Alors que le Brésil s’enfonce toujours plus dans la crise du coronavirus et que le nombre de morts atteint des records, le président Jair Bolsonaro bataille pour la réouverture des salons de coiffure et des salles de musculation. Tout en devant se défendre d’accusations d’ingérence politique. Le tout sur fond de ‘corona scepticisme’…
Mardi, le Brésil a enregistré le chiffre record de 881 décès dus à la Covid-19 en 24 heures. Le bilan global frôle désormais les 12.500 morts et plus de 178.000 cas ont été confirmés, selon les données du centre Johns Hopkins.
Mais cela n’empêche pas le président brésilien, Jair Bolsonaro, de lutter de toutes ses forces contre les mesures de confinement pourtant prônées par les experts de la santé pour tenter d’enrayer la pandémie de nouveau coronavirus.
Salons de coiffure et salles de musculation ‘essentiels’
Dernier épisode de ce combat présidentiel, alors que le ministre brésilien de la Santé Nelson Teich, un médecin en poste depuis un mois, présentait les grandes lignes de sa stratégie de lutte contre le virus, il a été visiblement très surpris d’apprendre en direct la dernière décision du président: classer les salons de coiffure et les salles de musculation dans la catégorie des commerces jugés ‘essentiels’ afin que ceux-ci puissent échapper au lockdown. Un véritable camouflet alors que Nelson Teich venait juste d’annoncer un bilan des victimes de la Covid-19 toujours en forte hausse.
‘Bolsonaro marche vers le précipice et il veut tous nous emmener avec lui’
Si la décision de Jair Bolsonaro est avant tout symbolique, dans la mesure où se sont les différents États brésiliens et les municipalités qui ont le pouvoir de décider de l’étendue du confinement, elle illustre une nouvelle fois la farouche opposition du président à toute forme de lutte contre le coronavirus, à l’exception peut-être du port du masque.
‘Les gouverneurs qui ne sont pas d’accord avec le décret peuvent intenter des poursuites devant les tribunaux’, a-t-il tweeté. Selon Reuters, au moins 10 gouverneurs ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ignoreraient le décret présidentiel.
‘Bolsonaro marche vers le précipice et il veut tous nous emmener avec lui’, a tweeté en réponse le gouverneur de Rio de Janeiro, Wilson Witzel, mardi.
‘Des mesures drastiques, sinon la situation va devenir insoutenable’
Le Brésil est pour l’instant loin d’afficher un front uni face à la pandémie. Si des villes durement touchées par la pandémie, comme São Luiz, Fortaleza ou la banlieue de Rio ont décidé d’appliquer un lockdown strict, ce n’est pas le cas d’autres métropoles, comme Manaus.
À São Paulo, la plus grande ville du pays, on balance entre mesures strictes… et contre-productives. Il y a en effet été décidé d’interdire la circulation de la moitié des automobiles depuis lundi… Avec comme conséquence une hausse de l’utilisation des transports en commun, soit un terreau fertile pour la propagation du virus.
‘Si les mesures de confinement ne sont pas renforcées d’urgence, l’État devra adopter des mesures drastiques, comme cela s’est passé en Italie, sinon la situation va devenir insoutenable’, estime Renato Pedrosa, coordinateur du programme d’indicateurs de la science, technologie et innovation de la Fapesp, organe de recherche de l’État de São Paulo, à l’Agence Fapesp et dont les propos sont relayés par Les Echos.
Un complot communiste…
Il faut dire qu’au Brésil de Jair Bolsonaro, le corona scepticisme est en vogue, notamment dans les milieux politiques. Le ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araujó, évoquait encore récemment le ‘communavirus’, sous-entendant que le virus était un complot communiste…
Quant au président lui-même, il a dernièrement fait diffuser un film publicitaire anti-lockdown expliquant que ‘le Brésil ne pouvait pas s’arrêter’. Le spot a finalement été interdit par la Cour suprême brésilienne.
Et qu’a-t-il fait samedi dernier, lorsque le Brésil a officiellement franchi la barre des 10.000 décès dus au coronavirus? Du jet-ski…
Par ailleurs, rappelons que si Jair Bolsonaro avait limogé son précédent ministre de la Santé, c’était sous le prétexte que ce dernier préconisait le confinement face à la pandémie.
Chute dans les sondage et poursuites judiciaires
Il faut dire que l’avenir politique de Jair Bolsonaro s’assombrit de jour en jour. En plus de perspectives économiques désastreuses – les prévisions parlent d’une chute de 5% du PIB en 2020 – le président brésilien est au plus bas dans les sondages.
‘Face à la double crise, de la santé et de l’économie, la popularité de Bolsonaro qui est aujourd’hui autour de 30%, va continuer de chuter. C’est improbable qu’il termine son mandat dans ces conditions’, estime Mauricio Santoro, politologue à l’université de Rio de Janeiro, dont les propos sont repris par le journal Le Soir.
La démission du ministre de la Justice, Sergio Moro, le 24 avril dernier, a fait beaucoup de tort à Jair Bolsonaro. Très populaire, l’ex-juge avait dans la foulée accusé le président d’avoir nommé des proches à la tête de la police fédérale afin de se tenir informé des enquêtes concernant deux de ses fils.
Sans oublier que la Chambre des députés a reçu début mai une 27e demande en destitution émanant de l’opposition. Cette fois pour avoir appelé l’armée à ‘se ranger du côté du peuple’, le peuple étant ici représenté par les sympathisants de Jair Bolsonaro qui ont manifesté le 3 mai dernier contre la Cour suprême et le Congrès, deux institutions qui constituent des garde-fous au pouvoir présidentiel.
Mais pas de quoi calmer la morgue d’un Jair Bolsonaro qui se voit au pouvoir jusqu’en 2027, année qui marquerait le terme d’un second mandat qui, dans son esprit, débutera à coup sûr en 2022.
Lire aussi: