Une affaire particulièrement douloureuse pour le Premier ministre, Alexander De Croo, (Open Vld), qui a été attaqué à plusieurs reprises par Raoul Hedebouw (PTB) lors de la session de questions-réponses à propos de « papa De Croo ». Ce dernier, Herman De Croo (Open Vld), a reçu pendant dix ans un complément mensuel d’environ 6.000 euros en plus de sa pension, de la part de la Chambre. Siegfried Bracke (N-VA) a également bénéficié du même système après lui. Ainsi, tant l’Open Vld que la N-VA sont sérieusement discrédités, tandis que le PS se réjouit : « Pour une fois, nous ne sommes pas impliqués dans le scandale ». Les initiés soulignent que la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux (PS), a découvert ces primes illégales pour les hauts fonctionnaires à la retraite, après les révélations d’un employé mécontent, qui n’a pas reçu ses primes. Mais Tillieux a fait monter les anciens présidents de la Chambre sur le même bateau, ce qui les a mis au centre d’un scandale. « Le PS cherche-t-il à détourner l’attention de ses propres scandales au Parlement européen ? », commentent certains. Cependant, l’image de la Chambre et de la présidente Tillieux n’en ressort pas grandie : elles n’ont pas réussi à communiquer de manière adéquate, l’institution et tous les membres du Bureau ont dû admettre qu’ils avaient également approuvé les budgets.
Dans l’actu : Eliane Tillieux (PS) a dû corriger son interview à Villa Politica : cela a donné un moment télévisuel assez hallucinant.
Le détail : Au final, il a bien fallu l’admettre : il y avait bel et bien une ligne dans le budget de la Chambre, année après année, pour les « veuves et les anciens présidents », qui recevaient leur bonus supplémentaire. Le budget de cette année : 103.000 euros.
- Le premier citoyen du pays est censé être quasi bilingue: sinon, comment serait-il possible de devoir constamment diriger des débats en néerlandais et en français? Mais hier, la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux, a clairement indiqué devant les caméras qu’elle ne maîtrisait pas le néerlandais comme il se devrait, pour sa fonction, surtout en temps de crise.
- La Chambre fait face à sa plus grave crise interne depuis des années : cette semaine, Tillieux a elle-même révélé qu’un groupe de hauts fonctionnaires à la retraite de l’institution avait reçu pendant des années une pension supplémentaire dépassant le plafond légal. Les montants se chiffrent en millions d’euros, et la construction est manifestement illégale : les pensions des fonctionnaires sont en effet légalement plafonnées.
- Mais la politicienne de 56 ans du PS de Namur, qui préside la Chambre depuis 2020, a montré hier une combinaison de faiblesse et d’incompétence en pleine tempête. Elle avait du mal à trouver ses mots lorsqu’elle a expliqué les choses devant les caméras de Villa Politica (VRT). Et pire encore : elle a d’abord prétendu que les suppléments pour les anciens présidents de la Chambre, De Croo et Bracke donc, n’étaient pas visibles dans le budget.
- Lorsque la chef de file du PTB, Sofie Merckx, a confronté Tillieux dans le couloir à côté de la salle de la séance, juste après son interview télévisée, avec les tableaux du budget et la « ligne » explicite sur ces tableaux mentionnant « indemnités des anciens présidents de la Chambre et des veuves », Tillieux, qui était déjà en retard pour ouvrir la séance, est retournée devant les caméras de Villa Politica pour donner une deuxième interview et se corriger elle-même : « Oui, il y a bel et bien une ligne dans le budget ».
- Tillieux a ainsi admis que le Parlement avait approuvé cette indemnité pour De Croo et Bracke pendant des années en votant le budget de la Chambre. Personne n’a posé de questions pendant toutes ces années.
- Enfin si : le PTB fulminait, au début de la séance, le président du parti Raoul Hedebouw a pris la parole, plongeant toute la Chambre dans un silence pénible. La langue des députés trahissait une honte douloureuse, tandis que Hedebouw lançait les mots « in the pocket », « profiteurs » et « menteurs » à l’encontre des représentants du peuple. Le président du PTB a affirmé que son parti était le seul, avec Marco Van Hees (PTB) comme spécialiste, à avoir tiré la sonnette d’alarme pendant des années, et à avoir proposé un amendement pour supprimer cette indemnité particulière. « Et qui a voté contre? Tout le monde ici », a raillé Hedebouw.
