Le gouvernement chinois vient de verser 649 millions de dollars au Ghana, au titre de la première tranche d’un important projet de 2 milliards de dollars portant sur l’infrastructure du pays.
Cet accord conclu avec la Chine devrait permettre d’améliorer le réseau routier du Ghana, en échange de sa bauxite, un minerai indispensable à la production d’aluminium.
La Chine, qui la convoite, s’est engagée à financer pour 2 milliards de dollars de voies ferrées, de ponts et de réseaux routiers. En échange, le Ghana devra lui concéder l’accès à 5 % de ses réserves de bauxite.
Mais cet accord soulève de nombreuses critiques.
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Pour l’arracher, l’empire du Milieu s’est également engagé à financer 100 véhicules pour la police ghanéenne ; il a aussi versé une subvention de 300 millions de yuan (environ 38 millions d’euros) et annulé dans le même temps une dette de 250 millions de yuan (environ 32 millions d’euros).
La Chine avait déjà fait de même avec la Guinée, à laquelle elle avait consenti 20 milliards de dollars de prêts à étaler sur les 20 prochaines années contre un accès à la bauxite.
‘Entre 2000 et 2017, la Chine a accordé environ 143 milliards de dollars en prêts d’infrastructure sur l’ensemble du continent (africain)’, écrit Elliot Smith de CNBC.
Des promesses de retombées… électorales ?
Reste à savoir si ces méga projets auront des retombées concrètes pour les habitants de ces pays. Selon Elizabeth Stephens, directrice générale de Geopolitical Risk Advisory, c’est loin d’être le cas, car bien souvent, les gouvernements africains signataires ne les posent pas comme une condition préalable. Dans le cas d’espèce, le ministre ghanéen des Finances, Ken Ofori-Atta, s’est engagé à augmenter les dépenses de 21%, en augmentant les salaires des fonctionnaires et en lançant davantage de projets d’infrastructure. Pour financer ces projets, il a proposé de lever 3 milliards de dollars sur les marchés de la dette.
Mais un rapport publié par l’EXX Africa indique que ces dépenses publiques risquent de creuser le déficit budgétaire. Il passerait de 4,5% du PIB pour cette année, à 4,7% en 2020. Il suggère également que les émissions de dette annoncées, proposées alors que le pays connaît un ralentissement économique, serviront surtout à se ménager des électeurs. Des élections présidentielles et législatives doivent se tenir l’année prochaine dans le pays. En outre, il critique l’accord sur l’accès à la bauxite pour son manque de transparence.
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En outre, le projet risque de maintenir le Ghana englué dans son endettement, qui se monte à 63% du PIB. Le pays africain a déjà été renfloué par le FMI en 2015, et est toujours considéré comme fragile au regard de son endettement. Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le gouvernement du Président Nana Akufo-Addo (Parti des Nouveaux Patriotes) l’a fait croître de près de 10 milliards de dollars.
Et faire appel aux autres pays pour son financement n’est pas toujours la meilleure solution. Les Etats-Unis ont récemment annulé les 190 millions de dollars de subventions qu’ils versaient au Ghana suite à la résiliation par ce dernier d’un contrat de fourniture d’électricité par une société privée américaine. ‘Cela pourrait accroître sa dépendance à l’égard des prêts chinois’, observe CNBC.
Enfin, les environnementalistes critiquent aussi cet accord, y voyant une menace pour la forêt montagneuse d’Atewa, où se situe le principal gisement de bauxite, et les 3 grands fleuves qui y prennent leur source (le Densu, le Birim et l’Ayensu). Ces derniers sont la principale source d’approvisionnement en eau potable de 3 régions ghanéennes, y compris de la capitale Accra, qui compte un million d’habitants.