L’inflation frappe les États-Unis comme l’Europe. Alors que la BCE entame un timide revirement de position, la Réserve fédérale américaine a déjà les mains dans le cambouis. Du côté de l’exécutif par contre, c’est sauve-qui-peut.
Joe Biden a rencontré Jerome Powell ce mardi. Une rare rencontre, puisque les deux hommes ne s’étaient pas vus depuis le mois de novembre et la reconduction de Powell comme patron de la Fed.
Une discrétion qui réside dans l’indépendance de la Fed que Biden veut respecter. Mais qui traduit aussi une forme d’impuissance du président américain: « Mon plan pour faire face à l’inflation commence par une proposition simple : respecter la Fed, respecter l’indépendance de la Fed », a-t-il asséné.
Pourtant, à l’approche des midterms, Joe Biden sait que l’inflation et le pouvoir d’achat sont un sujet hyper-sensible pour les électeurs. Mais le démocrate est à court d’options dans ses prérogatives: ses tentatives passées – libération de pétrole de la réserve stratégique, amélioration des opérations portuaires et demande d’enquête sur les prix abusifs – n’ont pas donné de résultats satisfaisants, écrit ce mercredi AP.
L’inflation, à 8,3%, masque un marché du travail en pleine bourre, avec un taux de chômage d’à peine 3,6%. Mais Biden ne peut pas surfer sur cette réussite. Sa rencontre d’hier vise à montrer qu’il se préoccupe quand même de l’inflation, même s’il ne peut pas faire grand-chose lui-même.
Mea culpa
L’exécutif est en plein aveu d’impuissance. Mardi soir, la secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen, a reconnu qu’elle « avait tort » sur la manière dont s’est profilée l’inflation. « Je pense que je me suis trompée à l’époque sur le chemin que prendrait l’inflation », a déclaré Yellen à Wolf Blitzer de CNN dans l’émission « The Situation Room », interrogée sur ses déclarations de 2021, quand elle estimait que l’inflation n’était qu’un « petit risque ».
« Comme je l’ai dit, l’économie a subi des chocs imprévus et importants qui ont fait grimper les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que des goulets d’étranglement au niveau de l’approvisionnement, ce qui a gravement affecté notre économie et que je n’ai pas compris à l’époque, mais que nous reconnaissons maintenant », a-t-elle déclaré.
L’inflation est là pour durer
Les autorités américaines ont longtemps qualifié l’inflation comme étant un phénomène temporaire, conséquence de la reprise post-covid. L’offre n’a pas pu suivre la demande. Certes, la guerre en Ukraine a compliqué les choses, mais on voit aujourd’hui que les problèmes dans la chaine d’approvisionnement ne sont pas résolus.
En outre, les autorités n’ont pas vu ou voulu voir venir les conséquences d’une politique monétaire de taux négatifs et de planche à billets qui a alimenté l’inflation, tout comme les immenses plans de relance sur le dos de l’endettement.
La Réserve fédérale semble avoir pris aujourd’hui la mesure du problème. Elle a relevé ses taux de 50 points le mois dernier, et s’apprête à faire de même en juillet, et peut-être encore une fois en septembre si nécessaire. La Fed joue sur un fil, car dans sa volonté de diminuer les emprunts et les dépenses, elle pourrait créer une récession et augmenter le chômage.
La BCE, sous pression, va entamer le relèvement de son taux directeur – qui est toujours négatif pour le moment – pour la première fois en juillet. Elle devrait réitérer l’exercice en septembre. La question en Europe est de savoir si les taux seront relevés de 25 ou de 50 points. L’inflation, après une très légère accalmie en avril, est repartie à la hausse sur le Vieux continent, touché de plein fouet par la crise énergétique. La tension est vive, car en relevant les taux, un certain nombre d’États très endettés verront leurs intérêts sur leur dette exploser.