Les Allemands ont une passion pour les espèces, et les autres formes de paiement sont relativement peu utilisées, par rapport à ce que l’on constate dans les pays voisins. La préférence pour les paiements en liquide tient à des raisons historiques et culturelles. Néanmoins, le pays évolue lentement, et les autres formes de paiement gagnent graduellement du terrain.
Les Allemands aiment le cash. Une enquête menée par la Banque Centrale Européenne (BCE) en novembre 2017 avait conclu que l’Allemand moyen détenait en permanence 103€ en espèces dans son portefeuille, une somme très supérieure à celle que l’on pouvait trouver dans les portefeuilles des citoyens des autres pays membres de l’UE. La firme de statistiques Statista indique que 80% des paiements réalisés sur les points de vente allemands en 2016 l’étaient en espèces. En France, cette proportion atteignait 68%, et aux Pays-Bas, seulement 46%.
De même, la banque centrale allemande, la Bundesbank, a émis le plus de billets d’euros en Allemagne, depuis que la monnaie unique a été instituée en 2002, que toutes les autres banques centrales des pays adhérents cumulées. Et l’on trouve proportionnellement beaucoup moins de terminaux de paiement pour carte de crédit en Allemagne que dans les autres grandes économies européennes. D’ailleurs, un rapport publié en septembre 2017 par la BCE avait révélé que seulement 19% des transactions qui n’avaient pas été payées en espèces l’avaient été par carte de crédit, alors qu’au Royaume-Uni, ce pourcentage atteignait 53%, et qu’en France il grimpait même à 65%.
Plusieurs explications
Les historiens et les sociologues avancent plusieurs raisons pour expliquer ce goût pour l’argent liquide des Allemands. Ils citent la période d’hyperinflation de l’entre-deux-guerres, un attachement fort à la vie privée, et la perception que le renoncement aux espèces peut être assimilé à un abandon de liberté.
Ils évoquent aussi la culture allemande, qui érige l’épargne en vertu, et vilipende la dette. En allemand, dette se traduit par “schuld”, un mot qui signifie aussi « culpabilité ».
Beaucoup d’économistes allemands, dont le Professeur de macroéconomie à l’université de Würzburg (Bavière) Peter Bofinger, le déplorent, et rappellent qu’une société sans espèces permet de lutter contre l’évasion fiscale et les activités illicites souterraines. Ils pointent également que les paiements en espèces induisent des coûts, puisqu’il faut transporter l’argent liquide, par exemple.
« Des forces très puissantes poussent à l’abandon des espèces »
Mais leurs détracteurs, parmi lesquels on compte Max Otte, un économiste allemand à l’origine d’une campagne « Sauvez notre cash », menée il y a 2 ans, souligne qu’une société sans espèces implique « un contrôle total et l’abandon complet de nos données personnelles ». Il explique également qu’elle donne la possibilité aux banques d’introduire des taux d’intérêt négatifs, pour dissuader les ménages et les entreprises d’épargner. Selon lui, le mouvement vers une société sans espèces est téléguidé par des « forces très puissantes » du monde bancaire, des affaires, de la politique et du secteur technologique, avec pour motivation première la collecte des données des citoyens.
Une vaste proportion d’Allemands semblent lui donner raison, et en 2016, lorsque le gouvernement allemand avait tenté de limiter à 5000 € le montant des transactions pouvant être payé en espèces, il a rencontré une vive résistance de la population.
Il n’empêche…. Comme partout ailleurs en Europe et dans le monde, les boutiques et de restaurants allemands sont de plus en plus nombreux à adopter les moyens de paiement mobiles.