La politique éhontée du Parlement européen en coulisses: pas de transparence sur les dépenses

Le Parlement européen a voté lundi contre des mesures visant à apporter plus de transparence sur la manière dont les députés dépensent chaque mois une enveloppe de 4.400 euros qui leur est allouée pour leurs dépenses de frais généraux comme les notes d’hôtel, restaurants, frais de déplacements, et frais de fonctionnement pour leurs propres bureaux.

La décision a été prise à huis clos par le Bureau du Parlement, un organe dans lequel siègent le président et les vice-présidents du Parlement européen, et qui est responsable de la gestion quotidienne. Cela faisait un an qu’un débat avait été initié à ce sujet, à l’origine de ce vote.

« Absolument scandaleux »

Nick Aiossa, de l’ONG Transparency International, juge cette décision “absolument scandaleuse”. Il critique “le Parlement pour se montrer incapable d’accepter un semblant de transparence et de responsabilité sur la façon dont les députés dépensent chaque année 40 millions d’euros d’argent du contribuable”.

Actuellement, les députés n’ont pas à justifier l’usage qu’ils font de cette indemnité, qui est virée mensuellement sur leur compte bancaire personnel, en plus de leur salaire. Des militants avaient dénoncé cette pratique et un collectif de journalistes avait même porté plainte à la Cour européenne de Justice en 2009, mais leurs combats sont restés lettre morte. Les membres du bureau se sont opposés à une proposition visant à obliger les eurodéputés à produire des notes de frais, de rendre les fonds inutilisés, d’accepter des audits, ou de rendre les détails de leurs dépenses publics.

La seule concession à laquelle ils ont consentie, c’est que désormais cette indemnité sera versée sur un compte bancaire distinct. En revanche, aucune forme de contrôle n’a été prévue, ce qui signifie que cette mesure n’aura virtuellement aucun aucun impact.

Une justification : réaliser des économies…

Heidi Hautala des Verts finlandais, qui est l’un des 14 vice-présidents du Bureau, estime que la décision montre que “certains groupes politiques n’entendent pas les préoccupations des gens ordinaires concernant la manière dont l’argent des contribuables est dépensé”.

Il y a deux ans, Marjory van den Broeke, vice-porte-parole du Parlement européen, avait expliqué à un journaliste du quotidien danois Berlingske que c’était le souci de ne pas gaspiller l’argent du contribuable et de limiter les frais de fonctionnement qui motivait le Parlement européen à s’exempter de contrôler les notes de frais des Eurodéputés : “Le Parlement devrait employer plus de personnel si nous devions collecter et contrôler les différentes factures des 751 membres du parlement. Cela augmenterait les coûts, plutôt que de les réduire”, avait-elle dit. Nous vous laissons apprécier…

Et la Commission ?

L’année dernière, après avoir adressé 195 demandes pour obtenir ces informations, l’ONG espagnole Access Infos a réussi à obtenir un rapport sur les frais de déplacement engagés par les commissaires européens au cours des deux premiers mois de 2016.

Le magazine Knack avait analysé ces frais et conclu qu’au cours de ces 2 mois, les 28 commissaires avaient visité 49 pays dans le cadre de 261 missions (incluant les sessions au parlement de Strasbourg), et que leurs frais de déplacements correspondants se montaient à 492.249 euros.

Là encore, la Commission a toujours résisté à la publication de ses frais de déplacement, au motif qu’elle générerait “une charge administrative disproportionnée” pour une institution qui est déjà “l’une des organisations les plus contrôlées du monde”, compte tenu qu’elle doit justifier ses dépenses devant le Parlement européen et la Cour européenne.

L’UE n’a pas tiré les leçons du Brexit

Mais ces arguments n’ont guère convaincu certains commentateurs, et certainement pas le journal britannique Telegraph, qui avait estimé à l’époque que l’UE n’avait malheureusement pas tiré les leçons du Brexit : “[L’UE] n’a aucune compréhension instinctive de son obligation de rendre des comptes. La raison en est évidente : il n’y a pas de pression démocratique. Les commissaires non élus qui abusent de leurs privilèges ne redoutent pas d’être chassés par des électeurs furieux. (…) N’ont-ils rien appris du Brexit ? (…) La transparence et la recevabilité sont les deux grandes qualités qui manquent cruellement au projet européen auquel tant de fédéralistes rêvent”.

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