La Vivaldi s’est mise d’accord sur les nouvelles règles budgétaires de la zone euro, qui doivent succéder aux normes de Maastricht. Avec une « position centrale », le gouvernement fédéral se rend auprès de l’UE, qui se réunit cette semaine, pour discuter des nouvelles règles : la Belgique souhaite conserver les grandes lignes du mécanisme de stabilité actuel (SME), notamment avec un déficit budgétaire maximal de 3 %. Mais, sur un point, le PS, qui tapait vigoureusement sur la table par l’intermédiaire du secrétaire d’État Thomas Dermine (PS), semble maintenant soutenu : on se dirige vers une exception pour les gros investissements verts, qui ne relèveraient pas du budget. « Cette révolution verte n’est pas possible si vous ne maintenez pas ces dettes en dehors des règles budgétaires. Sinon, la classe moyenne européenne va le ressentir incroyablement. »
Dans l’actualité : Cette semaine, l’Eurogroupe, qui regroupe les États membres de l’UE ayant l’euro comme monnaie, se réunit pendant deux jours à Bruxelles.
Les détails : Outre les discussions sur la hausse de l’inflation, qui suscite l’inquiétude, une grande question est à l’ordre du jour : les nouvelles règles budgétaires pour l’Europe.
- Au sein du gouvernement fédéral, un groupe de travail se penche depuis un certain temps sur la position belge concernant les nouvelles règles budgétaires. Il comprenait le Premier ministre lui-même, Alexander De Croo (Open Vld), le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), et les secrétaires d’État Eva De Bleeker (Open Vld) et Thomas Dermine (PS) : un groupe de haut niveau qui devait trouver une solution commune.
- Sur le plan du contenu, il s’agit d’un sujet extrêmement sensible : le système monétaire européen (SME) est la camisole dans laquelle se trouvent les pays de la zone euro pour maîtriser leurs finances publiques, avec la Commission européenne comme chien de garde. Il est nécessaire pour maintenir l’ensemble de la zone euro dans certains clous, et pour ne pas laisser les dépenses de certains États membres (du sud de l’Europe) dérailler complètement.
- Mais la crise corona a ébranlé la gestion financière de l’ensemble de l’Europe : partout, les budgets ont plongé dans le rouge et le taux d’endettement des États membres a soudainement augmenté. La question est de savoir ce qui prendra la place des nouveaux accords après la crise. Le commissaire européen Paolo Gentiloni, un socialiste italien chargé des finances, a lancé le processus de réforme, qui sera achevé l’année prochaine.
- Classiquement, ce processus oppose les pays dits du « Club Med » aux « Frugaux » : les pays du sud de l’Europe endettés et en déficit budgétaire aux pays économes du nord. La Belgique flotte tout aussi classiquement entre les deux : sur le papier, nous avons des chiffres de ceux du Sud, politiquement c’est une autre affaire. De ce côté là, les partis flamands sont beaucoup plus favorables à l’idée que la discipline budgétaire est nécessaire, tandis que les partis francophones voient beaucoup moins de problèmes dans les dettes publiques.
- Le PS a été très clair à ce sujet en octobre. Le secrétaire d’Etat à la Relance Thomas Dermine (PS) a mis sur la table une proposition particulièrement lourde : l’Europe doit réaliser 5 000 milliards d’investissements dans les dix prochaines années. Et elle peut mettre cet argent sur la table, tout comme les 750 milliards que l’UE a déjà affectés à la relance corona. Dermine a fait valoir que ces investissements peuvent être financés par des taxes supplémentaires, la lutte contre la fraude fiscale au niveau européen, et surtout par l’émission de titres de créance.
- Des sommes énormes, en d’autres termes, qui s’inscrivent dans le cadre idéologique avec lequel Dermine se promène depuis un certain temps : la nouvelle théorie monétaire, qui stipule que les pays qui ont leur propre liberté monétaire (la question est de savoir si cela inclut l’euro) peuvent s’endetter sans trop de contrôle.
- Immédiatement, l’opposition N-VA a crié au meurtre : encore un exemple d’un membre du PS qui veut juste ouvrir le robinet. Un montant de 5 000 milliards fait appel à l’imagination. Et au sein même de la coalition, il y a eu quelques récriminations : pourquoi le PS voulait-il à nouveau se mettre en avant ? Un mois plus tard, il s’avère que Dermine n’a pas encore mis son grand projet sur la table du gouvernement: « Il ne l’a même pas présenté lors d’un IKW (le groupe de travail des chefs de cabinet qui prépare le travail du gouvernement, ndlr). C’était donc surtout pour pouvoir assister à De Afspraak », entend-on dans les couloirs du gouvernement fédéral.
En résumé: la Belgique va effectivement procéder à un ajustement fondamental des règles.
