Le métavers, un nouveau darkweb pour le crime organisé ?

Annoncé en grandes pompes par le PDG de Meta et fort popularisé depuis, le métavers devait devenir l’expérience ultime d’immersion dans le monde virtuel. Un an plus tard, on en est encore loin. Mais le concept suscite quand même de grandes inquiétudes.

Le contexte : il y a un peu plus d’un an, Mark Zuckerberg présentait le grand projet qui devait permettre à sa chère entreprise Meta – anciennement Facebook – de renouer avec le succès après une période difficile entrecoupée de divers scandales. Le métavers doit, à terme, proposer une sorte de monde virtuel dans lequel toutes les interactions sociales – et commerciales – seraient possibles. Sauf que jusqu’ici, ça ne décolle vraiment pas.

L’enjeu : malgré son évident flop commercial, le métavers inquiète, ou plutôt les utilisations qui peuvent en être faites. L’agence mondiale de police Interpol a déclaré qu’elle se préparait au risque que les environnements immersifs en ligne – Meta n’est pas la seule firme à travailler sur un métavers – puissent créer de nouveaux types de cybercriminalité.

  • La criminalité n’a pas attendu Meta pour se développer en ligne ; on se rappelle du darkweb et du portail sécurisé TOR, qui ont fait couler beaucoup d’encre dans les années 2010. Mais les métavers, avec leurs graphismes d’apparence inoffensive, collent moins à cette image « trafiquants d’armes et look à la Matrix » qui étaient associés à ces internets des profondeurs. Ce n’est pas pour autant qu’ils seront sans danger.

« Certains délits peuvent être nouveaux pour ce média, d’autres, déjà existants, seront facilités par ce média et portés à un niveau supérieur. Si un groupe terroriste veut attaquer un espace physique, il peut utiliser cet espace pour planifier, simuler et lancer ses exercices avant d’attaquer. »

Madan Oberoi, directeur exécutif d’Interpol pour la technologie et l’innovation.
  • Les mondes virtuels, comme les réseaux sociaux avant eux, pourraient servir de terrain de recrutement aux organisations terroristes, largement rodées à l’usage des réseaux pour répandre propagande et appels à la haine. C’était d’ailleurs un reproche récurrent fait à l’encontre de Facebook et d’Instagram, les deux réseaux « classiques » de Meta.
  • Mais l’agence de police internationale rappelle aussi que des délits typiquement numériques fleuriront immanquablement sur ces nouvelles plateformes. En particulier les fraudes, les arnaques, et le phishing, qui pourraient fonctionner de manières inédites dans cet environnement. M. Oberoi s’inquiète tout particulièrement de la sécurité des enfants dans ce genre de Second Life nouvelle génération.
  • L’usage de la technologie blockchain constitue aussi un facteur de risque, selon Interpol : « Cela pourrait permettre de suivre tout ce que fait une personne sur la base d’une seule interaction avec elle, ce qui fournirait des informations précieuses aux harceleurs ou aux extorqueurs », alarme l’agence, citée par Euractiv.

Le détail : encore faut-il que des gens utilisent le métavers. Celui-ci ne récolte guère le succès escompté : alors que Meta visait un objectif de 500.000 utilisateurs mensuels dans son monde virtuel, celui-ci culmine à une population de 200.000 personnes, et beaucoup le déserteraient assez vite. Le métavers risque d’abord d’être victime de manque d’intérêt. Au risque de ne plus être surveillé et de devenir une zone de non-droit ? C’est hélas possible également.

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