L’IA générative : une nouvelle promesse de vie après la mort

C’est devenu une prédiction récurrente depuis, au moins, l’avènement des réseaux sociaux, voire du Web 2.0 et de notre présence massive en ligne : celle-ci peut-elle nous offrir une certaine forme d’existence après la mort ? Ça semble de plus en plus crédible à chaque nouvelle révolution technologique.

Le XXIe a offert aux proches endeuillés une nouvelle question difficile : que faire de la présence en ligne de nos défunts, à supposer seulement qu’il nous soit possible d’avoir une influence sur tout ce qu’ils ont posté durant leur vie ? On a tous connu ce moment étrange où l’on retombe sur le blog ou la page Facebook en friche d’une personne décédée. Mais ce sentiment de malaise, certains seraient prêts à en faire un argument marketing. Et ça ne date pas d’hier.

Pierre tombale numérique

Depuis quelques années, Facebook offre aux proches d’un défunt la possibilité de supprimer totalement le compte de celui-ci. Mais il est aussi possible d’opter pour le préserver, et d’en faire une « page commémorative ». Suivant les paramètres de confidentialités du compte, les amis et la famille du défunt pourront poster des messages, des images et autres types de publications sur la page afin de perpétuer sa mémoire en ligne. Mais bien sûr, à aucun moment le défunt n’interagira sur le réseau comme un utilisateur « normal. »

Ça, c’était avant – autant dire la préhistoire. Car les options sont bien plus larges et pas forcément plus rassurantes de nos jours. On se souvient de l’engouement pour le métavers, sorte de monde parallèle remis au goût du jour par Meta (anciennement Facebook), l’année dernière, avant qu’il ne retombe comme un soufflé. Un autre monde dans lequel des entreprises privées ont proposé d’assurer votre survie après votre mort IRL. Il suffit d’accepter de fournir toutes sortes d’informations privées, mais aussi des données sur votre comportement, vos habitudes, ou même votre façon de vous exprimer à l’oral, pour que tout cela soit sauvegardé comme si vous étiez encore là.

Continuer à causer avec Spock ou avec papy

Un système de sauvegarde qui peut prétendre à des performances impressionnantes pour peu qu’on y mêle l’IA générative, dernière d’une grande lignée des bons en avant technologiques qui s’intéressent de près à notre mort. ChatGPT permet dorénavant de créer des « thanabots » – Thanatos personnifiant la mort, en grec – qui rendent possible d’interagir à nouveau avec une simulation du défunt basée sur ses données personnelles. Et pour qui a déjà tâté des capacités aussi inquiétantes que fascinantes de l’IA pour simuler des sentiments humains, en premier lieu l’empathie, il y a de quoi rester sans voix.

Le programmeur Jason Rohrer a réalisé qu’il pouvait créer des chatbots qui imitent des personnes spécifiques en fournissant à ChatGPT des exemples de leur manière de communiquer et des détails de leur vie, détaille le média spécialisé Big Think. Il a commencé avec des personnages de fiction, comme ceux de l’univers de Star Trek, mais il était finalement tout aussi facile, voire plus, de redonner une présence en ligne à des personnes décédées à partir de leurs données personnelles, de leur correspondance, ou des enregistrements de leur voix. Et vous obtenez un ainsi un thanabot qui peut sembler plus vrai que nature et vous donner l’impression de continuer ces longues discussions au coin du feu avec votre grand-père. C’est d’ailleurs un business, que Jason Rohrer propose via sa société Project December.

« Prière de ne pas me télécharger »

Un business qui, on s’en doute, soulève de gros questionnements éthiques, comme l’écrivait déjà Jason Fagone dans le San Francisco Chronicle en 2021, pour lequel il a rencontré des utilisateurs de Project December : « Ces systèmes peuvent être créés sans le consentement préalable du défunt, ou peuvent constituer une partie de la ‘planification numérique des successions’ où quelqu’un planifie ou consent à la création de son propre thanabot. »

Une lecture assez perturbante, qui nous fait nous interroger sur notre propre décès, ce qui n’est jamais agréable. Alors que certains mentionnent déjà « Ne pas réanimer » sur leur testament, une lettre dans leur portefeuille, voire tatoué sur leur corps de peur de se retrouver coincés dans le coma, faudra-t-il préciser expressément « ne pas télécharger dans une IA » ?

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