Après des semaines de procrastination, les ténors du MR ont conclu ce week-end la question qui fâchait : prolonger ou non Georges-Louis Bouchez aux plus hautes responsabilités ? Le jeune président du MR reste en place, mais ne sera plus seul. Reste à voir si cette énième tentative qui vise à « l’encadrer » sera la bonne. Le MR s’évite toutefois une guerre intestine à quelques mois des élections.
Fin du suspense : Georges-Louis Bouchez est prolongé d’un an à la tête du MR, sous conditions. Mais reste à voir si l’impétueux président pourra être muselé.
- Un accord est intervenu samedi après-midi entre Bouchez et les ténors du parti. À savoir le groupe des 7 ou le Bureau exécutif du parti, composé de Georges-Louis Bouchez, Sophie Wilmès, David Clarinval, Willy Borsus, Pierre-Yves Jeholet et David Leisterh. L’accord a été validé ce lundi par le conseil du parti qui rassemble 130 élus libéraux.
- Que dit l’accord ?
- Bouchez est prolongé jusqu’au « 30/11/2024 », précise le communiqué du parti, soit jusqu’aux élections communales.
- Un rôle primordial sera donné à Sophie Wilmès, qui sera chargée « aux côtés du président, des relations externes du MR, des négociations et de leur coordination dans les négociations gouvernementales », avec des chefs de file pour chaque niveau de pouvoir : David Clarinval pour le Fédéral, Willy Borsus pour la Wallonie, Pierre-Yves Jeholet pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et David Leisterh pour Bruxelles.
- En outre, le Bureau exécutif du parti formera une sorte de « QG de campagne » qui pilotera le déploiement électoral : listes, programme, communication et budget. Il se réunira tous les jours à partir du mois de janvier.
- Samedi, Bouchez est venu avec une proposition : celle d’offrir plus de collégialité à sa présidence. Trois ténors en particulier – Wilmès, Borsus et Jeholet – lui reprochaient de monopoliser la communication du parti, et surtout, d’avoir la main sur les prochaines listes électorales et de vouloir mener les négociations gouvernementales à lui seul. Pas la meilleure des idées quand on connait ses rapports très compliqués avec les autres présidents de parti.
- Mais même après cet accord, des doutes sont toujours présents au sein des élus MR. Les tentatives pour encadrer GLB ont toutes été sans effet. Dans les faits, les trois ténors n’avaient pas franchement toutes les cartes en main : pas de candidat sérieux à proposer et le risque de déclencher une guerre interne à quelques mois des élections. De l’autre côté du jeu, Bouchez proposait lui des élections internes qui auraient pu légitimer sa position pour 5 années de plus.
- « On a essayé déjà 36 fois de trouver un accord avec Georges-Louis. Peut-être que cette 37e tentative va marcher…« , résumait un élu impliqué, dans La Libre.
- Dans Le Soir, un autre élu n’y croyait pas non plus : « Tant qu’on ne lui retire pas son GSM et qu’on ne ferme pas son compte X… » le problème de la communication se posera à nouveau.
- Cette séquence laissera visiblement des traces en interne : « Un président prêt à sacrifier le parti ne peut faire partie de la solution à long terme. Beaucoup ont perdu la confiance en lui. »
Les réactions des intéressés : « Georges-Louis Bouchez est le meilleur débatteur. »
- Bouchez : « C’est un déploiement global de l’équipe du MR, avec l’objectif d’être la première force politique à l’issue des élections de 2024. Face aux enjeux (enseignement, emploi et formation, énergie, sécurité, santé…), notre pays a besoin d’une véritable force libérale pour mener les réformes nécessaires. »
- Wilmès : « L’important pour le MR, c’est de se mettre en ordre de marche. La décision répond aux attentes de l’interne du parti, mais aussi de la population, qui s’intéresse avant tout aux enjeux fondamentaux pour son quotidien. Le MR est un grand parti avec des valeurs ancrées depuis longtemps. Chacun a son approche et sa sensibilité, il peut y avoir des nuances, mais nous serons tous alignés derrière le même programme. »
- Jeholet : « Georges-Louis Bouchez a incarné le parti pendant quatre ans. Pendant la campagne, le parti sera également incarné par d’autres visages. C’est logique. L’étape du jour est donc importante. La désignation des têtes de liste en sera une autre, avant la désignation des candidats. Il est sain d’avoir des tonalités plurielles tout en reconnaissant que Georges-Louis est le meilleur débatteur francophone. C’est l’intérêt du parti qui prime. »
- Borsus : « Il ne s’agit pas seulement du Bureau exécutif, mais de tous les mandataires et militants. Nous devons poursuivre notre rôle de moteur au niveau wallon. Le travail va se poursuivre jusqu’au bout dans les différents gouvernements et nos personnalités se déploieront sur le terrain au fur et à la mesure de la campagne. »
- Leisterh : « Le MR peut reprendre le contrôle à Bruxelles. Si vous trouvez que tout va bien en matière de sécurité, de propreté, de neutralité de l’Etat, ou d’emploi, ne votez pas pour nous. Nous voulons du changement, nous avons un cap et un plan. Nous voulons le mettre en œuvre après 20 ans d’opposition. »
En cours : Pour l’instant, pas d’accord budgétaire pour la Vivaldi. Ils en étaient pourtant proches.
