Alors qu’une hausse des taux d’intérêt de 0,5 point semble plus que probable ce mercredi, à l’issue de la réunion de la Réserve fédérale, un ancien président de l’institution évalue les chances qu’a la Fed d’éviter la récession, et elles lui semblent plutôt minces.
Ce mardi et mercredi, les dirigeants de la Fed se réunissent pour décider de nouvelles mesures pour resserer la politique monétaire et freiner l’inflation. Lors de la dernière réunion, en mars, le taux d’intérêt avait été augmenté de 0,25 point. Depuis, le monde économique s’attend à une hausse de 0,5 point (une première d’un tel ordre de grandeur en plus de 20 ans), à la fin de cette réunion-ci.
Mais les marchés craignent également que la Fed ne tire trop brusquement sur le frein à main, et qu’avec ces hausses des taux d’intérêt, l’activité économique soit réduite, menant l’économie vers la stagflation ou la récession, alors qu’elle est encore en train de se remettre de la pandémie. C’est là que la Fed doit trouver un équilibre.
Mais est-ce seulement possible de réduire l’inflation en évitant de glisser vers la récession? Pour Bill Dudley, président de la Réserve fédérale de New York de 2009 à 2018, interrogé par CNN, c’est « très, très improbable » de réussir un tel « atterrissage en douceur ». Déjà, la Fed aurait dû intervenir plus tôt, pour calmer l’inflation en amont. « Ils ont été très, très tardifs dans la suppression de l’accommodation de la politique monétaire », analyse-t-il. « Cela va s’avérer, rétrospectivement, être un peu une erreur de politique ».
Pression des salaires
Une raison pour laquelle cet atterrissage en douceur est difficile est que pour freiner l’inflation, il faudrait augmenter le taux de chômage. En résumé, les Etats-Unis connaissent actuellement une situation de plein emploi et même de pénurie de main-d’oeuvre, où les entreprises doivent payer plus pour attirer ou garder les candidats. Avec un taux de chômage plus haut, ces frais baissent, car la perspective de se retrouver sans emploi fera que les personnes changent plus difficilement d’emploi, et que les prétentions salariales partiront à la baisse, car il y aura plus de candidats pour moins de postes.
Ainsi, la pression des salaires sur l’inflation pourra baisser, mais pour Dudley, c’est un risque. « Dans le passé, lorsque vous avez poussé le taux de chômage à la hausse, vous n’avez presque jamais été en mesure d’éviter une récession à part entière », explique-t-il, pointant l’impact psychologique sur la croissance. « Les gens, lorsqu’ils commencent à voir que le marché du travail se détériore, commencent à s’inquiéter de leurs propres perspectives d’emploi. Ils réduisent alors leur consommation et les dépenses. »
Le président actuel de la Fed, Jerome Powell, indique que des atterrissages en douceur ont déjà eu lieu, et ont même lieu souvent. Mais Dudley tempère : le taux de chômage était plus haut que ce qu’il est aujourd’hui. A uniquement 3,7%, il est actuellement à des niveaux historiquement bas.
A quand, la récession?
Pour 2023 et 2024, Dudley estime que la chance que la récession arrive est de plus de 50%. Notamment à cause des hausses des taux d’intérêt, qui rendront certains coûts, comme les prêts ou les cartes de crédit, plus chers. Cela réduira les dépenses et l’argent en circulation, ainsi que la demande. En d’autres mots, une baisse des dépenses et de la consommation est également synonyme d’une baisse de l’activité économique, ce qui peut se traduire par une récession.
De son côté, la Fed a toujours la possibilité de baisser les taux d’intérêt à nouveau, si l’activité venait à être trop freinée. Dans les mois à venir, la Fed aura donc du pain sur la planche, et devra jouer à l’équilibriste, pour trouver le juste milieu. Surtout qu’en même temps, d’autres événements sur lesquels elle n’a pas d’influence menacent de continuer à faire pression sur l’inflation : la guerre en Ukraine et les potentiels nouveaux retards dans les chaines d’approvisionnement provoqués par les confinements en Chine.