Dans la polémique actuelle entre la Russie et l’OTAN, il est intéressant d’examiner la position de la Hongrie et de son Premier ministre Viktor Orban. Le pays est peut-être membre de l’OTAN depuis 1999, mais il entretient toujours des liens étroits avec la Russie de Vladimir Poutine. Et bien qu’Orban condamne l’invasion de l’Ukraine, son régime est extrêmement prudent en matière de sanctions et de soutien.
Les relations de la Hongrie avec la Russie remontent au milieu du siècle dernier : pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique a pris le contrôle du pays balkanique et, en 1948, il a rejoint (en tant qu’État indépendant) le Pacte de Varsovie, l’alliance censée contrer la menace occidentale de l’OTAN. Les premières entailles dans cette relation sont apparues en 1956, lorsque la révolution hongroise a eu lieu, contre le régime stalinien de Matyas Rakosi. La Russie intervint violemment, dans le but de maintenir la Hongrie dans la sphère d’influence russe. Cela a lamentablement échoué.
Après l’effondrement de l’Union soviétique, les liens entre la Hongrie et la nouvelle Russie ont été rétablis. En particulier lorsque Viktor Orban est arrivé au pouvoir en 2010, les relations entre les deux pays sont devenues plus cordiales. Orban a proposé une « politique d’ouverture à l’Est » : la Hongrie, en tant que membre de l’UE, de l’OTAN et des Nations unies, s’est trop préoccupée des intérêts occidentaux et pas assez de ceux de l’Est.
Ces relations ont été renforcées par l’expansion d’une centrale nucléaire dans le village hongrois de Paks en 2014. Le maître d’œuvre était l’entreprise publique russe Rosatom, qui devait construire deux nouveaux réacteurs d’une capacité totale de 2.000 MW pour un coût total de 13 milliards d’euros. Sur ces 13 milliards, la Russie prêterait 80 % à la Hongrie. Ce pays dépend déjà de la centrale nucléaire pour 50 % de son mix énergétique, le reste provenant du pétrole et du gaz russes.
Pendant la pandémie de coronavirus, les deux pays se sont montrés plus proches que jamais : la Hongrie a été le premier membre de l’UE à acheter le vaccin russe Spoutnik, bien qu’il n’ait pas été approuvé par l’Agence européenne des médicaments (EMA).
L’Ukraine comme une patate chaude
En ce qui concerne l’Ukraine, la position hongroise est légèrement plus nuancée. Lorsque la Russie a envahi le pays en 2014, annexant la Crimée et soutenant les rebelles séparatistes de l’est de l’Ukraine dans leur lutte pour l’indépendance, Viktor Orban a rejeté les sanctions européennes contre la Russie. Cela lui a valu le surnom de « cheval de Troie » ; membre de l’UE mais agissant dans l’intérêt de la Russie.
Cette invasion, cependant, semble être un pas de trop pour Orban. Lorsque la Russie a reconnu unilatéralement l’indépendance des régions séparatistes de Donetsk et de Luhansk et que l’UE a annoncé des sanctions, tout le monde a regardé nerveusement la Hongrie. C’était le moment de vérité : le pays allait-il choisir l’UE ou la Russie ?
La Hongrie a choisi la première option : Orban a soutenu les sanctions européennes. Même lorsque la rhétorique anti-Ukraine de la Russie s’est transformée en invasion, la Hongrie s’est fait belle auprès du reste de l’UE et de l’OTAN. La Hongrie accueillerait les réfugiés ukrainiens, soutiendrait la demande de l’Ukraine de devenir un État membre de l’UE et autoriserait les troupes de l’OTAN sur le territoire hongrois.
Toutefois, le transit d’armes vers Kiev via Budapest a constitué un pas de trop pour Orban. L’aide non létale, comme les médicaments, la protection et les ressources humanitaires, n’est pas non plus bienvenue via le pays pour le moment. Ainsi, la Hongrie se montre encore prudente lorsqu’il s’agit de soutenir directement l’Ukraine.
Élections, élections
Selon Daniel Gros, membre du groupe de réflexion CEPS, tout est lié à la position politique d’Orban. « C’est un opportuniste, soutenir la Russie lui rapporterait peu aujourd’hui. Le soutien à Poutine à l’avenir est également incertain, car cela ne serait pas bien vu par ses propres partisans. C’est pourquoi il accepte les sanctions », a-t-il déclaré sur CNBC.
Un autre enjeu,, plus grand et plus personnel, semble être en cours pour Orban : les élections parlementaires hongroises du 3 avril. Là, le parti Fidesz d’Orban va affronter une opposition unie derrière Peter Marki-Zay. Ce dernier n’a qu’un seul objectif : évincer Orban du fauteuil de Premier ministre et ainsi replacer la Hongrie plus fermement dans l’UE. Dans les sondages, le Fidesz est toujours en tête, mais une mauvaise décision dans le conflit russe pourrait rapidement faire basculer la situation.