Ce mardi, Olaf Scholz a tenu des propos pour le moins surprenants, au regard de ses positions publiques depuis son arrivée à la tête de la chancellerie allemande. Ce que la Russie fait depuis quelques mois, il l’aurait vu venir.
Intervenant lors du 13e sommet allemand de l’ingénierie mécanique à Berlin, Olaf Scholz a reproché à Vladimir Poutine d’utiliser l’énergie « comme une arme ». Rien de nouveau là-dedans. Sauf qu’il a ajouté avoir « toujours été sûr qu’il ferait cela ».
Le chancelier allemand est même allé plus loin, se vantant presque d’avoir vu venir ce que personne n’avait imaginé. Selon lui, en décembre 2021, dès son arrivée au pouvoir, il a exhorté les services gouvernementaux à examiner la possibilité pour la Russie d’arrêter les livraisons de gaz à l’Allemagne.
« C’était, je pense qu’on peut le dire, à un moment où la plupart des gens ne pensaient pas que c’était probable. Mais je pensais que c’était possible », s’est-il félicité. Scholz s’est ensuite lancé dans un discours visant à montrer que ses bonnes prédictions avaient permis à l’Allemagne de prendre les devants en matière d’approvisionnement énergétique, tant en se lançant dans des travaux d’infrastructures qu’en négociant de nouveaux accords avec d’autres pays.
« Nord Stream 2 est un projet privé »
En Allemagne, le discours fanfaron de Scholz passe mal. Il n’a pas fallu longtemps avant que les médias ne rappellent son premier discours en tant que chancelier allemand lors d’un sommet européen, à la mi-décembre. À l’époque, il avait balayé d’un revers de la main les critiques et inquiétudes vis-à-vis de Nord Stream 2. « C’est un projet du secteur privé », avait-il assuré.
Rappelons que deux mois plus tard, lorsque le Kremlin a reconnu l’indépendance des régions ukrainiennes pro-russes juste avant de déclencher la guerre, le gouvernement allemand n’a eu d’autre choix que de suspendre la procédure d’autorisation du gazoduc.
En outre, les détracteurs de Scholz ont eu tôt fait de rappeler que celui-ci a été ministre du Travail (2007-2009) et ministre des Finances et vice-chancelier (2018-2021) de l’Allemagne, sous Angela Merkel. Et qu’il l’a soutenue dans ce que d’aucuns considèrent aujourd’hui comme un processus qui a conduit le pays à se rendre presque entièrement dépendant de la Russie sur le plan énergétique.
En septembre 2020, par exemple, Scholz s’était directement exprimé sur le sujet. « L’argument selon lequel l’Allemagne deviendrait dépendante [de la Russie] n’est pas correct », avait-il déclaré lors du Forum économique est-allemand à Bad Saarow, en réponse aux pressions – surtout américaines – appelant à stopper le projet Nord Stream 2.
Réactions politiques
Forcément, les propos de Scholz ont fait réagir les membres d’autres partis politiques. Mais pas outre mesure, car ils ne sont pas nombreux à pouvoir montrer patte blanche dans ce dossier.
« Le fait que la Russie utiliserait l’énergie contre nous et l’Ukraine dans sa guerre hybride était clair depuis longtemps et a été ignoré par tous les anciens membres du cabinet. Je souhaiterais ici un peu plus de sincérité et l’aveu clair que l’on tirera les leçons des erreurs du passé », a déclaré auprès du Bild Robin Wagener, député des Verts, membres de la coalition au pouvoir et seul parti à être réellement monté au créneau durant les dernières élections pour dénoncer cette dépendance à l’égard de la Russie.
« Le criminel de guerre du Kremlin utilise l’énergie comme une arme. Je suis heureux que le chancelier comprenne maintenant cela aussi – après que lui et le SPD aient encore été confrontés à cette prise de conscience à la fin de l’année dernière », a de son côté commenté Marcus Faber, député du FDP, troisième membre de la coalition.
Du côté du CDU, actuel principal parti de l’opposition, mais qui était aussi celui de Merkel, le député Roderick Kieswetter a tout même noté auprès de Politico que « découvrir la conscience et la position de Scholz aujourd’hui », alors qu’il avait qualifié Nord Stream 2 de « purement privé » il y a moins d’un an, était « étrange ».