Jamie Dimon, le grand patron de JPMorgan, est inquiet : « Croire que l’économie sera en plein boom ces prochaines années est une énorme erreur »

Le patron de la plus grande banque américaine en termes d’actifs a fait des déclarations fortes, comme à son habitude, lors d’une conférence financière organisée à New York. Selon lui, trop de risques pèsent sur l’économie. Croire que tout va repartir de l’avant est une lubie. Il met aussi en garde les régulateurs contre les règles trop strictes qui pèsent sur les banques.

Pourquoi est-ce important ?

Jamie Dimon est l'une des voix économiques les plus écoutées aux États-Unis. Il est toujours intéressant d'entendre son point de vue, même si ses prévisions cataclysmiques ne se réalisent pas toujours. En juin 2022, Dimon estimait par exemple qu'un ouragan allait balayer l'économie américaine, et par extension l'économie mondiale, à cause de la politique des taux d'intérêt des banques centrales et de la guerre en Ukraine. Aujourd'hui, les États-Unis font beaucoup mieux que prévu et pourraient même éviter la récession, alors que les taux d'intérêt sont passés en quelques mois de 0% à 5,25-5,5%, soit le niveau le plus élevé depuis 2001.

Dans l’actu : Jamie Dimon n’est pas un optimiste dans l’âme.

  • « Dire que le consommateur [américain] est fort aujourd’hui, ce qui signifie que l’économie sera en plein essor pendant des années, est une énorme erreur », a déclaré le banquier.
  • Pourtant, il est vrai que l’économie américaine a défié les pronostics : les Américains n’ont jamais été aussi riches. La progression des marchés d’action et la hausse des prix de l’immobilier ont permis aux Américains d’effacer la crise de l’inflation, qui a atteint en juillet 3,2%, proche de l’objectif des 2%.
  • Par ailleurs, même si les Américains ont dilapidé leur épargne constituée durant la crise sanitaire, la consommation intérieure se porte toujours très bien, portée par un marché de l’emploi très fort, qui peine à refroidir.
  • Mais pour Jamie Dimon, ce n’est pas suffisant : la politique monétaire des banques centrales et leur « resserrement quantitatif », ainsi que les gouvernements qui « dépensent comme des marins ivres » sont des risques pour l’économie.
    • « Les entreprises se sentent plutôt bien aujourd’hui parce qu’elles examinent leurs résultats actuels », a déclaré Dimon. « Mais ces choses changent, et nous ne savons pas quel sera le plein effet de tous ces risques dans 12 ou 18 mois. »
    • « Je pense qu’il y a un faux sentiment de sécurité (…). Je pense que les incertitudes qui nous attendent sont encore très grandes et très dangereuses », a ajouté le patron de JP Morgan.
    • Ajoutez cela à la réduction de l’inflation, la remilitarisation mondiale, la transition énergétique, en plus de la guerre en Ukraine : « Tout cela me rend extrêmement prudent », a-t-il déclaré.

Les fonds propres des grandes banques dans l’œil des régulateurs

Des banques trop surveillées : Jamie Dimon en croisade contre la régulation.

  • Au sortir de la crise financière de 2008, les règles ont été durcies pour le secteur bancaire. Aujourd’hui, il est notamment question de la réforme Bâle III qui oblige à renforcer les fonds propres des grandes banques pour qu’elles puissent faire face aux risques.
  • Les régulateurs américains transposent cette nouvelle norme et vont même plus loin, suite à la mini-crise bancaire du printemps dernier.
  • Et ça ne plait pas au premier banquier privé du pays : « Est-ce que [les régulateurs] veulent que les banques puissent à nouveau investir ? », s’est interrogé Dimon. « Personnellement, je n’achèterais pas des actions liées aux banques », a-t-il plaisanté, même si ça ne le fait pas vraiment rire.
  • Si les régulateurs adoptent leur plan tel qu’il est présenté, « JPMorgan devrait détenir 30% de capital en plus qu’une banque européenne », a fustigé Dimon.
  • Le patron de JM Morgan ajoute donc son grain de sel à une longue liste de critiques des grands banquiers américains :
    • « Ces nouvelles règles en matière de capital vont trop loin », a estimé le CEO de Goldman Sachs, David Salomon, sur CNBC la semaine dernière. « Elles nuiront à la croissance économique sans améliorer sensiblement la sécurité et la solidité », a ajouté Solomon.
    • « Je crains que la proposition de Bâle III d’aujourd’hui n’augmente le coût du crédit et n’entrave le fonctionnement du marché sans apporter de bénéfices évidents à la résilience du système financier », a reconnu Christopher Waller, qui est pourtant un gouverneur de la Réserve fédérale américaine (Fed).
    • Le grand patron, Jerome Powell, a soutenu les nouvelles règles, mais a également expliqué en juillet qu’il fallait un équilibre entre les exigences sur les fonds propres et les coûts qui y sont liés.
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