- Alors que la COP26 bat son plein et que l’on discute partout de la « transition verte », une chose est claire : le passage à une économie différente et durable nécessitera des sommes gigantesques. « Le chiffre de Dermine est correct, mais sa méthode ne l’est pas », résume une partie prenante. « L’Europe devra en effet investir un total de quelque 5 000 milliards au cours des prochaines années. »
- Au sein de l’Eurogroupe, qui se réunit à Bruxelles cette semaine, un consensus de plus en plus large se dégage pour dire que ces sommes d’investissements verts ne peuvent être incluses dans les tableaux budgétaires. « Sinon, chaque État membre risque de devoir se livrer à des exercices financiers impossibles, qui se feront au détriment de la classe moyenne. Si nous la perdons, l’ensemble de l’exercice vert s’arrêtera inévitablement », c’est ainsi que le ministre des finances Van Peteghem (CD&V) a défendu hier la position belge devant ses collègues européens. Cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
- Dans le même temps, de grandes parties des normes de Maastricht restent en place :
- La norme des 3% ne serait pas touchée : même certains socialistes ne sont pas d’accord avec l’abandon de cette norme symbolique.
- Il en va de même pour le taux d’endettement, qui est actuellement officiellement de 60 %, mais qui pourrait éventuellement être porté à 100 %. La probabilité que cela se produise n’est pas grande, car il n’y a pas d’unanimité. Même si cela se produit, la Belgique sera toujours en « infraction » : le taux d’endettement dans notre pays est maintenant de 114 %.
- « N’oubliez pas que pour ce genre de changement, il est en fait nécessaire d’adapter le traité européen. Et c’est un processus délicat : chaque État membre peut bloquer le tout », dit-on dans les milieux diplomatiques.
- Ce qui est possible, en revanche, c’est que le taux d’endettement soit en principe réduit à un taux fixe chaque année, si les pays dépassent 60%. Mais la Commission pourrait examiner cette question sur une période plus longue qu’un seul exercice budgétaire, donnant certainement aux pays du Club Med une plus grande marge de manœuvre.
Ce que cela signifie : l’ensemble de l’exercice budgétaire aura un aspect différent dans les années à venir.
- Bruxelles et la Wallonie l’ont déjà largement utilisé lors du dernier conclave budgétaire, la Flandre un peu moins : en laissant les investissements hors du budget, le déficit reste « limité » sur le papier, alors que les dépenses réelles augmentent, bien sûr.
- Jean Hilgers, directeur de la Banque nationale, est venu hier au Parlement wallon pour expliquer la situation des finances publiques wallonnes. Il y a évoqué une dette qui s’élève à plus de 27 milliards d’euros, soit près de 200 % de ses revenus pour une année, mais qui menace de passer à 50 milliards en 2030. La question est de savoir si cette situation est viable à long terme, en tout cas si le taux d’intérêt actuellement bas augmente : alors, une boule de neige de la dette menacerait.
- Hier, le gouvernement flamand a également présenté des chiffres peu réjouissants : la dette flamande augmentera jusqu’en 2026, pour atteindre 53 milliards d’euros. Cela représente 94 % des recettes annuelles de la Flandre. Là aussi, une grande partie est consacrée aux « investissements », tels qu’Oosterweel, la construction d’écoles, l’innovation et le récent plan de relance.
- Mais dans le même temps, alors que la COP26 est en cours, il apparaît de plus en plus clairement quels efforts gigantesques seront demandés à l’Europe en matière de verdissement. En négociant presque ouvertement son plan climatique, le gouvernement flamand, qui s’est retrouvé dans un spectacle peu reluisant la semaine dernière, a soudain rendu les choses très tangibles : le changement arrive beaucoup plus vite et plus radicalement que beaucoup ne le pensaient.
- Le fait de ne pas inclure l’ensemble de l’investissement vert dans le budget signifie déjà que les pays européens ne seront pas contraints de réduire leurs coûts ou de lutter contre l’évasion fiscale.
- L’inconvénient est de taille : contracter de telles dettes, dont les montants sont de l’ordre de 5 000 milliards, et les maintenir hors du budget, n’est possible qu’avec la politique de taux d’intérêt telle que celle menée aujourd’hui par la BCE. C’est-à-dire avec des taux d’intérêt extrêmement bas, de sorte que les débiteurs (en particulier les gouvernements) ne ressentent que peu ou pas de pression.
- Mais même cette politique est soumise à une pression considérable. Tout d’abord, elle ronge la forme classique d’investissement utilisée par des millions d’épargnants européens, en particulier ceux de la classe moyenne : le livret d’épargne devient pratiquement sans valeur comme investissement.
- Et bien pire : l’inflation pour l’ensemble de la zone euro atteint actuellement 4 %. C’est un sujet également important lors de la réunion de l’Eurogroupe. Mais la BCE, avec une Christine Lagarde qui joue les pompiers, a assuré à tout le monde que cette forte inflation n’est que « temporaire » : elle est principalement le résultat des prix de l’énergie et de l’augmentation de la TVA en Allemagne. Mais si l’inflation reste à ce niveau en 2022, la zone euro aura un gros problème. Car il y a alors la menace d’un catch 22 : la dépréciation monétaire va trop vite, mais augmenter les taux d’intérêt signifie resserrer l’étau pour tous les pays de la zone euro dont le ratio d’endettement est faible.
- Il est déjà frappant de constater que tant la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, que la Banque d’Angleterre, envoient des signaux très différents : là-bas, les hauts responsables bancaires indiquent qu’une hausse des taux d’intérêt est imminente, juste pour refroidir l’inflation.