- La nuit dernière, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a choisi de tenter sa chance : au lieu d’interrompre les négociations vers deux heures du matin comme c’est de coutume, il a décidé de poursuivre, dans l’espoir d’annoncer un accord deux jours avant le discours sur l’état de l’Union (déclaration de politique générale).
- Si tel avait été le cas, la Vivaldi aurait pu instantanément refléter une image d’harmonie, similaire à celle du gouvernement flamand dirigé par Jan Jambon (N-VA), qui a bouclé son budget en un temps record. C’est un atout non négligeable en période d’année électorale : cette perception avait été clairement identifiée à la Place des Martyrs, et l’intention était de la reproduire au 16, Rue de la Loi.
- Ce matin, l’optimisme était palpable. Les détails majeurs de l’accord ont été divulgués à divers endroits dans la presse, chacun y apportant son interprétation. Tous attendaient le feu vert, suivi d’une conférence de presse (même s’il reste à déterminer si l’annonce est d’abord à faire au Parlement ou à la presse).
- Toutefois, le PS a constitué un obstacle imprévu. Par le passé, ce parti s’est souvent confronté à l’Open Vld du Premier ministre, ce qui est devenu une caractéristique de la coalition Vivaldi. Cette fois-ci n’était pas différente, l’enjeu majeur étant la question des « flexijobs ».
- Les libéraux aspirent à étendre ces emplois, avec des coûts sociaux réduits, à un éventail beaucoup plus large de secteurs, notamment l’éducation et la santé, qui font face à de sérieuses pénuries en Flandre. Or, le PS y perçoit une atteinte à l’État-providence : ces emplois, en effet, contribuent bien moins à la sécurité sociale.
- Par ailleurs, des rumeurs circulaient selon lesquelles on attendait encore un signe d’approbation en provenance de Charleroi, ville de résidence de Paul Magnette, leader du PS. Les autres membres de la coalition Vivaldi ont fréquemment souligné que le vice-Premier ministre du PS, Pierre-Yves Dermagne, évite souvent de trancher sur des questions essentielles, laissant en réalité Magnette dicter l’orientation des réunions.
- Ce matin, le PS et l’Open Vld ont ainsi pris un moment à part pour discuter de l’enjeu des flexijobs. Vers 10h30, les vice-Premiers ministres se sont regroupés, cette réunion étant toujours en cours. L’annonce d’un accord aujourd’hui reste possible, juste à temps pour célébrer une victoire collective. Mais, pour le moment, rien n’est certain : « Je crains qu’il soit encore un peu tôt », nous précisait un vice-Premier ministre ce matin.
Les détails : l’offre est riche, avec des éléments séduisants pour tout le monde. Mais la course aux trophées a déjà débuté.
- « Les tableaux finaux ne nous sont pas encore parvenus, donc tout reste conditionnel » : c’est une phrase que nous avons entendue à plusieurs reprises ce matin. Néanmoins, les grandes orientations sont désormais établies.
- D’entrée de jeu, la Vivaldi s’engage à diminuer le déficit de 1,2 milliard d’euros supplémentaires et à satisfaire les demandes additionnelles de différents ministères. Par exemple, l’aide destinée à l’accueil des demandeurs d’asile va augmenter de 140 millions d’euros, et la rubrique « sécurité » du Ministère de l’Intérieur devrait percevoir une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros.
