« Je ne suis pas un fraudeur » : défense judicieuse ou de l’huile sur le feu pour Sam Bankman-Fried ?

Invité à une conférence assez prestigieuse, le milliardaire déchu de la crypto Sam Bankman-Fried revient sur l’effondrement de la plateforme d’échange FTX. Il plaide l’innocence et la surprise. Mais pour les investisseurs qui s’estiment trompés, cela ne rajoute que de l’huile sur le feu.

Pourquoi est-ce important ?

Sam Bankman-Fried est accusé de fraude. Sa présence à une conférence organisée par le New York Times, le DealBook Summit, au prix d'entrée de 2.499 dollars, pose question.

Dans l’actu : SBF au DealBook : sur la défensive et un semblant de mea culpa.

  • Lors d’une conférence animée par Andrew Ross Sorkin de CNBC au DealBook Summit, où l’ancien PDG de FTX apparaît en vidéo depuis les Bahamas, SBF a décrit sa situation d’aujourd’hui. Il n’a plus qu’une carte de crédit qui fonctionne, et sa fortune qui affichait il y a peu 16 milliards de dollars a chuté à 100.000 dollars. « J’ai passé un mauvais mois », résume-t-il. La salle rit.
  • Il revient également sur l’effondrement en vitesse lumière de FTX. « Je n’ai jamais essayé de frauder qui que ce soit », lance-t-il. « Je voyais cela comme une entreprise florissante et j’ai été choqué par ce qui s’est passé ce mois-ci ».
  • « Nous avons complètement échoué sur le plan du risque », ajoute-t-il encore. « C’est assez embarrassant, rétrospectivement ». En résumé : « je n’ai pas fait un bon travail ».
  • Concernant Alameda Research, le fonds d’investissement qui est la pierre angulaire du scandale, SBF se défend : il n’était pas à la tête du fonds et ne savait pas ce qui s’y passait. Il a appris les problèmes via les révélations dans la presse (lire ci-après).
    • Ce qui, selon son remplaçant à la tête de FTX pour gérer la liquidation, serait faux : le milliardaire déchu avait bel et bien le contrôle sur les différentes entreprises autour de FTX.

L’essentiel : de l’huile sur le feu.

  • Cette apparition ne risque pas de calmer les choses. Au contraire. Sorkin demande d’ailleurs si les avocats pensent que c’est une bonne idée que SBF apparaisse à cette conférence. « Pas du tout », répond le principal intéressé.
  • C’est que les accusations qui portent sur lui sont graves.
  • En résumé, FTX est la plateforme d’échange où des clients proposaient en prêt leurs cryptomonnaies, que d’autres investisseurs pouvaient louer, en mettant une somme en gage. Sauf qu’il n’y avait aucun contrôle sur ce « coffre » où arrivaient les sommes. Alameda Research, le fonds d’investissement créé par SBF mais cédé à ses collaborateurs, notamment Caroline Ellison, se servait librement dans ce coffre pour investir.
    • Pour boucher les trous, le fonds utilisait des jetons FTT, la cryptomonnaie-maison de FTX, qui n’a aucune valeur en dehors de la plateforme. Ces jetons étaient parfois directement renfloués par FTX : ces deux enseignes qui devaient agir séparément auraient agi avec un conflit d’intérêt évident. C’est ce qui ressort de l’analyse du dossier de faillite, qui a été déclarée le 11 novembre.
  • Le 6 novembre, CoinDesk, média spécialisé dans la crypto a levé le lièvre, en pointant du doigt le fait que le fonds d’Alameda était constitué à un tiers de jetons FTT, soit sur du vent. La plateforme d’échange Binance a vendu tous ses FTT et le château de cartes s’est écroulé.
  • À la conférence du NYT, SBF fait l’innocent et le surpris. De quoi en tout cas jeter de l’huile sur le feu pour les investisseurs qui se considèrent comme trompés et ne verront sans doute plus jamais la couleur de leur argent, surpris qu’il soit libre de parler aux médias au lieu d’être en détention préventive. Tout comme pour les défenseurs de la cryptomonnaie qui voient leur secteur solidement entaché par cette affaire.
    • Ce n’est peut-être pas une apparition très maligne de la part de SBF, mais sa culpabilité (de fraude ou de négligence grave) reste à déterminer au cours de ce qui s’annonce être un long procès. D’ici-là, il bénéficie de la présomption d’innocence.

Le détail : les dons au parti démocrate, qu’un revers de la médaille.

  • SBF a donné des dizaines de millions de dollars au parti démocrate. Ce qui alimente des théories sur sa non-détention aujourd’hui.
  • Mais il s’avère désormais qu’il a donné tout autant au parti républicain, mais pas en son nom propre. C’est ce qu’il prétend en interview (réalisé le 16 novembre et publiée le 29) avec Tiffany Fong, blogueuse du monde de la crypto. Un don qu’il aurait toujours caché pour ne pas entacher son image dans la presse, plaide-t-il. Une non-déclaration qui risque aujourd’hui d’encore plus de nuire à sa crédibilité.
  • Voici pour l’extrait en question :
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