Fin février est la date limite pour le nouvel accord sur les pensions : la Belgique ne demande pas (encore) le fonds européen de relance de 847 millions, la Vivaldi a besoin de plus de temps pour la réforme

Il est rare qu’un gouvernement ait droit à près de 900 millions d’euros de fonds, mais ne les demande pas immédiatement. Mais c’est ce que la Vivaldi fait maintenant par nécessité : la première tranche de l’argent du plan de relance européen de 847 millions est laissée de côté. Cela nous a été confirmé par le Secrétaire d’État à la Relance Thomas Dermine (PS). Pour la Commission européenne, la Belgique doit remplir 22 conditions pour obtenir cet argent : une bonne partie de ces conditions ont déjà été remplies, comme le déploiement de la 5G et la « verdurisation » des voitures de société. Mais le dossier des retraites piétine : la Commission européenne veut que le système soit « durable », c’est-à-dire que la réforme ne devrait pas coûter plus cher que le système actuel. Un ajustement minimal, dans lequel la ministre compétente en matière de pensions, Karine Lalieux (PS), proposait de réduire le bonus de pension, afin de satisfaire la Commission, n’a pas été accepté par les partenaires de la coalition. Ces derniers veulent réformer beaucoup plus loin. En décembre dernier, cette situation a donné lieu à un conflit violent entre le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), qui a présenté une proposition, et le PS, qui l’a rejetée avec colère. Le vent est en train de tourner, entend-on chez les libéraux : « De manière informelle, beaucoup de travail a déjà été fait, on peut maintenant dresser un menu avec des thèmes et ensuite se mettre d’accord sur le calendrier. » Au PS, on reste ferme : « S’il y a des coupes, il faudra aussi de nouveaux impôts. » La fin du mois de février est le nouveau délai : c’est à cette date que la Vivaldi veut pouvoir répondre à la Commission.

Dans l’actualité : la Belgique ne demande pas pour l’instant l’argent du plan de relance européen.

Le détail : un vote sur la transparence obligatoire des propriétaires d’entreprises, prévu pour la fin février, est le déclencheur de l’obligation de réglementer les retraites d’ici là.

  • « Le chantage européen sur la réforme des retraites n’est pas acceptable. L’Europe n’a aucune compétence en matière de retraites », fustigeait encore Paul Magnette (PS) fin 2022. À propos du Premier ministre, qui avait présenté son propre programme ambitieux de réforme des retraites, le président des socialistes remettait une fois de plus en cause « une méthode plus que jamais imparfaite ».
  • En cette nouvelle année, cependant, la soupe semble être un peu moins chaude. En effet, la Vivaldi tente discrètement, autant que faire se peut, de trouver une issue à l’épineux dossier des pensions.
  • C’est là que la Commission européenne nous met le couteau sous la gorge : elle a ajouté une liste de réformes nécessaires pour chaque État membre en échange de son argent. Pour la Belgique, il s’agirait de 22 conditions, en échange de 4,5 milliards d’euros en tout. Au sein du cabinet Dermine, le secrétaire d’État compétent, on est assez fier que la plupart de ces objectifs aient déjà été réalisés. Entre autres choses, un nouveau réseau 5G a enfin été mis en place, les réformes autour de la « verdurisation » des voitures de société sont une réalité, les dépenses publiques font également l’objet d’un meilleur monitoring…
  • Mais pour les retraites aussi, la Commission a donc demandé des réformes, notamment en termes de genre (les femmes sont désavantagées), mais aussi de solidarité (les pensions les plus basses ont été augmentées de manière substantielle) et de convergence (nous sommes plus en phase avec les autres systèmes de retraite européens). Ce n’est que sur la question de la « durabilité » que les choses ont stagné plus longtemps. Ce mot est du jargon européen pour exprimer la soutenabilité financière du système des retraites : les réformes doivent permettre au système de coûter moins cher.
  • Soit dit en passant, c’était également la préoccupation de l’aile droite du gouvernement l’été dernier, lorsque la Vivaldi a conclu un premier accord sur les pensions : ces plans, avec des incitations pour ceux qui veulent travailler plus longtemps, ne coûteraient-ils pas plus cher aux finances publiques ? Finalement, il a été inclus dans les notifications de l’accord de la Vivaldi de cet été qu’il ne le fallait. Quelques mois plus tard, diverses estimations et études ont pourtant montré que c’était le cas.
  • La Commission européenne n’est donc pas la seule à exiger des ajustements au dernier accord sur les pensions, le PS et la ministre compétente en matière de pensions, Karine Lalieux, sont également tenus par leur propre accord dans le cadre de la Vivaldi.
  • Dans les cabinets du PS, on réagit à cela de manière très discrète : « Bien sûr, cela se trouve dans les notifications de l’accord cet été, nous n’allons pas le nier. Nous avons donc fait des propositions, Karine a préparé les plans, afin de procéder à quelques ajustements pour que toute la réforme devienne budgétairement neutre. »
  • Mais l’aile droite de la Vivaldi n’a pas mordu à l’hameçon. Il ne pouvait en être autrement : le Premier ministre De Croo est allé beaucoup plus loin à la mi-décembre, lorsqu’il a présenté ses propres propositions au sein du kern. On connaît la réponse du PS.

