Medista vs Frank Vandenbroucke (Vooruit), acte 2 : l’attribution d’un contrat public durant la crise sanitaire fait à nouveau des vagues.
- Cette entreprise de logistique accuse le SPF Santé publique, chapeauté par le ministre de la Santé, de malversations dans l’attribution d’un marché public de 50 millions d’euros autour de la campagne de vaccination.
- Après avoir été déboutés par le Conseil d’Etat, à l’été 2022, Medista et sa CEO, Sarah Taybi, reviennent à la charge, en adressant directement un courrier au Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld).
- Dans ce courrier, qu’a pu se procurer Het Laatste Nieuws, Sarah Taybi affirme détenir des preuves d’une fraude présumée dans l’attribution du marché public. Elle accuse également le vice-premier ministre Vandenbroucke de vouloir détruire son entreprise.
- Mais de quoi parle-t-on exactement ? Durant la crise sanitaire, un marché public a été lancé pour le stockage et la distribution de vaccins, de médicaments et d’équipements médicaux. Medista a d’abord remporté le contrat qui portait sur la période 2020-2025. Mais en juillet 2022, coup de théâtre : le SPF Santé décidait finalement de réattribuer le contrat à la multinationale française Movianto, via un nouvel appel d’offres.
- À l’époque, Frank Vandenbroucke avait justifié ce choix par des raisons budgétaires. Un choix que Medista n’a jamais pu digérer, estimant que le nouvel appel d’offres n’avait pas été fait dans les règles.
- Face au Conseil d’Etat, à l’été 2022, Medista était pourtant débouté, faute de preuves : aucun indice de conflit d’intérêts ou d’informations privilégiées ne s’est avéré fondé. Frank Vandenbroucke ne cachait pas sa satisfaction : “J’ai toujours eu confiance dans le fonctionnement du SPF Santé publique et cet arrêt montre que l’appel d’offres a été organisé correctement.”
- Aujourd’hui, Sarah Taybi dit disposer de « preuves concluantes« de malversations à l’encontre d’au moins un fonctionnaire du SPF. Medista estime dans sa lettre qu’il a été écarté de manière délibérée. Ces « preuves », il s’agirait de vidéos dans lesquelles le fonctionnaire aurait admis avoir manipulé le dossier, relate le quotidien flamand, ce vendredi.
- Interrogé par Villa Politica, ce jeudi, Frank Vandenbroucke s’est montré sûr de lui et même un peu provocateur : « S’ils ont des preuves, qu’ils viennent. Qu’ils rendent ces preuves publiques, je ne demande pas mieux. Nous réexaminerons ensuite la question. » Le socialiste déplore que « des gens continuent de lancer de la boue » alors que le Conseil d’Etat a clairement débouté l’entreprise de logistique. « Êtes-vous sûr à 100% qu’il n’y a pas eu de manipulations », questionne la journaliste ? « Je suis sûr à 100% du Conseil d’Etat », a conclu le ministre de la Santé.
- Le conflit entre Medista et Vandenbroucke est latent depuis un certain temps. L’année dernière, le SPF Santé a refusé de payer des millions d’euros de factures pour de prétendues erreurs, écrit Het Laatste Nieuws. Problème : cela risquait de compromettre la campagne de vaccination de septembre 2022. Le ministre a été contraint de saisir la justice pour que Medista s’exécute, en attendant que la multinationale Movianto soit prête à reprendre le rôle.
- Il faut y ajouter une facture impayée de 5,4 millions d’euros, selon Medista, pour le déménagement de toutes les marchandises vers les entrepôts de Movianto. Pour Sarah Taybi, c’est une certitude, Vandenbroucke veut « provoquer une faillite, afin que les preuves disparaissent dans l’ombre », a-t-elle écrit dans son courrier adressé au Premier ministre.
Zoom arrière : Vandenbroucke et la gestion du Covid-19, une longue histoire de questions sans réponses.
- La période du Covid-19 a été une période d’incertitudes, ce qui a mené à des dépenses monstrueuses et parfois à de gaspillages. Depuis plus d’un an, la députée Kathleen Depoorter (N-VA), pharmacienne de profession, tente d’obtenir des réponses de la part du ministre, qui, selon elle, manque de transparence.
- La députée fédérale a évalué à 235 millions d’euros le matériel périmé et donc gaspillé. On parle ici de médicaments et de vaccins jamais utilisés, d’équipements de protection devenus inutilisables, de recours à des consultants ou encore de procédures judiciaires qui s’enlisent.
- En août dernier, le cabinet du ministre Vandenbroucke reconnaissait les faits liés au matériel périmé, mais évaluait la facture totale à 210 millions d’euros. Interrogé à l’époque par La Dernière Heure, le cabinet du ministre expliquait que face à l’incertitude du moment, le gouvernement avait vu trop large, pendant la crise sanitaire et au sortir de la crise sanitaire.
- Mais la députée Kathleen Depoorter voulait tirer ça au clair et a demandé à plusieurs reprises une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur ces manquements et ces gaspillages. Vandenbroucke a répondu que la tâche était trop importante, que cela demanderait trop de travail pour réexaminer tous les documents liés à la gestion des stocks.
- Réinterrogé en commission Santé, mardi dernier, Frank Vandenbroucke a une nouvelle fois refusé cet audit. La question est de savoir si cette nouvelle charge de Medista pourrait relancer le dossier. Du côté du Premier ministre, on confirme qu’une lettre a bien été reçue, mais on préfère renvoyer la balle au ministre compétent : Frank Vandenbroucke.