Le conclave budgétaire de la Vivaldi se poursuit sous haute tension : ce qui est en bonne voie, ce qui bloque toujours

Après un long weekend de discussion, le kern se retrouve ce lundi dès 10h. L’objectif du Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), est toujours d’atteindre un accord d’ici mardi, jour où il se présentera devant le parlement, pour son discours de rentrée politique. Le soutien à l’énergie est en bonne voie, tout comme l’allègement fiscal pour les entreprises. Mais tout le monde se regarde, quand il s’agit de décider où aller chercher l’argent. Le CD&V insiste également pour entamer sa grande réforme fiscale, ce qui fait trainer les choses en longueur. Pourtant, personne n’y croit vraiment.

  • Avec un déficit de 23 milliards d’euros pour l’année prochaine, la Vivaldi s’essaye à un exercice délicat. Tenter un assainissement budgétaire de l’ordre de 0,7% (1,7 milliard pour 2023, et environ 2 milliards l’année suivante) pour ramener le déficit autour des 3%, après 2024. Histoire d’éviter les 5% de déficit annoncés, ce qui ferait de la Belgique le pire élève de l’UE.
  • Les organisations patronales et en particulier le Voka flamand ne cessent de plaider pour des mesures structurelles pour faire tomber ce déficit. Car au-delà du vieillissement de la population qui pourrait encore plomber les finances publiques de 4% du PIB d’ici 2050, il y a bien évidemment la montée des taux d’intérêt, qui augmente les charges sur la dette. Une dette qui menace de déraper bien au-delà des 100% à l’horizon 2027.
  • Mais la Vivaldi n’a pas de jumelles qui portent aussi loin. La complication se trouve bien sûr dans les crises à répétitions auxquelles il faut répondre en urgence. C’est toute la complication : répondre à la crise avec de nouvelles dépenses conjoncturelles en assainissant les finances avec des mesures structurelles. Ce double objectif oppose la gauche et la droite de la Vivaldi.

Ce qui est en bonne voie

  • La prolongation des mesures de soutien à la crise énergétique jusqu’à la fin de l’hiver. À savoir le tarif social élargi, la réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité, la réduction des accises sur les carburants et les chèques-énergie (pour le mazout, le gaz et l’électricité). Coût : 1 à 2 milliards d’euros.

  • Un accord semble se dégager au niveau de la défiscalisation des cotisations patronales sur l’indexation. Elles devraient baisser de 7,07% au premier et deuxième trimestre 2023, et être reportées du même montant pour le troisième et quatrième trimestre en 2025. Coût : 1 milliard d’euros.

Ce qui est toujours en discussion

  • L’ampleur des surprofits à aller chercher dans le secteur énergétique. La ministre de l’Énergie, Tinne van der Straeten (Groen), voulait en obtenir 4,7 milliards d’euros (en ce compris la rente nucléaire). On en serait bien loin : la ministre semble une nouvelle fois s’être montrée trop volontariste, comme lorsqu’elle a annoncé un plafonnement du prix du gaz européen, qui n’est toujours pas arrivé d’ailleurs.
  • Pour les surprofits, van der Straeten propose de taxer à 100% tous les profits du secteur énergétique qui dépassent les 130 euros le MWh, contre les 180 euros proposés par l’Europe. L’écologiste voulait également étendre cette taxe sur une période de 2 ans, contre 7 mois pour l’Europe. Le CD&V et le MR ont de sérieux doutes sur la faisabilité technique d’une taxe si ambitieuse. Les deux partis craignent les recours juridiques. Les socialistes se rangent eux aux côtés des écologistes dans ce dossier.

