Le gigantesque projet de fusion nucléaire ITER finalement reporté ? Ça ne sent pas bon

Le conseil d’administration d’ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), le plus grand projet de fusion nucléaire sur Terre, a reporté à l’année prochaine l’annonce d’un calendrier actualisé du projet. Le réacteur est censé générer du plasma pour la première fois en 2025, mais cet objectif pourrait ne pas être atteint.

Pourquoi est-ce important ?

Les scientifiques tentent depuis des décennies de construire des réacteurs à fusion nucléaire, des réacteurs qui, globalement, imitent ce qu'il se passe au cœur du soleil. ITER est le plus grand projet de ce type de tous les temps. 35 pays à travers le monde travaillent ensemble pour construire un réacteur dans le sud de la France qui devrait démontrer qu'il est possible d'extraire plus d'énergie d'une réaction qu'il n'en a fallu pour la démarrer. Si la technologie s'avère efficace, elle pourrait déclencher une révolution dans le monde de l'énergie.
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Dans l’actu : le calendrier actuel d’ITER prévoit un démarrage en 2025. Dix ans plus tard, le réacteur devrait être pleinement opérationnel. Mais il semble de plus en plus probable que cet objectif ne sera pas atteint.

  • L’année dernière, le conseil d’administration d’ITER avait annoncé que le calendrier serait revu, principalement à cause des effets de la pandémie et des défis techniques difficiles à surmonter. Le nouveau calendrier devait être présenté au cours du premier semestre 2023. 
  • Mais il apparaît désormais que les nouvelles échéances ne seront présentées que l’année prochaine. Avant que le nouveau calendrier puisse être proposé, quelques changements clés seront apportés, a fait savoir le directeur général Pietro Barabaschi, pour « positionner le projet vers le succès ».
  • ITER veut notamment changer le matériau qui compose la paroi du réacteur, qui est exposée au plasma super chaud dans la chambre du réacteur : du béryllium au tungstène. Des stratégies seront également incluses pour « compenser les risques futurs », par exemple en soumettant les composants à des tests supplémentaires avant l’installation.
  • On s’attend à ce que le projet connaisse des retards importants. Il y avait déjà des problèmes avec un certain nombre de composants importants l’année dernière. Un bouclier thermique produit par la société sud-coréenne SFA Engineering et des pièces de la chambre à vide fabriquées par Hyundai se sont avérés défectueux. En conséquence, des dizaines de kilomètres de canalisations ont dû être retirées du réacteur, une opération qui a nécessité d’innombrables heures de travail.

Projet monstre

Zoom arrière : ITER est l’un des projets scientifiques les plus ambitieux sur Terre.

  • Le projet a en fait commencé en 1985, lorsque l’Union soviétique, les États-Unis, l’UE et le Japon ont décidé de travailler ensemble pour construire un réacteur expérimental à fusion. Plus tard, d’autres pays comme la Chine, l’Inde et la Corée du Sud se sont également jointes à eux.
  • En 2005, après de longues négociations, il a été décidé de construire le réacteur à Cadarache, dans le sud de la France. La construction a commencé en 2010 et l’installation du réacteur lui-même a commencé dix ans plus tard
  • Lorsque le réacteur démarrera, des expériences seront menées pendant des années. Au cours de la prochaine décennie, le projet devrait démontrer pour la première fois qu’il peut réaliser des gains énergétiques nets. Cependant, le réacteur ITER ne produira jamais d’électricité.
  • Le réacteur devrait principalement servir de preuve de concept pour la fusion nucléaire. Une fois le projet ITER terminé, l’organisation s’attend à ce que la technologie soit prête pour la commercialisation. 

Qu’est-ce que la fusion nucléaire ?

Rappel : La fusion nucléaire fonctionne en comprimant les noyaux atomiques jusqu’à ce que, comme son nom l’indique, ils fusionnent ensemble.

  • Lorsque cela se produit avec des noyaux atomiques légers, tels que certains isotopes de l’hydrogène ou de l’hélium, une grande quantité d’énergie est libérée. La fusion de l’hydrogène est d’ailleurs ce qui alimente notre soleil. La technologie est prometteuse, car il est pratiquement impossible de tomber en panne de carburant et que presque aucune substance nocive n’est libérée lors de la production d’énergie.
  • Mais l’énorme pression au cœur du soleil, causée par le champ gravitationnel de notre étoile, est impossible à reproduire sur Terre. Par conséquent, des réacteurs doivent être construits pour fusionner des noyaux atomiques à des températures extrêmement élevées, jusqu’à 100 millions de degrés Celsius.
  • Il ne fait aucun doute que le développement d’un réacteur capable de contrôler le plasma à 100 millions de degrés n’est pas facile. Néanmoins, des percées ont lieu, lentement mais sûrement. À la fin de l’année dernière, lors d’une expérience aux États-Unis, plus d’énergie a été extraite d’une réaction qu’elle n’y a été injectée, et ce pour la première fois. Cependant, cette réaction n’a pas pu se maintenir et n’a duré qu’une fraction de seconde.

(OD)

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