L’essentiel : le bâton doit maintenant venir de l’intérieur de la Vivaldi, mais il n’est pas vraiment solide.

  • Il est clair que le PS n’est pas désireux de réformer grand-chose, et encore moins de supprimer les régimes spéciaux, qui s’appliquent favorablement aux bénéficiaires de la Défense ou de la SNCB. À un an des élections, Magnette n’a aucune envie de s’opposer aux syndicats.
  • Et pourquoi le ferait-il ? Les négociations sur ces pensions ont été plutôt asymétriques dès le départ : la grande revendication des socialistes, à savoir porter la pension minimale à 1 500 euros, ils l’ont déjà obtenue lors de la rédaction de l’accord de coalition. Les réformes nécessaires et le durcissement, entre autres, de l’âge de la retraite, notamment pour certains secteurs, sont toujours restés lettre morte.
  • Alors pour le PS, c’est simple : soit la Vivaldi se lance dans les petits ajustements que Lalieux veut opérer, soit on repart vers une toute nouvelle négociation. « Et avec un tel nouveau chapitre, vous revenez à la vieille méthode classique que nous utilisons : la règle des un tiers, un tiers, un tiers », entend-on fermement du côté du PS.
  • En d’autres termes, tout ce que De Croo et les libéraux voudraient modifier doit être compensé : le tiers qui concerne les coupes doit être pondéré par un tiers de nouveaux impôts et un dernier tiers de mesures spéciales. Les mots magiques comme l’impôt sur la fortune ne sont alors plus très loin.
  • Du côté de l’Open Vld, on apaise : « Il y a encore du travail à faire. Mais on peut déjà dresser un menu avec des thèmes, pour ensuite se mettre d’accord sur un calendrier, et compléter le tout avec des mesures. De manière informelle, beaucoup de choses ont déjà été cochées, mais il faut encore un peu de temps », disent-ils. Chez les libéraux, on veut absolument que De Croo puisse faire une autre grande réforme : après la débâcle d’Eva De Bleeker (Open Vld), le Premier ministre a besoin de nouveaux succès. L’accord avec Engie a été un premier pas dans ce sens.

Le timing ? À la fin du mois de février, la Vivaldi voudra de toute façon demander l’argent du plan de relance européen.

  • Un court délai pour demander la tranche de 847 millions d’euros est possible. Mais pas indéfiniment. En fait, la Vivaldi utilise un autre dossier pour justifier l’ajournement de la réforme des pensions à la fin du mois de février.
  • Ce dossier tourne autour de la transparence des structures de propriété, pour des raisons fiscales : le régime dit des « Ultimate Beneficial Owners » ou UBO. En effet, les autorités fiscales aiment savoir qui sont les véritables actionnaires, ou les parties sous-jacentes d’une transaction : ce n’est qu’à ce moment-là qu’elles peuvent commencer à les taxer correctement.
  • Bien que ce règlement obligatoire sur les UBO ait été voté en commission à la Chambre hier, il ne pourra être définitivement approuvé en plénière que fin février. À ce moment-là, 21 des 22 conditions auront été remplies, et il serait logique que les pensions soient également approuvées à ce moment-là.
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