« Décrocher son premier emploi a toujours été difficile, mais cette année, c’est pire que jamais. L’intelligence artificielle est en cause, » explique Matthew Lynn.
Décrocher son premier emploi a toujours été difficile. Mais cette année, la tâche s’avère plus ardue que jamais. Selon le site d’emploi Indeed, les jeunes diplômés font face au pire marché du travail depuis 2018. En septembre, le géant du conseil PWC, traditionnellement grand recruteur, a annoncé qu’il embaucherait 200 jeunes diplômés de moins cette année. Au Royaume-Uni, le fait que l’économie stagne n’aide pas. Mais même aux États-Unis, en pleine croissance, une histoire similaire se dessine. Selon le cabinet d’études Cengage, seulement 30 pour cent des diplômés de cette année ont trouvé un emploi dans leur domaine. Les facteurs locaux diffèrent d’une économie à l’autre, mais partout dans le monde développé, un autre phénomène est à l’œuvre : les emplois juniors pour diplômés disparaissent.
La raison de cet état de fait n’est pas difficile à deviner. L’IA progresse à un rythme tel qu’elle se substitue désormais à une grande partie des tâches autrefois confiées aux jeunes diplômés. Plus haut dans la hiérarchie, où se prennent les grandes décisions et où l’on attend compétence et perspicacité, la plupart des emplois restent pour l’instant relativement à l’abri. Les robots intelligents ne savent pas encore faire ce type de travail. Mais rédiger des documents dans un cabinet d’avocats, ou vérifier des feuilles de calcul dans un cabinet comptable, des tâches traditionnellement laissées aux stagiaires, peut désormais être accompli de façon satisfaisante par l’un des systèmes d’IA sophistiqués. En pratique, les robots ont supprimé le premier échelon de la carrière professionnelle, laissant de nombreux diplômés en difficulté pour accéder à l’emploi.
Cela constitue un véritable défi pour les décideurs publics. Si les diplômés ne trouvent pas de premier emploi, leurs compétences s’érodent, les dettes contractées pour financer leurs études ne seront jamais remboursées, et ils n’auront jamais la chance de bâtir une carrière enrichissante ou de contribuer à l’économie dans son ensemble. Ce serait une catastrophe.
Que faire, alors ?
Beaucoup plaideront pour des contrôles ou des réglementations. Ils diront que les systèmes d’IA ne devraient pas être autorisés à remplacer les emplois assurés par des humains, ou encore que les entreprises devraient embaucher au moins autant de jeunes qu’il y a cinq ans. Certains pourraient même appeler à interdire totalement l’IA. Mais ce néo-luddime ne fonctionnera pas. Nous ne voulons pas freiner le développement de l’IA, compte tenu de l’explosion de productivité qu’elle pourrait générer dans toute l’économie. Mais, inversement, nous ne voulons pas non plus que la génération Z reste au chômage, ou qu’une génération entière ait la malchance de subir seule tous les effets de la transition technologique.
Comment contrer l’hécatombe de l’emploi due à l’IA
Il n’existe qu’une solution véritable : il faut déréglementer radicalement le marché de l’emploi pour les moins de 30 ans. Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste a choisi le pire moment pour octroyer aux travailleurs des droits complets à l’emploi dès le premier jour. Cela ne fera qu’aggraver la situation déjà difficile des jeunes diplômés. Difficile de voir pourquoi une entreprise embaucherait un jeune cette année, alors que l’IA fera bientôt le même travail, et qu’elle devra, si besoin, verser une lourde indemnité de départ. Le gouvernement devrait prévoir une dérogation pour les moins de 30 ans. Il faudrait même aller plus loin. Le Portugal vient d’offrir aux moins de 35 ans une exonération fiscale totale la première année d’emploi, puis de 75 pour cent la deuxième année. Le Royaume-Uni, comme d’autres pays, pourrait facilement s’en inspirer. Il pourrait aussi réduire les cotisations sociales sur les « premiers emplois » de diplômés, annulant la forte hausse décidée lors du dernier budget.
Une chose est certaine : la génération Z fait face à une hécatombe de l’emploi due à l’IA. Les emplois de début de carrière sur lesquels reposaient des trajectoires professionnelles entières sont remplacés par des programmes informatiques ultra-compétents, moins coûteux et plus faciles à gérer. La seule riposte possible est de créer de nombreux nouveaux emplois pour remplacer ceux que les machines supplantent, et seule une grande vague de déréglementations pourra permettre d’y parvenir.
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