Le personnel de Ryanair en France dénonce un ‘chantage au licenciement’ en pleine crise

En France, le principal syndicat des travailleurs de la compagnie aérienne dénonce un ‘chantage’ de la part de leur employeur. En cause: la direction de Ryanair menace de licencier ses salariés s’ils n’acceptent pas une baisse de salaire jusqu’à 20%.

Ryanair exige en France des baisses de salaires pendant 5 ans: – 20 % pour les pilotes, – 10 % pour les hôtesses et stewards. En cas de refus, c’est la porte.

Le Syndicat National des Pilotes de Ligne a déclaré avoir reçu un délai maximum de cinq jours pour répondre à ‘l’ultimatum’. La compagnie n’aura sinon ‘pas d’autre choix’ que de licencier 29% de ses pilotes et 27% de ses copilotes en France. En outre, ceux qui touchent déjà le salaire minimum légal verront leurs heures de travail encore réduites. Le personnel de cabine verra son temps de travail rémunéré diminué de 2.000 heures par an à 1.600 heures. Une coupe qui représente 308 euros perdus mensuellement pour ceux qui gagnent 1.539 euros par mois.

Pour les pilotes, cette perte de salaire s’élève à 12 % en moyenne sur cinq ans. La compagnie a également proposé de payer les nouveaux pilotes et copilotes aux salaires les plus bas. Selon des documents confidentiels qu’ont pu consulter des médias français, Ryanair a proposé à son personnel ces réductions de salaire à partir du 1er juillet jusqu’en juillet 2025. Par ailleurs, aucune augmentation de salaire ne sera possible jusqu’au 30 juin 2025.

La société irlandaise low-cost avait déjà averti qu’elle pourrait supprimer jusqu’à 3.000 emplois en Europe. Elle souhaiterait donc ici faire en quelque sorte assumer le coût de la crise à ses employés.

‘Un comportement de prédateur’

Les syndicats du personnel se sont évidemment empressés d’accuser la compagnie de ‘chantage au licenciement’ et d’agir sans scrupule en utilisant le ‘prétexte’ du coronavirus. ‘La France n’est pas le Far West’, a déclaré à l’AFP Damien Mourgues, délégué du SNPNC-FO, le syndicat majoritaire chez Ryanair en France. ‘Ce n’est ni légal, ni acceptable à tout point de vue’, a ajouté sur RTL Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière. ‘C’est un comportement de prédateur.’

Fiodor Rilov, avocat du SNPNC-FO et du CSE, a également déclaré que le syndicat engagerait une action en justice pour obliger Ryanair à ‘respecter la loi française’. ‘Les réserves de Ryanair sont considérables’, ajoute-t-il. Le syndicat a en outre demandé à la compagnie ‘des explications pour justifier la perte de revenus prévue’, mais ‘la compagnie n’a pas jugé important de fournir des informations précises’.

Contactée par RTL, Ryanair a toutefois bien confirmé ces réductions de salaires proposées et a indiqué être en négociations avec les syndicats français.

‘Les mesures sont raisonnables et limitées dans le temps et visent à sauver le plus grand nombre d’emplois possible à un moment où toutes les compagnies aériennes en Europe perdent des emplois pour survivre à cette crise sans précédent’, a déclaré Ryanair. Mais elle n’apporte toujours pas de chiffres précis sur les licenciements envisagés en France.

Le mois dernier, la compagnie a accusé les gouvernements européens de ‘fausser la concurrence’ avec un ‘dopage des aides d’État sélectionnées’ pour les entreprises rivales. Elle a depuis dénoncé plusieurs aides d’État, dont celle de l’Allemagne à hauteur 9 milliards d’euros pour Lufthansa et celle de l’État français à Air France.

Le gouvernement français dénonce l’attitude de Ryanair

Le gouvernement n’apprécie pas non ce chantage de la compagnie sur ses employés. Ce mardi, le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a estimé sur RTL que le chantage n’était ‘jamais une voie’.

‘En revanche, qu’il y ait des accords d’entreprise de longue durée qui permettent de préserver l’emploi, en inventant des dispositifs imaginatifs, ça oui, c’est même souhaitable’, a ajouté le ministre, pour qui ‘la préservation de l’emploi passe aussi par des solutions imaginatives mais certainement pas par le chantage’.

La ministre française du Travail, Muriel Pénicaud, s’est elle dite ‘choquée’ et a appelé l’entreprise à ‘revoir sa copie, en réunissant d’urgence son comité social et économique (CSE), pour discuter vraiment, mais pas comme un chantage’.

Elle a évoqué le dispositif ‘d’accord de performance’ mis en place en 2017 pour permettre à une entreprise d’ouvrir des discussions sur le temps de travail ou les rémunérations, contre un engagement à ne pas licencier, ou à augmenter à nouveau les salaires quand la situation économique s’améliore. ‘Ce type d’accord a été instauré dans un esprit qui n’est pas du tout celui qu’utilise Ryanair’, dénonce Muriel Pénicaud. ‘On les a aidés, ils ne jouent pas le jeu’, ajoute-t-elle, en référence aux aide d’État dont a aussi bénéficié Ryanair sous forme de prise en charge du chômage partiel.

Lire aussi:

Plus