Bpost semble avoir irrévocablement perdu le contrat de distribution de journaux, une décision qui sera discutée cet après-midi au sein du kern. En conséquence, l’action de Bpost a chuté de 12% ce matin en bourse.
- Un véritable choc pour Bpost, constaté ce matin sur les marchés financiers. L’entreprise d’État, qui détient encore la majorité des actions, a vu sa valeur dégringoler de plus de 12% en un instant. Ce n’est pas étonnant, puisque plusieurs sources au sein du gouvernement fédéral confirment que Bpost va perdre le précieux contrat de distribution de journaux.
- Cette issue est le résultat direct de la recommandation du SPF Économie, qui conseille au gouvernement de ne pas attribuer les subventions pour la distribution des journaux et magazines, connues sous le nom de « concession presse », à Bpost, mais plutôt à deux de ses concurrents. « Nous devons suivre cette recommandation », entend-on dire. Une décision sera prise cet après-midi à ce sujet.
- Dans le journal La Libre, les éditeurs de journaux s’insurgent. François le Hodey, riche propriétaire du groupe de presse IPM (qui inclut La Libre, La Dernière Heure, L’Avenir), évoque ouvertement la possibilité d’un « chaos » et d’une « perte de qualité » dans la distribution. « Ce serait le chaos si les abonnements n’étaient plus distribués correctement. »
- Lors des discussions budgétaires d’octobre 2022, le gouvernement Vivaldi a décidé que l’État belge continuerait de prévoir annuellement 125 millions d’euros de subventions (contre 175 millions d’euros précédemment) pour la période de concession 2024-2028, afin de distribuer les abonnements dans tout le pays.
- Cependant, après que Bpost a écarté tous ses concurrents lors des précédentes soumissions pour ce contrat en 2014 et 2021, trois candidats se sont manifestés cette année auprès du SPF Économie pour ce fameux contrat. Outre Bpost et l’acteur bruxellois PPP, le groupe logistique parisien Proximy s’est également porté candidat.
- Le contrat se divise en deux lots : un pour les journaux et un pour les magazines. PPP remporterait la distribution des journaux et Proximy celle des magazines. Cette transition doit être effective d’ici six mois, soit en juillet 2024.
Le point crucial : Bpost fait face à un risque de crise sociale. Le gouvernement, pour sa part, refuse de fournir des fonds pour y faire face.
- Proximy évalue à 230 millions d’euros par an la valeur de la distribution de la presse belge à partir de 2024, soit 125 millions d’euros de subventions et 105 millions d’euros payés annuellement par les éditeurs.
- Une note de l’ancien PDG Dirk Tirez, révélé dans le livre « Bpost Hold-up« , indique que Bpost pourrait assurer la distribution de la presse pour environ 75 millions d’euros de frais opérationnels par an.
- Ainsi, le contrat de journaux aurait pu rapporter à Bpost un bénéfice brut annuel de 155 millions d’euros. Cet argent, selon les déclarations de Bpost au gouvernement, aurait été bienvenu. C’est pour cette raison que le PS a toujours vigoureusement défendu le maintien de ce contrat.
- Tout cela concerne en effet l’emploi chez Bpost. Les estimations varient entre 2 000 et 4 000 emplois liés à ce contrat. La direction de Bpost et les syndicats ont déjà avancé divers chiffres.
- En effet, les contrats de journaux et de magazines contribuent chacun à la rentabilité de chaque tournée de distribution organisée par Bpost. La perte de ce contrat menace donc l’ensemble de l’opération. Un plan social semble inévitable et pourrait s’avérer coûteux. Au sein du gouvernement, les libéraux mettent en garde : « Il n’y a pas de budget prévu pour cela », soulignent-ils. Le nouveau CEO de Bpost, Chris Peeters, est ainsi confronté à un défi de taille.
Une question majeure demeure : Quelle sera la motivation politique pour maintenir ce contrat à l’avenir ?
- L’idée de subventionner fortement les journaux papier, en période de contraintes budgétaires et écologiques, est remise en question depuis longtemps dans un contexte numérique. L’année dernière, un audit interne de Bpost a révélé une collusion entre Bpost, PPP et les éditeurs, provoquant un scandale.
- Cette affaire a entraîné la démission de Tirez et a donné lieu à une enquête en cours menée par l’autorité de la concurrence (ABC), ainsi que par le parquet de Bruxelles. La Commission européenne surveille également de près cette affaire.
- En outre, l’affaire a mis en lumière une culture de dérive éthique et des liens douteux entre Bpost et le cabinet de la ministre des Entreprises publiques, Petra De Sutter (Groen).
- Pendant tout ce temps, l’aile gauche de la coalition Vivaldi, menée par le PS, a lutté pour conserver ces subventions, même si elles ne semblaient pas essentielles pour couvrir les coûts.
- Reste à voir si cette même volonté de dépenser des millions de fonds publics se maintiendra, surtout lorsqu’il s’agit d’acteurs privés qui engrangent les profits. Sans l’argument de la sauvegarde des emplois chez Bpost, ce soutien pourrait rapidement s’évaporer au profit d’autres nécessités politiques.