La BCE n’a pas suivi la Fed dans sa politique monétaire plus stricte. En fait, rien n’a changé dans le discours de Christine Lagarde. Les inquiétudes de nombreux économistes sont balayées.
Là où la Réserve fédérale américaine a opéré un tournant, en accélérant le resserrement de son programme d’achat d’obligations et en envisageant une hausse des taux d’intérêt par trois fois l’année prochaine, la BCE reste de marbre.
Pour l’institution européenne bancaire, l’inflation est toujours jugée comme un phénomène temporaire, causé par la crise de l’énergie: l’augmentation des carburants, du gaz et de l’électricité. « La demande continue également de dépasser l’offre limitée dans certains secteurs. Les conséquences sont particulièrement visibles sur les prix des biens durables et des services aux consommateurs qui ont récemment rouvert », a expliqué la présidente de la BCE, Christine Lagarde, évoquant la crise de la chaine d’approvisionnement.
La BCE ne sait pas quand précisément ces incertitudes se résoudront, mais c’est juste une question de temps, estime-t-elle. « Nous nous attendons à ce que les prix de l’énergie se stabilisent, que les modes de consommation se normalisent et que les pressions sur les prix résultant des goulets d’étranglement de l’offre mondiale s’atténuent », a ajouté la présidente.
Les chiffres
Circulez. La BCE mettra fin à son programme d’achat d’obligations de crise (PEPP) comme prévu en mars 2022. Mais entre-temps, l’institution doublera ses achats ordinaires (APP). La BCE devrait ensuite retrouver en octobre prochain son rythme prépandémie, autour des 20 milliards d’euros par mois, contre 90 milliards actuellement (70 milliards pour le PEPP et 20 milliards pour l’APP). Il n’est donc pas question d’une quelconque hausse des taux d’intérêt pour combattre l’inflation.
En moyenne dans la zone euro, la BCE prévoit désormais sur base annuelle une hausse des prix de 2,6% en 2021 et 3,2% en 2022, soit une prévision plus importante que la précédente à, respectivement, 2,2% et 1,7%. Mais l’inflation devrait ensuite se stabiliser à 1,8% en 2023 et 2024, estime l’institution.
Sauf que sur base mensuelle, les 3 derniers mois ont été plus compliqués à 3,4% ; 4,1% et 4,9%, un niveau plus atteint en 30 ans. En Belgique, l’inflation a même grimpé à 5,6% en novembre. La BCE n’exclut pas une hausse supplémentaires pour les prochains mois.
Un autre chemin que les États-Unis
Pourquoi une telle différence entre la BCE et la Fed qui déversent tous deux d’énormes quantités d’argent pour soulager les États et financer les plans de relance ? Lagarde n’a pas voulu commenter la politique monétaire américaine. Elle estime que les États-Unis et la zone euro se situent dans des phases différentes de leur cycle économique et que les soutiens budgétaires ne sont pas les mêmes. Les États-Unis ont pourtant mis sur la table 2.000 milliards de dollars là ou la BCE a mis 1.850 milliards d’euros.
Mais il faut s’interroger sur ce virage observé aux États-Unis. Il ne s’agit pas d’un tournant à 180 degrés. La Fed s’attend d’ailleurs elle aussi à ce que l’inflation se tasse autour des 2% à l’horizon 2024. Et puis l’inflation européenne est surtout conditionnée par les prix de l’énergie sur lesquels la BCE a peu de contrôle.
Les deux institutions bancaires marchent sur des oeufs, entre leur volonté de soutenir les États et de maîtriser la hausse des prix à la consommation. Contenir l’inflation en ne provoquant pas de récession, alors qu’un nouveau variant pointe le bout de son nez.
Au niveau de la croissance, la BCE table sur 5,1% cette année, 4,2% en 2022 et 2,9% en 2023.