- Ce qui est notable, en cette année électorale, c’est que « les ajustements techniques et les sous-utilisations » atteignent 400 millions d’euros. C’est donc déjà de l’argent qu’il n’est pas nécessaire de trouver. Et il y a des bonnes surprises, comme la retenue à la source sur les bons d’État, plébiscitée par les Belges, qui rapporte un revenu imprévu de 40 millions d’euros, bien que l’obligation bénéficie d’un taux préférentiel.
- En outre, Euroclear, la chambre de compensation détenant tous les fonds et titres russes gelés et contribuant fiscalement en Belgique, demeure une manne pour l’État : les recettes additionnelles de l’impôt sur les sociétés s’évaluent en centaines de millions d’euros. Ces recettes, bien qu’initialement destinées à « soutenir intégralement l’Ukraine », ont un champ d’application bien plus large. Elles couvrent l’aide directe au pays, mais aussi l’accueil et le soutien aux réfugiés ukrainiens en Belgique.
- « Vincent Van Peteghem (cd&v) a fait preuve de clairvoyance en renforçant la présence d’Euroclear en Belgique, en augmentant la participation de l’État », nous confie-t-on du côté du cd&v.
- Le leitmotiv du budget est clair : ne léser personne et éviter d’imposer des charges supplémentaires aux citoyens. Plusieurs partis mettent en exergue le retrait de deux taxes proposées par les écologistes, à savoir la taxe sur l’aviation et celle sur les emballages.
- « L’Open Vld et cd&v se sont fermement opposés à cette taxe sur les billets d’avion que les écologistes souhaitaient alourdir considérablement. Certes, leur base électorale peut s’offrir un voyage en TGV vers le Sud de la France, mais une grande partie de nos concitoyens voyage toujours avec des compagnies low-cost comme Ryanair. Et ce n’était pas notre intention de les pénaliser », commente un vice-premier ministre.
- Il en est de même pour la taxe sur les emballages des fast-foods, qui aurait imposé des frais supplémentaires sur les contenants dans les snack-bars ou chez des enseignes comme McDonald’s ou Starbucks. « Il est inconcevable de pénaliser ainsi les citoyens. L’idée d’obliger les gens à apporter leur propre assiette dans une friterie est absurde. Nous ne voulions pas de cela, surtout en période électorale », nous confient des sources au sein de la Vivaldi.
- Néanmoins, les écologistes ont obtenu gain de cause sur les carburants fossiles : la réduction des accises sur le diesel professionnel va être supprimée, ce qui devrait générer 25 millions. À long terme, les accises sur le gaz et le diesel seront également revues à la hausse.
- Quant à la TVA sur la rénovation après démolition, elle demeure à 6%, mais uniquement pour les propriétaires occupants. C’est une victoire pour les écologistes, même si le cd&v et Open Vld ont tenté de s’approprier ce succès ces dernières semaines.
À noter également : la tension monte concernant les banques, mais aussi sur qui peut revendiquer quel trophée.
- Sur la question de l’introduction d’une taxe supplémentaire sur les banques, un débat passionné a animé les couloirs, avec des résultats encore flous. Ce sont principalement les socialistes de « Vooruit » qui ont plaidé en faveur d’une « taxe sur les bénéfices exceptionnels » du secteur financier, espérant rassembler jusqu’à 600 millions. Cette démarche a aussi été soutenue par le PS et les Verts.
- « Frank a obtenu tout ce que nous voulions : une taxe sur les banques, une augmentation des salaires minimums et de nouvelles initiatives en matière de santé. De plus, un financement supplémentaire a été alloué pour l’Aide au Développement par Caroline Gennez (Vooruit), spécifiquement pour l’accueil des réfugiés en Afrique – un élément clé de notre stratégie migratoire », témoigne-t-on du côté de Vooruit.
- Néanmoins, d’autres membres du gouvernement trouvent un peu audacieux de la part des socialistes de revendiquer si promptement cette taxe. « Plutôt qu’une taxe sur les bénéfices exceptionnels, comme ils l’avaient suggéré, une extension de la taxe bancaire actuelle a été mise en place avec un taux progressif. Cela signifie que les banques les plus importantes devront payer davantage, protégeant ainsi les plus petites. L’idée est d’inciter toutes les banques à réinvestir leurs bénéfices, par exemple, en revalorisant les taux d’épargne », explique une source gouvernementale influente.
