Face aux tensions croissantes entre les pays d’Europe occidentale et la Russie, la question de son adhésion à l’OTAN se pose en Finlande. La majorité de la population n’y est toutefois pas favorable, malgré un renforcement des partisans de l’Alliance. Mais pour le Kremlin, il s’agirait d’une grave provocation, alors que son voisin balte s’était tenu à une stricte neutralité durant toute la guerre froide.
Le terme de finlandisation désigne, depuis la guerre froide, les limitations imposées par un État puissant à l’autonomie d’un voisin plus faible. Forgé par un diplomate autrichien en 1953 pour alerter son propre pays, ce néologisme fait référence explicitement à la Finlande, considérée comme devenue neutre par nécessité, pour préserver sa souveraineté nationale face à l’URSS et éviter de défier la superpuissance voisine. La république nordique s’est ainsi abstenue de se rapprocher de l’OTAN. L’expression passe d’ailleurs très mal en Finlande, où on considère généralement qu’elle fait fi de la situation particulière du pays et de sa volonté de compromis, après l’agression soviétique de 1939 puis le statuquo qui a suivi la guerre de Continuation, de 1941 à 1944.
« Liberté de choix »
Si la Finlande a rejoint l’Union européenne en 1996, elle s’est toujours abstenue de faire de même avec l’Alliance atlantique. Mais cela pourrait changer à l’aube de la crise entre l’Ukraine et la Russie, qui porte, justement, sur la très sensible question de l’adhésion ukrainienne, inacceptable pour Moscou. Le président finlandais, Sauli Niinisto, et la Première ministre, Sanna Marin, ont profité de leurs allocutions de Nouvel An respectives pour souligner que le pays se réservait la possibilité de demander l’adhésion à l’OTAN, rapporte le Financial Times.
« Qu’il soit dit une fois de plus : La marge de manœuvre et la liberté de choix de la Finlande incluent également la possibilité d’un alignement militaire et d’une demande d’adhésion à l’OTAN, si nous en décidons ainsi », a déclaré M. Niinisto. Mme Marin a ajouté dans son propre discours que chaque pays avait le droit de décider de sa propre politique de sécurité, soulignant : « Nous avons montré que nous avons tiré les leçons du passé. Nous ne renoncerons pas à notre marge de manœuvre ».
C’est là une prise de position assez radicale, alors que la Finlande se retrouve bien malgré elle en première ligne dans le jeu de tensions croissante entre la Russie et les pays occidentaux. En novembre dernier, alors que la Pologne était confrontée à une « attaque hybride » quand le gouvernement biélorusse a poussé vers ses frontières des milliers de candidats à la migration alors que s’installaient des conditions hivernales, le pays nordique s’est senti aussi menacé.
Une question qui divise
En outre, ses proches voisins se positionnent aussi ouvertement en faveur de l’Ukraine : la semaine dernière, la petite Estonie, frontalière de la Russie avec qui elle entretient des relations peu cordiales et membre de l’OTAN, a annoncé son intention de livrer des lance-missiles Javelin à Kiev, ainsi que des pièces d’artillerie. Or, celles-ci avaient été rachetées à la Finlande, et l’Estonie est censée avoir l’autorisation des pays fournisseurs avant de les exporter à son tour. Une situation qui oblige la Finlande à se positionner.
Selon un récent sondage publié par Euractiv, 50 % des Finlandais se disent opposés à l’adhésion à l’OTAN et 25 % y sont favorables, bien que le nombre de personnes en faveur de l’adhésion ait légèrement augmenté récemment. Il faut dire que cette décision pèserait lourd sur les relations internationales du pays, car il s’agirait là pour le voisin russe d’une véritable provocation alors que le Kremlin réclame la fin de l’expansion de l’OTAN et une limitation du déploiement militaire et des exercices dans les pays qui ont rejoint l’Alliance après 1997. La diplomatie russe a déjà fait savoir que, pour elle, une extension de l’OTAN en Finlande, en Suède, et bien sûr en Ukraine, serait inacceptable.