Le MR accuse les Verts d’inaction face à la prolongation des plus vieux réacteurs nucléaires, et à la fin, c’est Engie qui gagne…

En attendant la prolongation de Doel 4 et Tihange 3, la Belgique fera face à un voire deux hivers délicats (2025 – 2026 et 2026 – 2027). Pour y faire face, la Vivaldi a prévu, début février, de discuter de la prolongation des 3 réacteurs les plus anciens, au moins pour une courte durée. Il s’agit de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. Mais voilà qu’Engie écarte cette possibilité et place la Vivaldi dos au mur. Ce n’est toutefois pas la première fois que l’énergéticien français emploie cette méthode de négociation. Comme depuis le début du débat sur la prolongation du nucléaire, Engie est en position de force.

Dans l’actu : Pour le président du MR, Georges-Louis Bouchez, la coupe est pleine : il n’y aura aucune autre avancée sur les réformes à venir de la Vivaldi, tant que le gouvernement fédéral n’aura pas progressé sur la prolongation de 5 réacteurs nucléaires.

Le détail : Bouchez accuse une nouvelle fois les Verts de faire traîner les choses, pour pouvoir pallier les éventuels problèmes d’approvisionnement avec du gaz.

  • Déguisé avec un costume de boucher pour le mardi gras, le président du MR ne rigolait déjà plus le lendemain, dès 8 heures du matin. Sur Twitter, il réagissait à un article de La Libre, indiquant qu’Engie fermait la porte à la prolongation des trois plus vieux réacteurs nucléaires. « Ce sera 5 réacteurs nucléaires comme décidé ! J’accuse Tinne Van der Straeten et les Verts de saboter la négociation des 3 autres réacteurs, car ils veulent installer du gaz en plus ! Nous exigeons la tenue d’une réunion. Sans quoi, aucun dossier ne pourra avancer au sein du gouvernement fédéral. »
  • Nul ne sait si cet épisode prendra les proportions de l’affaire Dreyfus et de la lettre ouverte d’Emile Zola, mais Georges-Louis Bouchez semble très sérieux. Auprès de La DH, il précise le fond de sa pensée : « Une réunion inter-cabinets était prévue il y a une dizaine de jours pour aborder les éléments techniques, mais elle a été annulée et il n’y a pas de nouvelles dates de fixées.” Le Montois dénonce « un manque de volonté de la ministre Van der Straeten. »

Le cœur du problème : la sureté des centrales.

  • En février, suite à un nouveau rapport d’Elia qui pointe finalement des manquements pour la sécurité d’approvisionnement, la Vivaldi trace un nouveau virage dans sa politique énergétique. Le gouvernement se donne finalement la possibilité de prolonger non pas deux mais cinq réacteurs. Alexander De Croo (Open VLD) et Tinne van der Streaten (Groen) sont chargés de contacter Engie, ce qui doit mener ensuite à un contrôle de l’AFCN sur la sureté des centrales.
  • Mais en marge de la présentation des résultats florissants d’Engie, la PDG Catherine MacGregor sert une nouvelle douche froide à la Vivaldi : « Il n’y a pas de cadre de sûreté. La seule chose dont on discute est la prolongation de Doel 4 et Tihange 3. Une mini-prolongation n’est pas étudiée et n’est pas sur la table”, peut-on lire dans La Libre.
  • En pleines vacances de carnaval, Tinne Van der Streaten ne répond pas directement à la polémique lancée par son partenaire libéral, le cabinet de la ministre de l’Énergie affirmant « examiner tous les réacteurs nucléaires pour garantir l’approvisionnement en électricité ».
  • Dans La DH, Georges Gilkinet, vice-premier ministre Ecolo, va un peu plus loin : « Nous attendons patiemment les conclusions officielles de l’AFCN et d’Engie, étant entendu que nous ne transigerons pas avec les conditions de protection de nos concitoyens par rapport au risque et au passif nucléaires.” Quelques jours plus tôt, ce dernier avait remis en cause la thèse selon laquelle 5 réacteurs seraient prolongés, préférant parler de « modulation » plutôt que de « prolongation » pour les 3 réacteurs les plus anciens.
  • L’écologiste avait toutefois souligné le fait que « les réacteurs ne répondent pas aux conditions de résistance à des secousses sismiques, à la chute d’un avion », insistant sur les problèmes de sureté, « avec des cuves à simple paroi, des cuves alvéolées, avec des bulles d’hydrogène ».
  • « Mensonges », a rétorqué GLB, affirmant que cette sortie de Gilkinet était en totale contradiction avec le soi-disant tournant nucléaire opéré par les Verts : «L’ADN d’Ecolo n’est plus ‘Nucléaire, non merci’», une campagne médiatique qu’avaient menée les coprésidents Jean-Luc Nollet et Rajae Maouane, sans grande persuasion, mi-janvier.
  • « Les centrales nucléaires les plus anciennes fonctionnent déjà sans être résistantes à un impact d’avion », explique Bouchez, cité par De Standaard. Il avait en fait été décidé sous le gouvernement précédent d’élever les normes de sureté au-dessus de la norme internationale standard. Si bien que Doel 1 et 2 et Tihange 1 devaient se mettre aux normes des réacteurs les plus jeunes – Doel 4 et Tihange 3. Pour Bouchez, il est inutile d’appliquer des normes plus strictes que nécessaire, vu qu’aujourd’hui, les plus anciens réacteurs fonctionnent sans qu’on se pose de questions. Les normes internationales de base suffisent, sous-entend-il.
  • Le chef de groupe Groen à la Chambre, Wouter De Vriendt, l’accuse à son tour de vouloir écarter la sûreté pour réaliser ses propres objectifs politiques. « Une centrale nucléaire n’est pas un jouet. Tentative imprudente mais aussi désespérée de Bouchez. »
  • Réaction de l’intéressé : « Les Verts vont nous mettre dans le noir et mentent à la population pour arriver à cela. Comment osez-vous ? Nos réacteurs sont totalement sûrs selon l’AFCN. Vous mentez pour arriver à vos dogmes absurdes qui vont plonger notre pays dans la récession et réduire le bien-être. »

Et à la fin : c’est Engie qui gagne…

  • Rappelons que la Vivaldi n’a qu’un accord de principe avec Engie pour la prolongation de Doel 4 et Tihange 3. Catherine MacGregor a dit espérer un accord définitif « avant l’été ». Il reste une grande inconnue à trancher : Engie veut avoir la facture ferme et précise du coût de la gestion des déchets nucléaires des deux plus jeunes réacteurs. Si la facture finale venait à dépasser ce plafond, ce serait à la Belgique, et plus clairement dit aux contribuables belges à allonger le restant. En d’autres mots : les négociations ne sont certainement pas finies.
  • Engie a rappelé un nombre incalculable de fois que le nucléaire ne faisait plus partie de sa stratégie globale, et c’est vrai. Elle ne possède pas d’autres réacteurs que les réacteurs belges.
  • En outre, et c’est sans doute encore plus fondamental dans ce dossier-ci, Engie-Electrabel possède toujours d’autres options avec sa centrale à gaz aux Awirs et un projet à Tessenderlo. Les centrales à gaz étaient au départ envisagées pour compenser la sortie du nucléaire : le fameux plan A de la Vivaldi et plus particulièrement de la ministre Van der Straeten, qui était tombé à l’eau en mars dernier.
  • C’est ce qui fait dire au MR, depuis le départ, que les Verts font trainer les choses volontairement, et sont du côté d’Engie.
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