Depuis l’arrivée en masse des cryptomonnaies, et de l’alternative affranchie du contrôle des États qu’elles étaient censées incarner, on attend encore la réponse : des monnaies « classiques » mais en version numérique. Mais n’est-ce pas vider le projet de base de son essence ?
« Nous travaillons à protéger la vie privée, mais… »
Dans l’actualité : l’euro numérique, on en parle beaucoup sans vraiment en savoir beaucoup sur ce qu’il pourrait incarner. Pourtant, la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde le défend âprement. Tout en reconnaissant que ce système aura forcément des limites.
« Nous travaillons à protéger la vie privée, mais puisque l’argent numérique laisse une trace sur la blockchain, cela ne sera pas entièrement anonyme comme c’est le cas avec un billet de banque. […] Le système utilisera les banques commerciales comme intermédiaires pour diffuser l’euro numérique. Les banques auront accès à des données, c’est vrai. Mais elles ont aujourd’hui déjà accès à des données. »
Christine Lagarde, devant les députés de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.
Peut-être même pas de blockchain
Entre les lignes : en quelques mots, la présidente de la BCE a confirmé que ce futur euro numérique ne garantirait pas l’anonymat. C’est pourtant là le principal argument derrière toute devise décentralisée, le bitcoin en tête.
- Le projet a toujours été un peu en porte-à-faux sur ce point : « Il n’est pas certain qu’une solution décentralisée comme la blockchain puisse faire face aux volumes qui pourraient être générés. Quoi qu’il en soit, notre infrastructure n’aura aucun rapport avec le bitcoin, qui n’est pas de l’argent et repose sur une technologie très inefficace et dévoreuse d’énormes quantités d’énergie ». Ce sont là les mots du président de la task force dédiée à la monnaie numérique de banque centrale, Fabio Panetta.
- Mais à quoi servirait donc un euro numérique qui n’offre pas les garanties de sécurité et de confidentialité d’une technologie comparable à la blockchain ? C’est une bonne question, car cette absence de contrôle, c’est précisément ce que la BCE veut bannir.
Une guerre au cash
« Procurer l’anonymat que les billets de banque offrent, c’est contraire à l’objectif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. […] Les données ne seront pas à la disposition de la BCE, ce ne sera pas une BCE Big Brother qui va se pencher sur le détail des transactions. »
Christine Lagarde
Une BCE qui ne comprend pas les inquiétudes de nombreux consommateurs européens : beaucoup restent très attachés au cash, pour la liberté qu’il permet loin du contrôle, réel ou supposé, des banques et autres systèmes numérisés.
- Dans des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Autriche, le liquide reste le moyen de paiement privilégié par une bonne part de la population.
- Dans ces deux derniers pays, la protection du cash est même devenue un enjeu électoral bien réel. Vienne envisage même d’inscrire le droit au paiement en liquide dans la Constitution fédérale du pays.
Pourtant, la BCE maintient qu’un euro numérique serait plus sûr qu’un paiement classique par cash, pour préserver la confidentialité des données des utilisateurs.
- Le système qui se dessine serait utilisable tant hors ligne qu’en ligne. Et si les transactions en ligne offriraient des niveaux de confidentialité équivalents aux formes de paiement actuelles, les paiements hors ligne seront bien plus sécurisés encore.
- Au mois d’octobre, le Conseil des gouverneurs de la BCE se réunira pour décider de mettre en place un projet pilote d’une durée de deux ans, a confirmé ce lundi Christine Lagarde.