  • La Vivaldi se penche aussi sur toute une série d’autres moyens pour financer ses mesures de soutien. On y retrouve certaines mesures de la grande réforme fiscale de Vincent van Peteghem, le ministre des Finances. Son parti, le CD&V, se montre particulièrement insistant sur la mise en place d’une telle réforme. Pour rappel, le principe de cette réforme est de baisser la pression fiscale sur les revenus contre la suppression de certaines niches fiscales. On parle désormais de relever la quotité exemptée d’impôt de 9.000 à 13.000 euros, ce qui représenterait un gain de 1.300 euros net pour chaque contribuable, mais aussi un coût de 6 milliards d’euros pour les caisses de l’État. Certains accusent les chrétiens-démocrates de vouloir faire un coup politique, car il n’a jamais vraiment été question de faire cette grande réforme durant cette législature. L’accord de gouvernement indique juste qu’il faut la préparer. Quoi qu’il en soit, voici quelques éléments sur la table qui en sont issus.
    • Une augmentation de la taxe sur les valeurs mobilières.
    • La suppression du bonus logement pour les résidences secondaires.
    • Une réforme sur les droits d’auteur, qui les limiterait pour certaines professions qui en abusent, comme les ingénieurs, les développeurs ou encore les architectes.
    • Une modification de la participation de l’État dans la distribution des journaux via Bpost.
    • Une limitation du crédit-temps pour motif « soins aux enfants » qui est possible pour les enfants jusqu’à 8 ans. Cet âge serait baissé à 5 ans.
    • Une hausse de la taxe sur le tabac et/ou cigarettes électroniques.

  • Si réforme fiscale il y a, le MR veut qu’une réforme sur le travail suive pour atteindre un taux d’emploi de 80%. Les libéraux déposent toute une série d’éléments sur la table. Notamment pour contre-balancer les points ci-dessus.
    • Davantage de flexi-jobs, en remontant le temps de travail maximal à 600 heures par an. Cela concerne donc surtout les étudiants et aiderait bien sûr les entreprises. D’autres secteurs pourraient s’ajouter à la liste : l’agriculture, l’évènementiel, les soins de santé…
    • La péréquation des pensions des fonctionnaires pourrait être abandonnée. Elle lie les pensions à la rémunération. Or, avec l’inflation, l’indexation a poussé les rémunérations à la hausse, et donc les pensions. Quelque 170.000 enseignants sont concernés, majoritairement en Flandre.
    • Le MR veut aussi renforcer la lutte contre la fraude sociale et limiter l’enveloppe allouée au fonctionnement des CPAS.

Un rapprochement MR – CD&V ?

  • Ce budget est un marchandage politique à somme nulle : le PS refuse qu’on touche aux pensions et de manière générale à tous les acquis sociaux. Le MR refuse qu’on entame une réforme fiscale parce qu’il considère que cela va engendrer de nouvelles taxes. Quant à la réforme du travail, elle oppose gauche et droite de manière générale. C’est pourquoi elle a accouché d’une souris avant l’été, avec le Jobs deal, tout comme la réforme des retraites d’ailleurs.
  • Comme souvent, le principal danger pour la coalition Vivaldi vient des présidents de parti. Il leur a été demandé une certaine discrétion pour que le gouvernement De Croo puisse passer ce difficile exercice sans trop de pression. C’est raté, tant Georges-Louis Bouchez (MR) que Sammy Mahdi (CD&V) se sont montrés sur les plateaux de télévisions.
  • Certaines personnes autour de la table ont d’ailleurs noté le récent rapprochement des positions entre le CD&V et le MR, pour un combo « réforme fiscale contre réforme du travail ». Après, tout Bouchez ne voit aucun inconvénient à relever la quotité exemptée d’impôt. Mais personne n’y croit vraiment : « Un non-sens total. Parce que le cd&v n’est pas du tout un allié en matière de taxation pour le MR. Mais apparemment, ils se sont soudainement retrouvés, vraisemblablement à la suite d’un coup de fil entre deux jeunes présidents enthousiastes… », entend-on.
  • S’il y a bien une chose que nous a appris le débat sur l’indexation automatique et les normes salariales (loi de 1996), c’est que ne rien faire assure au moins une certaine paix politique. Il en va de la survie du gouvernement. Le plus probable est qu’aucune grande réforme (fiscalité, travail, pension) n’aboutisse. Tout au plus : on devrait obtenir une sorte de soupe avec quelques ingrédients apportés par chaque parti pour tenter de financer les nouvelles dépenses. Le contraire serait une réelle surprise.
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