Web Analytics

Une économie de guerre à base de recyclage : comment le Hamas a fait de Gaza une forteresse et un arsenal, malgré le blocus israélien

Une économie de guerre à base de recyclage : comment le Hamas a fait de Gaza une forteresse et un arsenal, malgré le blocus israélien
Des membres de la brigade Izz al-Din al-Qassam le bras armé du Hamas, avec leur puissance de feu en 2021. (Photo by Yousef Masoud/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Une population de deux millions, pressurisée sur 365 km². Voilà Gaza, la forteresse assiégée où le Hamas règne en maitre. À se demander comment il fait pour entretenir ses troupes et ses armes. Pas sans complicités extérieures, ça, c’est une certitude. Mais le mouvement terroriste est surtout un champion de la débrouille.

Pourquoi est-ce important ?

Face à l'horreur du raid de terreur mené le week-end dernier par le Hamas, Israël a promis de riposter avec la plus grande dureté. Mais si les frappes aériennes se multiplient sur Gaza, Tsahal (les forces de défenses israéliennes) n’est pas encore intervenue au sol. Car c'est peut-être un piège et, dans tous les cas, ça ne sera pas un investissement aisé, tant cette bande de terre a pris des allures de forteresse camouflée.

Rappelons que le Hamas n’est ni la Palestine ni l’ensemble des Palestiniens. Ce courant politique proche des Frères musulmans égyptiens, apparu en 1987, représentait la faction dure de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Opposé à toute solution politique et en faveur de la lutte armée, y compris des attentats-suicides, le Hamas a progressivement fait de la bande de Gaza son bastion. Il en a même expulsé par la force les autres tendances palestiniennes, en premier lieu le Fatah, durant ce qui s’apparente à une guerre civile palestinienne en 2007. L’Autorité palestinienne n’a de facto plus le contrôle de la bande de Gaza, devenue un fief du Hamas.

Débrouille et aide iranienne

Ce qui pose une nouvelle question : comment un groupe, considéré comme terroriste par Israël, l’UE et les USA, a pu armer une véritable forteresse ?

  • La bande de Gaza est un territoire assiégé par l’armée israélienne : outre le mur terrestre, elle maintient un blocus maritime en Méditerranée.
  • Pourtant, le Hamas est armé jusqu’aux dents. Il est capable d’envoyer régulièrement des vagues de roquettes sur Israël, parfois capables de saturer les défenses de l’État hébreu. Le week-end dernier, le mouvement islamiste en a tiré entre 2.500 et 5.000 sur quelques heures.
  • Les miliciens du Hamas ont en outre fait preuve d’une parfaite maitrise de technologies telles que les drones. Le docteur en science politique et rédacteur en chef du mensuel Défense & Sécurité Internationale Joseph Henrotin parle à leur égard de « techno-guérilla ».

Une capacité de frappe qui provient de deux sources, selon une enquête de CNN : l’aide iranienne d’un côté, et une impressionnante capacité d’adaptation et de récupération de l’autre. Et les deux se nourrissent l’une l’autre.

Des assiégés champions des tunnels

  • L’Iran est un allié du Hamas. Comme d’autres mouvements de la région, tels que le Hezbollah. Il lui fournit donc des armes, via la contrebande.
  • Une partie arrive de temps en temps à forcer le blocus côtier, mais la plus grande porte d’entrée vers Gaza, c’est l’immense réseau de tunnel creusé de part et d’autre de la frontière égyptienne. Ni Tel-Aviv ni Le Caire n’ont jamais réussi à le détruire entièrement. On dit d’ailleurs que son principal architecte n’est autre que Mohammed Deif. On n’avait pas vu ça depuis les refuges souterrains vietnamiens.
  • Mais il ne faut pas imaginer des missiles de haute technologie passer sous terre. Si les composants les plus avancés sont camouflés dans l’aide au développement qui passe par mer, les assiégés sont aussi devenus des champions du bricolage. Avec l’aide de quelques parrains influents.

“Le Hamas a reçu des armes d’Iran introduites clandestinement dans la bande de Gaza par des tunnels. Cela inclut souvent des systèmes de plus longue portée. L’Iran a également aidé le Hamas dans sa fabrication indigène, permettant au Hamas de créer ses propres arsenaux. »

Daniel Byman, chercheur principal au Projet sur les Menaces Transnationales du Centre pour les Études Stratégiques et Internationales

Des usines d’armement et du recyclage

CNN a déniché l’interview d’un vétéran du Hamas, publiée dimanche dernier par a chaîne d’actualités arabes de Russia Today, RTArabic.

  • Ce que confie Ali Baraka, présenté comme un responsable des relations nationales du Hamas, est assez éloquent. « Nous avons des usines locales pour tout, pour des roquettes d’une portée de 250 km, 160 km, 80 km et 10 km. », confie-t-il. « Nous avons des usines pour les mortiers et leurs obus. … Nous avons des usines pour les Kalachnikovs et leurs balles. Nous fabriquons les balles avec l’autorisation des Russes. » Il a ajouté que le groupe préparait l’attaque du week-end dernier depuis deux ans.
  • C’est bien sûr à prendre avec des pincettes, mais il semblerait bien que Gaza soit devenue une plaque tournante de la copie des armes les plus populaires en guérilla, avec une bénédiction au moins tacite des fabricants originels. À savoir l’État russe.
  • À cela s’ajoute une capacité de recyclage impressionnante. Les tôles des bâtiments détruits dans les frappes et les bombes israéliennes non explosées permettent de bricoler nombre de roquettes. Individuellement, elles sont peu précises, mais tirées en masse, elles peuvent faire leur effet.
  • Et c’est sans compter la profusion de grenades, mines, et autres explosifs artisanaux. Les militants les ont utilisés en nombre ce week-end, minant parfois derrière eux. On peut déjà parier que des milliers de pièges explosifs hérisseront la progression de Tsahal, si les Israéliens passent à l’offensive terrestre.

De là à voir l’Iran complice, il n’y a qu’un pas, qu’il ne faut pas franchir trop vite. Téhéran arme le Hamas, mais celui-ci ne lui obéit pas forcément. Ce qui est vraiment surprenant, ce ne sont pas les tirs de roquettes. C’est que le mouvement a pu en stocker des milliers, apparemment pendant des années, au nez et à la barbe de tout le monde.

“Il est important de se rappeler que tirer une salve de roquettes est en réalité très simple. « Ce qui est surprenant … c’est de voir comment on peut stocker, déplacer, installer et tirer des milliers de roquettes tout en échappant aux services de renseignement israéliens, égyptiens, saoudiens, etc. Il est difficile de voir comment les militants palestiniens auraient pu faire cela sans… les conseils de l’Iran ».

Aaron Pilkington, analyste de l’US Air Force sur les affaires du Moyen-Orient, cité par CNN
Plus d'articles Premium
Plus