L’essentiel : dans les années 1990 et certainement sous Herman De Croo, en 2003, des privilèges financiers supplémentaires ont été introduits discrètement pour les politiciens de top niveau.
- Cependant, l’affirmation de Hedebouw selon laquelle le PTB était le seul à tirer la sonnette d’alarme ne tient pas la route. Oui, Van Hees a déposé cet amendement au budget, en 2020. Mais il ne l’a plus fait après ça. De plus, le PTB n’a jamais communiqué à ce sujet, par la suite. Et ce même Van Hees, présent à la réunion, mercredi, lorsque Tillieux a révélé les constructions illégales, a été pris au dépourvu et a réagi de manière aussi indignée que les autres participants, sans se souvenir de cet amendement déposé.
- L’explication de Hedebouw « qu’on ne peut pas tirer sur tout à la fois », comme il l’a fait dans Terzake, a donc paru un peu mince. Et Vooruit de faire remarquer à plusieurs reprises : « Pourquoi, si vous le saviez, n’avez-vous jamais dénoncé cela en plénière, plutôt qu’en petit comité, où nous ne siégeons pas ? »
- Mais entre-temps, le PTB a opportunément tiré tout le dossier vers lui. Bien plus que le Vlaams Belang, par exemple, qui est resté ostensiblement silencieux au début de la session plénière. En même temps, Barbara Pas, la chef de groupe du Belang, a bien noté plus tard dans son intervention que les anciens présidents bénéficient toujours d’un chauffeur de la Chambre, un autre privilège qui n’est plus de notre temps.
- La question reste donc de savoir comment tout ce système s’est glissé dans le budget de la Chambre. La réponse se trouve dans un arrangement conclu en 1998 par cinq partis traditionnels au sein du Collège des Questeurs, en charge des finances de la Chambre : PS, Vooruit, Open Vld, MR et cd&v, selon un document qui a circulé hier dans les couloirs. Cet arrangement n’a cependant jamais été voté dans l’hémicycle.
- Pourtant, cette allocation supplémentaire figurait bien dans le budget de la Chambre, année après année. « Mais ces montants s’appliquaient comme un financement d’anciens collaborateurs, supposait-on. L’explication n’a jamais été très détaillée, c’est le moins que l’on puisse dire », a expliqué un éminent député pour expliquer pourquoi cela passait à chaque fois.
- Mais pire, en 2003, sous la présidence de De Croo, ils sont allés encore plus loin. Des avantages supplémentaires ont été ajoutés pour les anciens présidents, comme ce chauffeur à vie. Et ses propres hauts fonctionnaires ont fait preuve de « créativité » avec le système, en s’octroyant une généreuse pension supplémentaire. Une « note interprétative » a servi de base à l’ajout d’euros supplémentaires à leurs pensions. Ce régime n’était manifestement pas légal, et était donc noyé dans toutes sortes d’autres dépenses : il n’était pas non plus visible dans le budget. « Nous ne pouvions pas voir ces primes des hauts fonctionnaires dans le budget de la Chambre ».
- Et juste au moment où les hauts fonctionnaires négociaient cela à la Chambre en 2003, De Croo aussi, en tant que président, proche de la retraite, a obtenu une autre augmentation de son futur paquet supplémentaire. « Je ne pense pas du tout que ce soit une coïncidence », aurait déclaré un initié.
La grande question : Par contre, le régime de pension de De Croo et Bracke n’étaient ni frauduleux ni illégal. Garderont-ils alors leur argent ?
- « Non, les primes pour les anciens présidents n’ont pas été faites en dehors de la loi, car il ne s’agit pas d’une pension supplémentaire, mais d’une indemnité lorsque le mandat parlementaire se termine », a expliqué Tillieux devant les caméras hier, en essayant de clarifier les choses. Il s’agit donc d’une nuance importante dans l’histoire.
