Ce mercredi, la banque centrale russe doit payer 117 millions de dollars d’intérêts sur deux euro-obligations souveraines. Une première échéance sur quatre qui vaut uniquement pour le mois de mars. Les sanctions occidentales privent la banque centrale d’une partie importante des réserves de change du pays et l’empêchent de payer ces intérêts en euros et en dollars.
Cela constituerait un premier défaut de paiement de la Russie depuis 1998, date à laquelle la banque centrale avait fait défaut sur sa dette intérieure. Mais il s’agit du premier défaut de paiement souverain sur une dette en devises étrangères depuis 1918 et la révolution bolchévique.
Les sanctions occidentales tournent à plein pot. Moscou a bien essayé de minimiser l’impact de ces sanctions par le contrôle des capitaux, mais la situation a mené les trois principales agences de notation à baisser la note de la Russie, jugeant un défaut de paiement comme très probable.
Un jeu complexe
Le gouvernement russe a prévenu que les paiements de ses créanciers interviendraient en roubles, fortement dévalués depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais pour ce qui est de l’échéance de mercredi, ces paiements ne peuvent se faire avec des devises russes. Le ministre russe des Finances a annoncé lundi que la Russie utiliserait ses réserves de yuans pour effectuer certains de ses paiements. Dans l’un ou l’autre cas, cela équivaudrait à un défaut de paiement.
Mais les Occidentaux ont en fait un intérêt à ce que la Russie épuise ses derniers actifs en devises étrangères pour payer ses créanciers. Car cela réduirait encore la marge de manœuvre de la banque centrale russe. Il n’est donc pas encore tout à fait clair, et c’est l’argument de la Russie, si les sanctions gelant les actifs en dollar et en euro seront véritablement appliquées demain. La Russie pourrait faire valoir qu’elle a tenté de payer ses créanciers, mais qu’elle a été empêchée de réaliser la transaction en raison des sanctions.
C’est un jeu à plusieurs bandes: la Russie aurait en fait intérêt à ne pas rembourser ses créanciers, de sorte qu’elle n’épuise pas ses devises étrangères et que ces mêmes créanciers fassent pression sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils allègent leurs sanctions. D’un autre côté, un défaut de paiement entrainerait la Russie dans des conséquences sans doute plus graves et à long terme.
La chaine économique américaine CNBC a interrogé plusieurs spécialistes. Parmi ces conséquences:
- Une note des agences de notation qui baisserait encore, menant à une grande difficulté pour la Russie à emprunter sur les marchés. Même si la guerre s’arrêtait subitement, ces notations seront lentes à rétablir.
- Sans emprunt ou avec des emprunts à des taux peu favorables, c’est l’économie russe qui serait touchée de plein fouet.
- La Russie possède toutefois des finances solides grâce à ses ressources naturelles. Elle n’est pas extrêmement dépendante du financement étranger. C’est moins le cas des entreprises russes qui pourraient être les premières victimes d’un scénario de défaut de paiement. Si l’économie russe bascule dans la récession, la probabilité de défauts de paiement des entreprises augmente.
Pour le reste du monde, un défaut de paiement de la Russie est toutefois limité. Les avoirs des banques mondiales en Russie ne sont que de 120 milliards d’euros, même si les banques européennes sont plus exposées que les banques américaines.
Pour ce qui est des avoirs de la dette russe en devises étrangères détenus par des non-résidents, on estime le total à 20 milliards d’euros.
Bref, pas de quoi créer un effet domino sur toute la planète financière.