Genève, le nouvel eldorado de la prostitution en Europe

La France est en train d’essayer de corseter davantage la prostitution ; qu’à cela ne tienne : les prostituées françaises filent en Suisse. Les péripatéticiennes genevoises se désespèrent de voir leur consœurs frontalières débarquer en masse : les Françaises représentent désormais 28% des professionnelles à Genève, et depuis 2005, elles sont même la nationalité majoritaire.

Alors qu’il n’y avait que 1000 prostituées enregistrées à Genève en 2004, elles seraient 4.100 aujourd’hui. En 2011, 900 nouvelles inscrites auraient fait leur entrée, et la population des Françaises s’est développée de 75%, tandis que celle des Hongroises a crû de 150%…

Pour les associations genevoises, rien d’étonnant, c’est un phénomène cyclique, et Michel Félix, un membre d’Aspasie, une association qui milite depuis 30 ans pour la protection des prostituées, rappelle que dans les années 1980, les prostituées genevoises se plaignaient déjà des concurrentes allemandes, et qu’ensuite, d’autres nationalités étaient arrivées.

En France, les conditions de travail sont très difficiles, ce qui justifie la victimisation de la prostituée française, comme le rappelle Julie Huissoud, de l’association Appart 74 à Gaillard, une petite ville de Haute-Savoie, proche de la Suisse : « Ici, les femmes parlent de souffrance. A 5 ou 10 euros la fellation, c’est de la prostitution de survie».

En Suisse, les choses sont bien différentes. Dans un club chic, les belles de nuit peuvent espérer gagner de 15.000 à 20.000 francs suisses par mois (entre 12.000 et 17.000 euros). Et même si ailleurs, les tarifs sont comparables à ceux pratiqués dans les autres villes d’Europe, elles jouissent d’une certaine sécurité. Travailler en France est devenu dangereux pour ces femmes, qui risquent d’être récupérées dans des réseaux mafieux. En Suisse, la prostitution est légale, mais strictement règlementée, et les prostituées, très contrôlées, échappent plus facilement aux mafias et à la traite des femmes. Mais tout n’est pas rose. Attirées par l’argent « facile », les prostituées améliorent rapidement leurs conditions de vie, et tombent dans l’addiction à l’argent : il en faut toujours plus, et il est difficile de faire machine arrière. En outre, le coût de la vie est très élevé à Genève, notamment les loyers, ce qui motivent certaines d’entre elles à abandonner.

M., du département français du Doubs, qui est mariée et a deux enfants, se prostitue dans un salon érotique genevois. «On peut nous chasser de la rue, de partout. Les femmes trouveront toujours un moyen de faire ce métier », conclut-elle.