Expert immobilier : « La suppression de la déduction fédérale des intérêts pourrait faire grimper les loyers en flèche »

Le gouvernement De Wever supprime la déduction des intérêts pour les propriétaires de logements multiples ou d’autres bâtiments. « Cette intervention augmente la charge fiscale des propriétaires et autres », prévient Brixius Kell, Head of Real Estate chez Grant Thornton. « Cela pourrait entraîner une hausse des loyers. Et ce, à un moment où le marché de la location est déjà difficile d’accès pour de nombreuses personnes. »


Principaux renseignements

  • Le gouvernement fédéral supprime la déduction des intérêts fédéraux, un avantage fiscal accordé aux personnes qui empruntent pour acheter une résidence secondaire.
  • L’expert immobilier Brixius Kell prévient que cette mesure pourrait avoir un effet à la hausse sur les loyers.
  • « Dans certains cas, une société de patrimoine peut contribuer à alléger la charge fiscale des propriétaires, mais c’est toujours du sur-mesure », ajoute-t-il.

Tant le gouvernement fédéral que les gouvernements régionaux ont modifié à plusieurs reprises l’impôt foncier ces dernières années. En Flandre, la prime au logement flamande a disparu sous le premier ministre de l’époque, Jan Jambon (N-VA). En guise de compensation, le gouvernement a alors réduit les droits d’enregistrement lors de l’achat d’une maison familiale. Mathias Diependaele, premier ministre flamand et collègue de parti de Jambon, a encore réduit cette taxe. Aujourd’hui, les Flamands paient 2 pour cent de droits d’enregistrement lors de l’achat d’un premier logement.

Le précédent gouvernement flamand a supprimé la prime au logement en 2020. Elle est restée en place au niveau fédéral pour les résidences secondaires. Cet avantage fiscal a disparu en 2024. Le gouvernement De Wever va plus loin. Il supprime aussi la déduction des intérêts fiscaux pour les emprunts liés à une résidence secondaire. La nouvelle règle entre en vigueur à partir de l’exercice d’imposition 2026. Elle s’appliquera aux nouveaux emprunts, mais aussi aux emprunts en cours. Selon les tableaux budgétaires, cette mesure rapportera 210 millions d’euros par an dès 2025. D’après les chiffres du cabinet du ministre des Finances Jan Jambon (N-VA), près de 500.000 Belges bénéficient actuellement de cette déduction.

Des milliers d’euros d’avantages fiscaux perdus en raison de la suppression de la déduction des intérêts fédéraux

La suppression de la déduction fiscale des intérêts touche surtout les investisseurs ayant récemment acheté un bien avec un prêt hypothécaire. Ils ont souvent basé leur décision sur l’ancien cadre fiscal. De nombreux investisseurs, avec leur banque, ont inclus cette déduction dans leurs simulations. Ces calculs ont guidé leur choix d’investir. « Beaucoup ont décidé sur la base de règles qui changent soudainement. Cela mine la confiance dans la stabilité fiscale. Un gouvernement doit garantir des politiques prévisibles, surtout pour les investissements à long terme comme l’immobilier. »

Une simulation réalisée par l’expert immobilier montre que la disparition de l’avantage fiscal pourrait rapidement augmenter la charge fiscale de plusieurs milliers d’euros par an. Kell donne l’exemple d’un propriétaire louant une résidence secondaire à Bruxelles. Dans cette simulation, le prix d’achat est de 600.000 et l’acheteur a contracté un emprunt de 360.000 euros, correspondant à 60 pour cent du prix d’achat. Le taux d’intérêt est de 1,9 pour cent. La charge d’intérêt annuelle s’élève donc à 6.840 euros. Le loyer mensuel est de 2.000 euros. Comme les intérêts dépassent le loyer, la personne dans cet exemple ne doit pas payer d’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il paie un impôt foncier de 1.109 euros. Avec la suppression de l’avantage fiscal, le propriétaire paie désormais un impôt de 2.115 euros au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (y compris les taxes municipales). La charge fiscale totale s’élève donc à 3.122 euros (y compris l’impôt foncier). Lorsque le même bien est utilisé par le locataire à des fins professionnelles (par exemple comme bureau), la charge fiscale (y compris le précompte immobilier) passe de 7.812 à 11.437 euros. Soit une différence de 3.625 euros.

Des loyers plus élevés

Par ailleurs, Kell n’exclut pas que la suppression ait des effets désastreux sur le marché de la location. « Les propriétaires voudront compenser la perte de la déduction des intérêts fiscaux, ce qui pourrait entraîner une hausse des loyers », note-t-il. « Et ce, alors que les besoins en logements familiaux sont encore plus importants. L’année dernière, la fédération sectorielle Embuild Flanders a averti que 239 000 logements familiaux supplémentaires seraient nécessaires dans la seule Flandre d’ici 2035 pour faire face à la croissance démographique.

« Dans certains cas, une société de patrimoine peut apporter une réponse partielle, mais il s’agit toujours d’une solution sur mesure », poursuit Kell. En effet, des règles fiscales différentes s’appliquent à l’impôt sur les sociétés, où les coûts d’acquisition ou de maintien des revenus restent déductibles. « Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si les structures via des sociétés sont plus intéressantes, mais quand ce changement est imminent », ajoute-t-il. « Pour ceux qui se constituent un portefeuille de plusieurs biens immobiliers, il est devenu presque évident d’optimiser la fiscalité via une société et donc de créer une société patrimoniale. »

Mais là aussi, il y a des points d’attention : les plus-values réalisées au sein de la société sont imposables, et le transfert des bénéfices imposés vers le patrimoine privé est soumis à un précompte mobilier classique de 30 pour cent. Pour faire un bon choix, l’expert immobilier estime qu’il faut avoir une vision claire de l’avenir. « Il est préférable de prendre une décision sur la base d’une projection des résultats nets dans les différents scénarios. Mais pour cela, vous avez besoin de réglementations prévisibles. Les interventions qui modifient les règles du jeu en cours de route ne sont pas évidentes », conclut-il.

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