C’était un moment que tout le monde savait certain, mais que personne, et peut-être même pas le principal intéressé, ne pouvait estimer quand il aurait lieu précisément. Après des mois de faux-semblant, le polémiste Eric Zemmour, en perte de vitesse, vient d’officialiser sa candidature à l’élection présidentielle française de 2022. Et le moins qu’on puisse dire est qu’il y a mis les formes.
Et puis, on a su. Le jour-j était arrivé: l’auteur a annoncé qu’il sortirait aujourd’hui, vers midi, une vidéo présentant sa candidature et les enjeux qui lui étaient chers. Intitulée « Éric Zemmour : Il est temps d’agir », celle-ci a été mise en ligne à ladite heure.
A part qu’elle annoncerait officiellement sa candidature, rien n’avait fuité sur la forme exacte que prendrait ce message, mais on peut estimer maintenant que le style a surpris tout le monde. Car Zemmour ne s’adresse pas à un électeur potentiel (sans doute encore moins à une électrice) ; il lit, assis à son bureau et courbé sur sa copie, et récite un discours où tous les thèmes chers au – désormais – candidat Zemmour y passent : « Mes chers compatriotes, un même sentiment de dépossession vous oppresse » adresse-t-il depuis son bureau en bois vernis. « Vous avez la sensation que vous n’êtes plus chez vous, vous vous sentez étrangers dans votre propre pays, vous êtes des exilés de l’intérieur. La France n’était plus la France et tout le monde s’en était aperçu. »
Discours patriotique mais musique allemande
Sur ces paroles résonne un air de musique classique, l’oreille exercée pourra reconnaître la symphonie numéro 7 de Ludwig von Beethoven – un compositeur allemand, donc. Celle-ci berce une suite d’images censées montrer la France éternelle, « Celle des chevaliers et des princesses » dira entre autres le candidat, et où se succèdent des gravures de Louis XIV, de Versailles, de Napoléon Bonaparte, jusqu’à Clemenceau, le général De Gaulle, et même le résistant Jean Moulin.
En fait, Zemmour a voulu prendre la même posture que le général lors de l’appel 18 du juin 1940. Sauf que nous sommes le 30 novembre 2021, et que s’adresser de la sorte, même aux nostalgiques d’une France fantasmée, est d’un total anachronisme, au moins sur la forme.
Eric Zemmour continue, fustigeant politiciens, journalistes et sociologues, brocardant « la théorie du genre » et les « islamogauchistes », martelant que « la gauche et la droite, ils vous ont tous dissimulé votre remplacement » sur fond d’images de manifestations, avant d’enfin confirmer qu’il briguait la présidence. « Pour que les Français restent des Français, […] qu’ils se sentent chez eux. Nos soldats ont conquis l’Europe et le monde, depuis 1 000 ans nous sommes une puissance qui écrit l’histoire mondiale. »
Preuve supplémentaire de l’amateurisme total de la séquence, le candidat a utilisé des images qui ne sont pas libres de droits et qui ont été diffusées sans l’accord de leurs auteurs. C’est ainsi que Gaumont envisage de porter plainte contre le candidat qui a utilisé des images du film Jeanne d’Arc. D’autres journalistes se sont fait chiper les images de leur reportage.