Les énormes salaires et les primes que de nombreux gestionnaires de fonds spéculatifs prélèvent pour eux-mêmes se justifient de moins en moins, affirme le magazine britannique The Economist. Pourquoi les gérants de ces fonds pour les investisseurs d’élite affirment-ils qu’ils sont les plus intelligents, alors que leur performance ne dépasse pas, et est même souvent inférieure à celles des indices boursiers? Il est possible d’investir dans un fonds indiciel S & P moyennant le paiement d’une commission annuelle d’environ 0,1% (soit 100 dollars pour chaque tranche de 100.000 investie). Le placement du même montant dans un hedge fund bien connu vous coûtera environ 2000 dollars de frais de gestion, plus 20% de “commission de performance” en plus. Au lieu d’être une classe d’actifs à part entière, un hedge fund (ou fond de couverture) se définit plutôt en fonction de sa structure. Ces fonds sont destinés à être investis de façon “sophistiquée”, au moyen de stratégies et d’investissements complexes. Par exemple, ils peuvent profiter d’évaluations légèrement erronées des cours de certains titres, ou parier sur les titres d’une entreprise particulière, tout en se couvrant en misant sur la baisse des cours des titres du secteur de cette firme. Ils atteignent leurs rendements principalement en profitant des différences de cours ou de taux d’intérêt sur des titres connexes. Dans le monde entier, les riches investisseurs ont investi l’an dernier 2.900 milliards de dollars dans les fonds spéculatifs. La somme que les 25 “hedgies” avaient empochée en 2013 dépassait les salaires cumulés de l’ensemble des enseignants de maternelle aux Etats-Unis. Selon le New York Times, le secret de leur succès est de créer une série de bonnes performances dans les premières années suivant la création du fonds pour attirer les investisseurs institutionnels et les principaux fonds de pension américains. Les gestionnaires se récompensent eux-mêmes en prenant 20% des bénéfices réalisés sur la fortune qu’ils gèrent, en faisant valoir qu’ils exploitent les possibilités d’investissement que les autres ratent, plus une commission de 1,5 à 2%. Mais la situation actuelle, qui veut qu’ils s’enrichissent désormais plus rapidement que leurs clients, n’a échappé à personne, et la popularité des fonds a sensiblement baissé. Certains fonds spéculatifs (en particulier les plus récents) ont même été conduits à revoir leur tarification. L’ancienne formule vingt-deux (2% sur le montant investi à titre de commission de gestion, plus la commission de performance de 20%) a ainsi lentement évolué vers une formule plus proche de “1,4% et 17%”, selon The Economist. Mais il semble que même ces 2 % de commission de gestion, qui laissent un salaire d’un milliard de dollars aux plus grands gestionnaires du monde de ces fonds, soient bien souvent un gaspillage d’argent. Les hedge funds ont perdu en moyenne 0,8% après commission au premier trimestre de cette année, selon Hedge Fund Research. En 2015, ils avaient perdu 3 % en moyenne, et depuis 2014, ils n’ont réalisé qu’un gain cumulé de 3 %. “Dans un monde de taux d’intérêt faibles, de faibles rendements sur obligations et de faibles dividendes, les commissions prélevées sont proportionnellement trop élevées par rapport aux gains bruts pour permettre de laisser un bénéfice significatif pour les clients qui doivent se contenter des miettes, alors que les gestionnaires ‘dînent bien' », écrit The Economist. Pire, sur le sur le long terme, les performances des hedge funds sont aussi mauvaises. Au cours des 10 dernières années, ils ont généré moins de bénéfices en moyenne que l’indice S & P 500. Et même si l’on se base sur un portefeuille d’investissement classique, comprenant 60 % d’actions de firmes américaines et 40 % de bons du trésor, les hedge funds sont encore perdants. Ceux qui espèrent des rendements à deux chiffres, comme il y en avait à l’époque de George Soros, risquent d’être déçus, conclut le magazine. Et avec plus de 10.000 hedge funds, pour une valeur d’encours cumulée de 2 900 milliards de dollars, les opportunités à la marge à saisir risquent d’être de plus en plus rares, ajoute-t-il.