Le ministre de la Santé a vécu une nouvelle salve de questions sur l’affaire Medista, en séance plénière à la Chambre, ce jeudi. Les députés de l’opposition reprochent au ministre de ne pas avoir livré la bonne chronologie des faits, en commission, mardi dernier. Ils pointent également la mauvaise communication entre le SPF Santé, le chef de cabinet et le ministre, alors que les faits remontent à plus de six mois. Enfin, il reste une grosse interrogation sur la fonctionnaire qui était en charge de l’appel d’offres du marché public sur la gestion des vaccins pendant la crise Covid. Des pratiques dignes d’un film d’espionnage ont piégé cette fonctionnaire qui est accusée d’avoir privilégié l’entreprise concurrente, Movianto. Cette dernière a subtilisé le marché public à Medista, à l’été 2022.
- « Vous ne savez rien. Monsieur le Ministre, c’est désolant, vraiment désolant« , a asséné la députée de l’opposition Kathleen Depoorter (N-VA), après les nouvelles explications du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), ce jeudi à la Chambre.
- Le ministre a regretté « ne pas avoir été informé plus tôt » sur les intimidations de Medista envers la fonctionnaire en charge du dossier, mais aussi sur l’entreprise concurrente, Movianto. Mais ajoute qu’il « n’aurait rien pu faire » puisqu’il ne disposait pas des vidéos. Le 31 mai dernier, Medista, qui s’occupait initialement du stockage et de la distribution de vaccins Covid-19, a tenté de piéger la fonctionnaire, avec de faux entretiens d’embauche enregistrés.
- Le 4 octobre, cette dernière recevait une lettre d’intimidation de Medista lui demandant de démissionner. Cette information est remontée jusqu’au président du SPF Santé, mais elle n’a été communiquée au chef de cabinet que le 10 novembre. Pire : le ministre n’a lui-même appris l’existence de vidéos enregistrées qu’après les premières rumeurs parues dans la presse. Le 7 décembre, il demande des comptes à son chef de cabinet et prend enfin connaissance de l’offensive de Medista.
- Le premier problème, c’est que ce n’est pas cette chronologie des faits qui a été déroulée en commission mardi dernier. Le ministre a seulement reconnu cette chronologie après la commission, dans un mail qu’il a adressé aux députés. Il s’est défendu de ne pas avoir été informé plus tôt, car ces rumeurs d’enregistrement étaient « vagues ». En séance plénière jeudi, il a répété que « ni le SPF, ni son cabinet n’ont reçu ces enregistrements à ce jour ».
- Plus fondamentalement, malgré les pratiques plus que douteuses de Medista, il ressort des extraits d’enregistrements publiés par HLN le 7 décembre dernier que la fonctionnaire semble reconnaître avoir aidé Movianto à remporter le nouveau contrat.
- Cela reste le fond du dossier : « Pensez-vous qu’il est normal qu’une responsable admette dans une vidéo qu’elle a aidé l’entreprise concurrente ? », a questionné la députée Sofie Merckx (PTB). « Pourquoi vous ne dites rien à ce sujet ? Nous voulons savoir ce que vous savez et vous ne pouvez pas simplement vous cacher derrière un audit. »
- Le ministre a déroulé la même ligne de défense que mardi dernier en commission : Medista coûtait 14,5 millions d’euros de plus que Movianto. Medista a perdu sa procédure devant le Conseil d’État. Et Medista s’est rendu coupable de faux entretiens via la société privée israélienne Black Cube pour faire chanter une fonctionnaire.
- Y a-t-il eu malversation de cette dernière ? Vandenbroucke estime que « Medista n’a donné qu’une version coupée de ces enregistrements trompeurs à un seul journal (…). Si l’on veut permettre aux tribunaux de faire leur travail, il faut que des preuves sérieuses soient mises sur la table. » Le ministre s’est à nouveau référé à l’audit interne qui est mené en ce moment. Point barre.
- Sofie Merckx a résumé le sentiment de nombreux députés de l’opposition : « Vous devriez prendre cette question beaucoup plus au sérieux et faire preuve d’un peu moins d’arrogance. Vous êtes très arrogant. Vous pensez avoir la vérité de votre côté. Cependant, plusieurs questions ont été soulevées. Il pourrait y avoir de sérieux problèmes avec cet appel d’offres public. Nous continuerons à vous interroger à ce sujet. »
- Il est vrai que l’on va de surprise en surprise dans ce dossier. Désormais, Sarah Taybi, la CEO de Medista accuse Movianto d’espionnage industriel. Trois employés de haut rang de Movianto auraient eu accès à un entrepôt Medista à Zaventem sous un faux nom, a appris Het Nieuwsblad. Une plainte au parquet de Halle-Vilvorde a été déposée le 22 novembre dernier à ce sujet.