- « Ce n’est pas tant une proposition socialiste, mais plutôt une proposition sensée« , précisent-ils. Le fait que les dividendes de Belfius, s’élevant à 220 millions d’euros, soient soudainement considérés par certains comme une façon de « faire payer les banques », suscite l’ironie de certains : « Ces dividendes sont récurrents chaque année », répliquent-ils.
- Mais les socialistes ripostent : « C’est grâce à notre intervention qu’un protocole avec les banques sera instauré, exigeant qu’elles soient plus généreuses envers leurs épargnants. »
Parmi les autres chiffres qui circulent : les regards se tournent vers Bpost. De leur côté, les fumeurs devront débourser davantage.
- Des taxes supplémentaires sont envisagées, notamment une augmentation de 50 millions d’euros sur le tabac et les produits de vapotage.
- Concernant Bpost, l’entreprise devra restituer à l’État belge des fonds perçus en excès via des contrats publics. La somme actuellement avancée est celle évoquée par Bpost elle-même : 75 millions d’euros. Toutefois, la Vivaldi anticipe un montant bien plus conséquent.
- En outre, un budget de 25 millions d’euros est prévu pour des contrats publics avec Bpost, qui pourraient être revus à la baisse, tels que les plaques d’immatriculation et certains comptes spécifiques. Au vu des profits substantiels réalisés par Bpost sur ces contrats au fil des années, cette estimation semble prudente. Le contrat concernant la distribution des journaux n’a pas suscité de débats majeurs.
- Il n’y aura pas d’augmentation de la taxe sur les transactions financières, bien que le PS et les Verts y aient fortement milité pour. Mais le MR, sous la houlette de Georges-Louis Bouchez, s’est opposé fermement à cette augmentation.
- Là où des augmentations fiscales sont attendues, c’est sur les mécanismes d’évasion via les paradis fiscaux. La « taxe caïman » sera renforcée, espérant ainsi générer 60 millions d’euros supplémentaires.
En Wallonie : le gouvernement Di Rupo clôture son budget avec un déficit de 3 milliards d’euros, et le reste…
- Le ministre-président socialiste avait déjà annoncé la couleur, la semaine dernière, promettant qu’aucune nouvelle taxe ne serait mise en place : parole tenue.
- Par contre, comme annoncé, le gouvernement wallon aura laissé en dehors de son budget les dépenses uniques et exceptionnelles liées à la crise sanitaire, la crise énergétique et aux inondations.
- Par ce coup de baguette magique, le déficit, ou autrement dit le solde brut à financer, est en baisse et atteint 2,976 milliards, qu’il faudra aller chercher sur les marchés financiers, dont les taux, vous le savez, ont explosé.
- Si on se limite aux dépenses de fonctionnement, la Wallonie réussit un retour à l’équilibre budgétaire, et 500 millions d’économies auront été réalisés en 2024 pour rendre son budget soutenable financièrement.
- Forcément, ce tour de magie est décrié tant par l’opposition que par les employeurs wallons :
- « Qui peut croire que la Wallonie sera à l’équilibre en 2024 ? C’est mensonger et non conforme aux règles européennes de mettre de côté ‘les dépenses uniques et exceptionnelles’, comme le fait le gouvernement régional. Des dépenses, ce sont des dépenses et il faut toutes les financer », a souligné le chef de groupe du parti Les Engagés au parlement wallon, François Desquesnes, dont les propos ont été recueillis par Belga.
- Le député déplore en outre qu’il manque un effort de 43 millions d’euros, même si on se limite aux dépenses de fonctionnement : « Bref, un budget langue de bois qui colle bien au style Pinocchio du gouvernement wallon, le seul à encore croire à ce qu’il raconte », a-t-il conclu.
- Du côté de l’Union wallonne des entreprises (UWE), on se montre un peu plus nuancé. L’organisation patronale salue le retour à une forme d’équilibre budgétaire, mais met en garde contre les taux d’intérêt qui vont peser sur la dette, et rappelle que les recettes ne sont toujours pas à la hauteur des dépenses, peu importe comment on les calcule.
- « La Wallonie doit (re)prendre son destin en mains et enclencher une véritable révolution culturelle qui replace naturellement l’entreprise au cœur des solutions au bénéfice de notre prospérité collective », a plaidé Cécile Neven, la nouvelle CEO de l’UWE.