Après l’enthousiasme né d’une réunion qui comptait les 7 présidents de la Vivaldi ce dimanche, place à la réalité. Le CD&V a décidé de ne pas décider et fait toujours grimper les enchères, en revendiquant notamment le rôle de Premier ministre. Les socialistes flamands donnent eux aussi du fil à retordre au missionnaire Egbert Lachaert (Open VLD).
Les bureaux politiques ne sont pas les centres de décision des partis, mais ils agissent comme des centres d’approbation ou de désapprobation des décisions prises par le top de chaque formation. Ils peuvent souvent compliquer les choses: car la presse peut camper devant les portes, prenant ainsi la température et rendant publiques certaines réactions.
Le CD&V devait prendre sa décision ce lundi soir quant à sa participation à la coalition Vivaldi. Mais la réunion a été annulée en dernière minute. Pourquoi?
Hier matin, sous un format numérique, une frange du CD&V menée par Hilde Crevits, Wouter Beke et Koen Geens a de nouveau montré de grandes réserves par rapport à la Vivaldi. Il était prévu que tout le monde se revoit vers 20 heures. Mais une ultime réunion annulée entre Joachim Coens et Egebert Lachaert a fait capoter la rencontre du soir, malgré un contact téléphonique. Le président du CD&V manquait de nouveaux éléments à présenter à son parti.
En interne, on s’est agacé de cette réunion tenue dimanche entre les 7 présidents de parti. Pour certains CD&V, il est encore trop tôt pour franchir le pas: ‘Il n’y avait aucune garantie, aucun respect n’a été montré. La note de Lachaert est tout simplement trop vague: il est temps pour les libéraux de montrer leurs couleurs et de dire clairement s’ils veulent vraiment de nous’, nous rapporte un poids lourd. Une frange à laquelle on peut ajouter une majorité de bourgmestres CD&V, selon un sondage tout frais du Het Laatste Nieuws.
Les 6 revendications (formelles et informelles) du CD&V
Pour éviter certains commentaires trop explicites de la part de parlementaires de moindre envergure, Joachim Coens n’a réuni qu’un cercle restreint composé de ministres et de chefs de groupe: une liste claire d’exigences en est ressortie. On en compte 6:
- Le communautaire doit dépasser ‘les simples intentions en 2024’. Deux ministres (du prochain gouvernement) doivent spécifiquement s’occuper des dossiers institutionnels pour 2024 voire 2030 : la santé, la loi de financement ou encore la réglementation autour des survols.
- Le CD&V veut tout faire pour ne pas bouger au gouvernement de la Région flamande. Et cela passe par ne pas mettre en concurrence avec le fédéral certains dossiers comme le climat.
- Les dossiers éthiques doivent être traités au sein du prochain gouvernement.
- Le budget doit rester ‘sérieux’. Des tableaux ont été présentés à ce sujet, mais le CD&V les juge insuffisants.
- L’accent est également mis sur la migration et la sécurité, qui ne doit pas refléter ‘une politique complètement naïvo-progressiste’ qui pencherait du côté francophone.
- La dernière n’est pas formellement stipulée: mais le CD&V lorgne le 16 rue de la Loi. Plusieurs sources indiquent que le CD&V joue dur pour obtenir le rôle de Premier ministre, comme le plaide publiquement Yves Leterme, le revenant, qui a déjà occupé les lieux. Le candidat tout désigné au sein du parti serait Koen Geens. Mais les choses ne sont pas si simples. Car de ce fait, Coens se mettrait en retrait, le rôle d’un Premier ministre pesant plus que celui d’un président de parti. Un négociateur nous rappelle également un vieil adage en politique belge: ‘Si vous criez trop fort pour le Seize, vous ne l’obtenez pas. Est-ce que l’ex-Premier ministre ne veut pas accorder ce rôle aux membres de son parti?’ Dernier élément à prendre en compte: il ne fait pas toujours bon être Premier ministre avec un parti ultra-dominant dans votre dos. Le PS pour Koen Geens pourrait faire office de N-VA pour Charles Michel.
Le sp.a ne signera pas de chèque en blanc
Le CD&V n’est pas le seul parti à la jouer serré. Un bureau politique au sp.a a aussi été réuni ce lundi. Et plusieurs exigences en sont ressorties: une pension minimum à 1.500 euros nets ainsi que des investissements dans les soins de santé. Deux exigences que l’on revendique également au PS.
Pour la première option, Georges-Louis Bouchez (MR) n’a pas eu que de bons mots ce dimanche sur RTL-TVi, attribuant une note de 5/10 à cette mesure : ‘De un, il faut savoir les payer dans la durée; de deux, je ne veux pas que ce soit un piège à l’emploi. Nous devons pouvoir travailler jusqu’en fin de carrière pour ceux pour qui c’est possible.’ Le président des libéraux s’est par contre montré assez conciliant avec les Verts, toujours dans l’émission dominicale de Pascal Vrebos: ‘Avec les écologistes, nous pouvons nous entendre fortement sur des questions d’investissement d’avenir, sur une autre croissance, basée sur de nouvelles technologies, sur des technologies qui préservent la planète. Sur cet angle-là, on peut collaborer. C’est un axe de la modernité.’ Son souhait de sauver la maison Belgique est aussi partagé dans les rangs écologistes.
Reste que les socialistes flamands ne comptent pas abandonner ce qu’ils ont obtenu de la part de la N-VA. Ils réclament aussi à Egbert Lachaert des éclaircissements par rapport à sa note ‘imprécise’. Le contraste est toutefois saisissant entre le sp.a et le CD&V. Le bureau politique du premier est parvenu à mettre tout le monde sur la même longueur d’onde. Tout le contraire du second.
Reste que l’un comme l’autre n’est pas indispensable dans cette coalition Vivaldi qui peut potentiellement compter 87 sièges sur 150. Le PS pouvant difficilement se détacher de son parti frère (le sp.a n’a pas lâché le PS au moment des tractations de l’Arizona), certains plaident toujours pour faire sans le CD&V. Mais ce n’est pas du tout la volonté d’Egbert Lachaert et le poids des francophones serait surreprésenté, ce que certains négociateurs refusent. Néanmoins, l’un d’eux n’en fait pas un tabou. Si la barre est placée trop haut par le CD&V, ‘nous devrons nous assurer que les Flamands apportent quelque chose de substantiel, par exemple en termes de migration et de sécurité, afin de compenser le surpoids des francophones’.