L’Italie face au casse-tête chinois : premier pays de l’UE à rejoindre l’initiative Belt and Road, premier à en claquer la porte ?

L’Italie fait partie des partenaires économiques privilégiés de la Chine en Europe ; Une position prospère, mais également inconfortable pour le pays et sa nouvelle Première ministre, Giorgia Meloni. Qui n’a plus que quelques mois pour décider si elle suit ses convictions, ou les intérêts économiques à court terme de la péninsule.

Pourquoi est-ce important ?

L'Union européenne veut revoir sa politique générale vis-à-vis de la Chine, pays qui représente à la fois "un rival systémique, un concurrent économique et un partenaire stratégique" pour reprendre les mots d'Ursula von der Leyden. Or la rivalité occupe une part croissante de cette relation depuis la guerre en Ukraine et les crises successives autour de Taïwan. Et l'Italie est sans doute un des pays d'Europe les plus inconfortablement positionnés face à l'Empire du Milieu.

Une Europe qui se veut forte, une Italie divisée

Le contexte : l’Italie était, sous le gouvernement de Giuseppe Conte en 2019, le premier pays de l’Union européenne à adhérer pleinement à la BRI, la « Belt and Road initiative », le vaste plan d’infrastructure et d’investissement de la Chine visant à renforcer son influence dans le monde.

  • Depuis, 18 pays de l’UE en font partie – et la Chine ne manque pas de comparer leurs résultats économiques avec ceux des autres – mais à l’époque c’était un petit séisme. Rome était accusée de saper tout espoir pour l’Europe de résister aux appétits économiques de la Chine.
  • Dans la botte, le sujet n’a d’ailleurs jamais fait l’unanimité : dès son arrivée au pouvoir en 2021, Mario Draghi a fait geler l’accord.
  • Mais celui-ci n’est valable que jusqu’en mars 2024, avec un préavis écrit d’au moins trois mois pour s’en retirer, à moins de le laisser se renouveler automatiquement pour cinq années supplémentaires. La nouvelle Première ministre italienne, Giorgia Meloni, va donc devoir prendre une décision importante.

Une Italie qui revoit ses positions à l’international. Depuis l’arrivée au pouvoir de la Première ministre grâce à une coalition qui fait plus que pencher vers l’extrême-droite, la botte semble vouloir secouer son image de cheval de Troie de l’UE pour les intérêts de la Chine et de la Russie. Même si ça ne plait pas à tout le monde au sein de la coalition de Meloni, où des partis minoritaires comme La Ligue ou Forza Italia (et sa figure de proue Berlusconi) restent entachés par de fortes suspicions d’ingérence russe.

La Chine, essentielle au tourisme… Et au travail bon marché

  • Meloni, elle, campe fermement derrière l’Ukraine depuis le début de la guerre. Et elle a aussi exprimé son soutien à Taïwan face à la Chine. De quoi faire voir rouge à Pékin. Un non-renouvellement de l’engagement italien dans l’initiative Belt and Road serait très mal perçu.
  • L’accord sino-italien, même gelé, comprend des dizaines de plus petits accords entre institutions et entreprises des deux pays. Et l’ambassadeur chinois à Rome, Jia Guide, n’a pas manqué de souligner le manque à gagner qui se profile : « Les échanges commerciaux entre l’Italie et la Chine au cours des trois dernières années ont établi de nouveaux records, atteignant 73,55 milliards d’euros en 2022 et plaçant Rome au premier rang au niveau européen parmi les pays ayant des relations commerciales avec la Chine. »
  • Or, depuis, Meloni met de l’eau dans son vin, et se contente d’évoquer un dossier « toujours en cours d’évaluation. » Si l’UE ne lui reprocherait sans doute pas d’éloigner son pays de la Chine, le pas reste difficile à franchir, quand on doit assumer la responsabilité d’un gouvernement. Le tourisme chinois est important pour l’économie italienne, avec une augmentation de 20% du nombre de visiteurs en 2019. Comme, d’ailleurs les dizaines de milliers de travailleurs chinois, souvent clandestins, présents en particulier dans l’industrie de la mode. Ils étaient 30.000 recensés rien qu’à Prato en 2020.

« D’un point de vue politique, dès 2019, l’accord a créé des difficultés évidentes pour le gouvernement Conte, face, cependant, à des avantages importants pour l’économie italienne. Aujourd’hui, le contexte international a considérablement changé et le rôle de la Chine est différent. Cela ne peut qu’exacerber le débat politique, alors que le gouvernement Meloni se retrouve dans un cul-de-sac […] Mais faire des affaires avec la Chine profite à tout le monde. »

Silvia Menegazzi, professeure d’études chinoises à l’université LUISS Guido Carli, citée par Euractiv
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