- Car les fonctionnaires de la Chambre sont eux manifestement en faute, et leurs indemnités supplémentaires sont contraires à la loi. La récupération de ces montants ne peut donc être évitée. Mais Tillieux a souligné subtilement que cela ne s’applique pas à De Croo et Bracke : il ne s’agit pas officiellement d’un complément de leur pension, bien que ce soit le cas dans la pratique.
- André Flahaut (PS) et Patrick Dewael (Open Vld), en tant qu’anciens présidents, n’ont pas utilisé cette disposition, car ils siègent tous deux encore à la Chambre. Et Herman Van Rompuy (CD&V) n’a pas reçu ces extras, car il n’a pas été suffisamment longtemps président de la Chambre.
- Mais cela soulève immédiatement une question très embarrassante pour l’Open Vld et la N-VA : De Croo senior et Bracke vont-ils rembourser l’argent ou non ? Car presque tout le monde dans la rue de la Loi est d’accord aujourd’hui pour dire que les systèmes sont condamnables : les présidents de la Chambre gagnent déjà le plus dans toute la politique belge et bénéficient d’une pension très généreuse. Ajouter à cela 6.000 euros, ou dans le cas de Bracke environ 3.000 euros supplémentaires, plus le chauffeur : cela est tout simplement inacceptable.
- « Il est toujours très difficile de faire des commentaires sur l’argent des autres », a admis le chef de file de la N-VA, Peter De Roover, devant les caméras de Terzake, en réponse à la question de savoir si Bracke va maintenant rembourser les sommes. Et De Croo a déclaré dans un communiqué de presse conjoint avec le parti Open Vld qu’il rembourserait « s’il y avait eu quelque chose d’illégal ».
- Les dommages risquent d’être considérables pour les deux partis. La réputation du Premier ministre De Croo risque même indirectement d’être mise en cause.
- « Et peut-être que c’est ce que le PS voulait », pouvait-on entendre hier dans les couloirs de la Chambre. Pourquoi Tillieux a-t-elle soudainement mis sur la table les deux dossiers, à la fois ceux des hauts fonctionnaires fraudeurs et ceux des anciens présidents de la Chambre ?
- Toute l’affaire aurait commencé lorsqu’un employé mécontent de la Chambre s’est plaint auprès du service des pensions de la construction illégale dont certains de ses anciens collègues bénéficiaient, mais pas lui. Tillieux, qui ne savait rien de ce que ses hauts fonctionnaires avaient manigancé pendant deux décennies, était stupéfaite.
- « De la confusion est délibérément ajoutée en mettant la situation des hauts fonctionnaires sur le même pied que celle des anciens présidents », explique un membre du Bureau de la Chambre. « Il n’est pas difficile de voir que le PS met maintenant les projecteurs sur le père De Croo, loin de leur propre scandale au Parlement européen », explique un initié.
Et maintenant ? Est-ce que l’antre de la démocratie réalise l’urgence de la situation ?
- La réaction hier était assez mitigée de la part de la présidente de la Chambre. Elle a commandé une enquête et attend les résultats pour voir « si quelque chose d’illégal s’est produit » et « pour récupérer l’argent ».
- La communication confuse de la présidente n’a pas aidé. Mais les déclarations de la chef de file de l’Open Vld, Maggie De Block, qui a également affirmé lors de l’émission Terzake que « tout le monde était au courant », n’ont pas non plus été appréciées par ses collègues à la Chambre: « Le fait que les libéraux essaient maintenant d’entraîner tout le monde dans cette affaire pour protéger le père De Croo est très petit ».
- Un contrôle financier structurel de la Chambre s’impose, pas une simple « enquête ». La transparence des statuts et des règlements est le minimum si la Chambre veut bénéficier de la confiance des citoyens en tant que maison de la démocratie, ont déclaré hier pratiquement tous les députés que nous avons informellement interrogés. Parce que le scandale représente à nouveau un coup dur pour les partis traditionnels, y compris la N-VA, et ne profitera qu’aux partis extrémistes de droite et de gauche, même un petit enfant peut le voir.