Toute l’affaire autour de Sihame El Kaouakibi (Open Vld), révélée par Business AM, a relancé le débat sur le financement des partis en Flandre. Les dotations sont trop importantes et devraient être revues, estiment le CD&V et Groen. Le PTB/PVDA voudrait même les réduire de moitié. Les dépenses sur les réseaux sociaux sont aussi dans le collimateur des Verts depuis un certain temps. Question: la N-VA et le Vlaams Belang sont-ils les principaux partis visés?
Dans l’actualité : la Vivaldi pourrait limiter la dotation attribuée aux partis politiques belges.
- Les factures d’un montant total de 103.000 euros de la députée Sihame El Kaouakibi, surtout connue pour être à la tête de l’ASBL anversoise de danse urbaine Let’s Go Urban, envoyées à l’Open VLD ont choqué le nord du pays.
- Cette affaire que nous vous révélions a mis en lumière une autre problématique, largement reconnue rue de la Loi: les partis politiques reçoivent trop d’argent.
- En off, tous les États-majors des partis le reconnaissent volontiers. Les partis politiques sont riches. Le même boulot pourrait être fait avec moins.
- Pour connaitre le mécanisme de dotation des partis, il faut remonter aux années 90. Les années Agusta. À l’époque, les partis dépendaient principalement des dons, ce qui laissait place à pas mal de corruption. Un nouveau système a donc été introduit, selon lequel chaque parti reçoit 3 euros par an par voix obtenue. Au total, 72 millions d’euros sont ainsi versés aux sièges des partis politiques.
- Dans le même temps, les dépenses électorales, par parti et par candidat, sont plafonnées. Une bonne chose qui connait aussi ses vices: chaque candidat dépense bien souvent le maximum qui lui est accordé par le parti pour sa campagne personnelle (publicités électorales, vidéos, affiches, réseaux sociaux…).
Les partis flamands sont les plus riches
- Les partis accaparent le montant restant, qui n’est pas dépensé dans les campagnes électorales. Et comme le montant est déterminé par le nombre de voix, les partis flamands sont forcément plus riches.
- Un exemple: la N-VA possède son propre bâtiment et 12 millions d’euros d’investissement potentiel. Au total, les capitaux propres du parti sont proches des 30 millions d’euros (2019).
- Même un parti comme Vooruit possède 10,7 millions d’euros de fonds propres. À titre de comparaison, le MR francophone est à 9,2 millions d’euros.
- Reste que la plupart des partis disposent d’importants fonds propres et ont souvent (au moins) un bien immobilier: le siège du parti.
Des pratiques d’un autre temps
- L’automne dernier, une rediscussion des règles de financement a atterri sur la table de négociation de la Vivaldi. Une prise de conscience générale vise à réformer la pratique. Le but: plus d’efficacité et moins de dépenses, comme cela s’applique à d’autres secteurs.
- Même l’accord de coalition le stipule : ‘Les règles de base de la vie politique, comme le statut des parlementaires ou la loi électorale, feront partie d’une proposition de réforme afin que la politique dans notre pays devienne plus éthique.’
- ‘Nous continuerons de réformer le système de financement des partis, comme l’a décidé la Chambre, entre autres en renforçant la transparence et le contrôle des revenus et des dépenses.’
- Dans les faits, rien de très probant pour le moment. Rediscuter du financement des partis est sans doute une bonne chose, mais quid des pratiques: quelles PME de 30 à 50 personnes possèdent son cuisinier permanent ou plusieurs chauffeurs? Combien de cabinetards entourent les responsables politiques?
- Les réponses sont simples: ce sont des pratiques et coutumes d’un autre temps.
- Mais la Vivaldi a distribué un nombre de portefeuilles ministériels plus importants que sous les précédentes législatures alors que la tendance était à la baisse. La justification: une nécessité politique de contenter tout le monde (et les partis sont nombreux par définition au sein de la Vivaldi).
- Vous voulez encore bien plus absurde? Une règle stipule qu’au moins deux employés de chaque ministre sortant doivent être maintenus durant une législature supplémentaire. Ce qui démultiplie les rôles. Le MR qui comptait 7 portefeuilles ministériels lors de la précédente législature a pu en profiter.
- Il en va de même pour les allocations de retraite des parlementaires. Déjà discutées mais très peu réformées, elles sont très généreuses. Le débat revient presque à chaque fois, à la fin d’une législature et le montant des allocations font les gros titres des journaux.
- En principe, il s’agit d’une rémunération forfaitaire de 7.611 euros par mois, avec une allocation de dépenses de 2.131 euros supplémentaires. Une cotisation de retraite de 8,5% et des impôts doivent être payés sur ce montant. Par exemple, un ancien parlementaire aura encore un revenu brut de près de 10.000 euros pendant un certain temps, en fonction de son ancienneté.
- Lors de la dernière réforme, le montant total a été plafonné à 24 mois et donc à un maximum de 240.000 euros.
- Mais parmi ceux qui sont dans l’ancien système, et ils étaient encore nombreux, on retrouve par exemple Pieter De Crem qui a reçu au total 390.000 euros lorsqu’il a quitté le gouvernement Wilmès II.
Les plus gros sont visés
- Lors du rendez-vous politique dominical sur la VRT (Zevende Dag), Groen et le CD&V ont plaidé pour s’attaquer aux dotations des partis, comme indiqué dans l’accord de coalition.
- Au même moment, sur un autre plateau TV (ATV), Joachim Coens (CD&V) et Conner Rousseau (Vooruit) s’accordaient sur un plafonnement, qui vise donc surtout ‘les plus gros’ partis.
- Avec 1.086.787 voix à la Chambre pour la N-VA et 810.177 pour le Vlaams Belang, ces partis bénéficient des montants les plus importants. Le suivant est le PS avec environ 640.000 voix. Il y a donc de fortes chances que des ‘montants maximums’ s’appliquent surtout à eux si on parle de plafonnement.
- Si la réforme consiste à revoir le système d’un certain montant par voix, à contrario, ce sont les petits partis qui seront les plus affectés.
- Il y a donc pour le moment une lutte politique entre ces deux réformes.
Réseaux sociaux
- L’autre grand débat lié aux partis politiques se situe au niveau des réseaux sociaux. Les montants consentis sont très importants et assez disparates entre les partis. Le Vlaams Belang est souvent cité en tête des dépenses suivi par le PTB/PVDA.
- Le chef de groupe Groen à la Chambre Wouter De Vriendt, a proposé de réduire cette enveloppe incontrôlée. ‘Ces dépenses ne sont pas réglementées actuellement. Les partis dépensent des millions en propagande, mais aussi en ‘discours de haine’. Nous devons réguler cela.’
- Son homologue francophone, Gilles Vanden Burre (Ecolo), nous l’expliquait déjà en juillet dernier. Estimant que les réseaux sociaux faisaient surtout le jeu des partis populistes, il prévoyait même de réformer la Constitution: ‘Il est inconcevable qu’un jeune de 13 ans puisse être inondé de publicités politiques, en particulier du Vlaams Belang.’