Malgré les déboires de la mission Artemis-1, toujours en stand-by sur son ère de lancement, il n’y a aucun doute que les voyages spatiaux au long cours se multiplieront dans les années à venir, sur la Lune d’abord, puis sur Mars. Mais les futurs pionniers du système solaire risquent bien d’en subir les conséquences : les indices s’accumulent pour démontrer qu’un séjour dans l’espace n’est pas dénué de conséquences pour le corps humain.
Les effets prolongés de l’apesanteur suscitaient déjà des inquiétudes, notre organisme y prenant la mauvaise habitude de détruire ses propres globules rouges plus rapidement qu’il n’en produit, ce qui peut entrainer une anémie plus ou moins sévère. Mais selon une étude les résultats viennent de paraître, ce n’est pas là le seul effet des voyages lointains sur notre sang.
Des échantillons vieux de 20 ans
Les chercheurs ont étudié des échantillons sanguins prélevés sur 14 astronautes ayant volé à bord des navettes spatiales, et stockés depuis 20 ans. À l’époque, les chercheurs avaient prélevé des échantillons du sang des astronautes à deux reprises, exactement 10 jours avant le vol spatial et le jour de l’atterrissage. Les globules blancs ont été prélevés une fois, trois jours après l’atterrissage. Les échantillons de sang ont ensuite été laissés intacts dans un congélateur pendant 20 ans, à une température de -85°C.
Tous, sans exception, présentaient des mutations d’ADN dans les cellules souches formatrices du sang, selon une étude de Nature Communications Biology. Or, il s’agissait de séjours dans l’espace de courte durée : ces astronautes, des hommes pour 85% d’entre eux, avaient passé en moyenne 12 jours dans l’espace avec la prise de l’échantillon, et c’était la première mission pour six d’entre eux. Soit des séjours loin de la Terre sans commune mesure avec les longs voyages envisagés par la NASA dans un futur proche.
Sous les taux dangereux
Il faut toutefois relativiser ces résultats ; certes, les 14 astronautes dont le sang a été étudié ont subi des changements dans leur ADN inhabituellement nombreux pour leur âge, mais aucun n’en présentait des taux considérés comme inquiétants pour sa santé. Les mutations somatiques étaient toujours inférieures à 2% du patrimoine génétique sanguin, une limite au-dessus de laquelle on estime que le risque de développer des cancers ou des maladies cardiovasculaires augmente.
Il n’empêche que ces résultats mettent en avant la nécessité d’un suivi à long terme de l’état de santé des astronautes, en particulier après des missions longues, ou répétées, dans l’espace. « La présence de ces mutations ne signifie pas nécessairement que les astronautes développeront une maladie cardiovasculaire ou un cancer, mais il existe un risque que cela se produise avec le temps, en raison d’une exposition continue et prolongée à l’environnement extrême de l’espace lointain » estime le Dr David Goukassian, auteur principal de l’étude et professeur de cardiologie à l’hôpital Mount Sinai de New York.
Un suivi au long cours
Les différentes agences spatiales cherchent à développer des protections efficaces contre ces conséquences potentiellement néfastes pour la santé des futurs explorateurs au long cours, en particulier contre les rayonnements cosmiques, s’inspirant par exemple des cycles d’hibernation de certaines mammifères. Quant à l’équipe derrière ces résultats, elle compte continuer sur sa lancée, à la lumière de « l’intérêt croissant à la fois pour les vols spatiaux commerciaux et l’exploration de l’espace profond, et les risques potentiels pour la santé de l’exposition à divers facteurs nocifs qui sont associés à des missions spatiales d’exploration répétées ou de longue durée », résume le Dr Goukassian.