec des mesures identiques.
Après l’Iran, la Chine, la Russie, Trump va-t-il se mettre à dos l’Allemagne et plus globalement l’Europe?