Le pays de l’UE qui se dépeuple le plus ne veut pas des migrants

Selon l’ONU, d’ici 2050,la population bulgare devrait passer de 7,2 à 5,2 millionsd’habitants, ce qui en fera le pays qui se contracte le plusrapidement au monde.  

Cette catastrophedémographique, concentrée principalement dans les zones rurales,s’observe encore davantage dans le nord-ouest de la Bulgarie, la pluspauvre des régions les plus pauvres de l’Union européenne.

Par exemple, la villevoisine de Vratsa, une ancienne plaque tournante industrielle, voitsa population se réduire chaque année de 2.000 habitants. Lesemployeurs sont incapables de trouver des travailleurs qualifiés etle travail manque. Selon Kalin Kamenov, la maire de Vratsa, sansinvestissement et soutien de l’Etat, la ville aura pratiquementdisparu dix ans.

Dépeuplement

« La Bulgarie estpeut-être le cas le plus extrême du dépeuplement qui ravage unegrande partie de l’Europe orientale », écrit The Economist.Dans ce pays, la transition post-communiste a été traumatisante.Dans les années 1990, le taux de fécondité en Bulgarie a fortementchuté et des centaines de milliers de jeunes ont afflué vers lespays les plus riches et les plus stables d’Europe occidentale,laissant derrière eux les personnes âgées et les moins qualifiées.

De nos jours, plus d’unmillion de Bulgares vivent à l’étranger. Près de 700.000 résidentdans l’UE. Les pays d’Europe occidentale tels que l’Allemagne ont despopulations plus âgées que la Bulgarie, mais leur richesse fait ensorte qu’ils sont mieux placés pour faire face aux conséquences dudéclin de la main-d’œuvre. Ils acceptent des migrants. EnBulgarie, près de 60% des retraités vivent sous le seuil depauvreté fixé par le gouvernement à 321 lev (196 dollars) parmois.

Stratégies face au déclindémographique

Pour enrayer le déclindémographique, les gouvernements bulgares ont élaboréd’innombrables stratégies mais aucune n’a vraiment donné derésultats. Valeri Simeonov, ancien vice-Premier ministre en chargede la politique démographique à Sofia, a envisagé de mettre fin àla pénurie de main-d’œuvre en attirant des travailleursétrangers en provenance des pays voisins aux minorités bulgarestels que l’Ukraine et la Moldavie.

Cependant, selon Valeri Simeonov, président du Front national pour le salut dela Bulgarie, cette chasse aux talents ne concerne pas les réfugiés,ceux-ci étant considérés comme des « aventuriers quicherchent à anéantir les Etats-providence d’Europe ».

Face à un murfrontalier gardé des agents réputés pour leur brutalité, lesréfugiés en provenance de Turquie en 2015-2016 ont préférécontourner la Bulgarie pour se rendre en Grèce. Pourtant, les hommespolitiques bulgares ont continué à attiser l’hystérieanti-réfugiés. Rumen Radev, le président bulgare socialiste, adéclaré qu’il ne voulait pas que la Bulgarie devienne le « ghettodes migrants d’Europe ». En 2016, le conseil de Vratsa ainterdit les centres de réfugiés.

Certains voient d’unœil ironique l’hostilité des pays européens qui se dépeuplent àaccueillir des réfugiés. Pour d’autres, cette attitude a unelogique claire. Pour les Bulgares, sur la pente du dépeuplement,l’arrivée de migrants signifierait une sortie de l’histoire, estimele politologue Ivan Krastev. Les partis d’extrême droite ne sont pastrès puissants en Bulgarie mais ils obtiennent de bons résultatsdans les régions en déclin. Simeonov a expliqué que le pays, enproie à des difficultés avec les réfugiés tziganes, ne voulaitpas aggraver ses problèmes d’intégration.

Attirer lestravailleurs des pays plus proches semble donc être une meilleuresolution pour la Bulgarie. Par ailleurs, le pays cherche également àfaire revenir les émigrés. Au cours des dernières années,l’émigration a ralenti et de plus en plus de Bulgares reviennent.Cependant, le pays perd toujours l’équivalent de 50.000 habitantspar an à cause du faible taux de natalité et de l’exode précocedes jeunes.

Optimisme

La Bulgarie setourne donc vers l’Estonie ou la Pologne. Malgré tout, le tauxd’emploi bulgare est plus élevé que jamais et les financespubliques sont saines. Mais, ses voisins riches se portent égalementbien. Par ailleurs, la corruption bulgare, la pire de l’UE selonTransparency International, les lourdeurs administratives, lesmauvais établissements scolaires et le gangstérisme font en sorteque les investisseurs étrangers ne sont pas attirés par ce pays.

Et même si ceux quirentrent au pays peuvent aider à revitaliser l’économie de laBulgarie, il est peu probable qu’ils annulent les dégâtsdémographiques. Cependant, les Bulgares sont un peu plus optimistesdepuis un certain temps. Un récent sondage a montré que lapopulation faisait preuve d’optimiste pour la première fois depuisdeux décennies. « Mais à l’avenir, il y aura beaucoup moinsde Bulgares qui partageront cette joie », conclut TheEconomist.

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