Les derniers sondages ont confirmé un PS en perte de vitesse. Désormais relégués au 4e rang à Bruxelles et talonnés par le MR et le PTB en Wallonie, les socialistes, sans paniquer, sentent le besoin de se recentrer sur leurs fondamentaux: le pouvoir d’achat. Or, il est convenu que la pression syndicale va s’intensifier dans les prochains mois, notamment avec une manifestation nationale prévue pour le 20 juin. Le combat s’annonce intense au sein de la Vivaldi entre deux pôles: la compétitivité des entreprises mise à mal par l’indexation automatique des salaires et la loi de 1996, qui bloque dans un carcan la marge de négociation salariale et dont les syndicats veulent se débarrasser. Une opportunité ou un tombeau pour les socialistes ?
Actualité: des actions syndicales sont prévues dans toutes les régions du pays cette semaine.
Le détail: la pause pascale n’a pas fait disparaître les préoccupations concernant le pouvoir d’achat.
- Le PS n’est pas dans une crise existentielle comme son équivalent français, mais ses résultats de 2019 – le plus mauvais depuis l’instauration du suffrage universel – et les derniers sondages n’augurent rien de bon.
- À Bruxelles en particulier, où le PS dégringole à la 4e place lors du dernier sondage Ipsos Le Soir/RTL TVi. Les socialistes sont dépassés par Ecolo, le MR et le PTB, à 15,1%. En Wallonie, le PS sauve difficilement les meubles à la première place, talonné par le MR, et le PTB, à 22,4%.
- Le temps n’est pas à la panique, mais les dernières polémiques – la sortie de Karine Lalieux (« Je fais plaisir aux communes socialistes« ) et le refus attendu d’adopter un texte concernant l’obligation de l’abattage rituel avec étourdissement – enfoncent le PS bruxellois dans la crise, avec le PS wallon en victime collatérale.
- Pour s’éloigner de ces polémiques et faire face au PTB, le PS doit se recentrer sur son core business : le pouvoir d’achat.
- Et la période est propice, avec l’inflation galopante, et le conflit en Ukraine qui a fait exploser les prix de l’énergie. Deux nuages sombres qui ne s’arrêteront pas du jour au lendemain. La crise sanitaire (espérons-le) derrière nous, les prochains mois seront centrés sur cette question du pouvoir d’achat, à n’en pas douter.
- Avant la pause pascale, les organisation patronales tiraient la sonnette d’alarme sur la compétitivité des entreprises. Sans remettre totalement en question l’indexation automatique des salaires provoquée par les dépassements successifs de l’indice santé, la FEB et le Voka appelaient à briser la spirale salaires-prix.
- De l’autre côté, les syndicats gardent en travers de la gorge les dernières négociations interprofessionnelles. La loi de 1996, qu’ils veulent abroger, fixe une limite maximale à l’augmentation salariale négociée. À l’époque, cette marge était de 0,4%. Pour le prochain AIP, en début d’année prochaine, cette marge pourrait être proche de 0%, écrit Le Soir.
- Or, pour les syndicats et en particulier la FGTB, l’indexation automatique ne suffit pas. Et devant la perspective de n’avoir aucune marge de négociation possible, ils vont faire tout ce qui est en leur pouvoir pour remettre en cause cette loi de 1996, durcie par la Suédoise de Charles Michel (MR) en 2017.
- Et qui est leur interlocuteur privilégié au sein de la Vivaldi ? Le PS. Si les socialistes font la sourde oreille, nul doute que la FGTB lui en fera payer le prix. Avec un terrible constat à la fin de la législature, dans deux ans, avant de nouvelles élections: le PS n’en a pas fait assez pour protéger le pouvoir d’achat des travailleurs.
- On n’en est pas encore là. Mais devant cette perspective cauchemardesque, il y aura certainement un regain de tension au sein de la Vivaldi. Car pour le MR, l’Open VLD et le CD&V, il est hors de question de revoir cette loi de 1996, qui n’est d’ailleurs pas dans l’accord de gouvernement.
- Le patron de la FGTB, Thierry Bodson, n’exclut pas des actions avant la grande manifestation nationale en front commun prévue le 20 juin prochain. En attendant, les syndicats seront devant la FEB ce 22 avril à Bruxelles, d’autres actions régionales sont également prévues.
L’essentiel: le PS peut-il trouver des alliés au sein de la Vivaldi ?
- Dans Le Soir toujours, ce weekend, le vice-premier ministre, Georges Gilkinet (Ecolo) a plaidé pour des mesures structurelles pour le pouvoir d’achat. Il évoque la piste de la transformation de la TVA sur l’énergie en un système d’accises, qui fixe le montant non pas en fonction des prix de l’énergie mais de la consommation. Le ministre demande également d’agir sur les pensions, dont la réforme de la ministre Lalieux (PS) se fait toujours attendre, tout comme la réforme fiscale du ministre Van Peteghem (CD&V), qui est attendue pour la fin de la législature, avec effet pour la législature suivante, ce que l’écologiste remet d’ailleurs un peu en cause dans son entretien. « On peut agir avant cela ».
- Face à la crise énergétique du pouvoir d’achat et de l’énergie, Georges Gilkinet explique qu’il s’agit d’un processus en évolution, et que d’autres mesures de soutiens plus ponctuelles sont encore possibles. Le Premier ministre De Croo a d’ailleurs promis de faire une réévaluation de la situation en septembre prochain.
- L’écologiste énumère également ce qui a déjà été fait depuis la crise sanitaire par la Vivaldi. Chômage corona, droit passerelle, tarif social, aides énergétiques: « Un montant total de 40 milliards d’euros ».
- Georges Gilkinet répète en outre une position de son parti: pas question de toucher à l’indexation automatique des salaires. Il n’évoque pas directement la loi de 1996, mais une alliance de circonstance est possible au sein des partis de gauche pour supprimer la loi ou en tout cas l’assouplir.
- Sur ce point, il est peu probable que le PS et Ecolo parviennent à convaincre l’aile droite de la Vivaldi. Mais plus on se rapprochera de l’échéance électorale, plus la pression sera intense. Face aux réformes à venir, le vice-premier ministre Ecolo positive: « Jusqu’ici, face aux crises, nous avons toujours trouvé des solutions. Il n’y a pas de raison que cela change. »
- De son côté, le CD&V veut marquer des points sur sa réforme fiscale. Le président des démocrates-chrétiens, Joachim Coens, s’est dit en faveur de « réformes fiscales radicales » ce dimanche dans De Zondag. Le texte définitif du ministre Van Peteghem se fait toujours attendre au sein de la Vivaldi, mais Coens en a défini la trame: « Nous devons déplacer les impôts sur le travail vers les plus riches. » Voilà qui devrait plaire dans les rangs socialistes.
À noter: le CD&V se cherche un nouveau Jésus-Christ.
- Le tout est de savoir si cette ligne (ci-dessus) sera toujours défendue par le prochain président du CD&V. Il faut trouver un successeur à Joachim Coens en décembre prochain. L’actuel président des démocrates-chrétiens a appelé à trouver « un candidat du consensus » ce dimanche.
- Le compte Instagram du CD&V a été modérément inspiré ce weekend en reproduisant la Cène avec les visages des pontes du parti. Au milieu: J-C ou Joachim Coens. Une blague qu’on entend désormais rue de la Loi est la suivante: « Qui sera donc Judas ? »
- En ce sens, l’image était plus que symbolique : le drame de CD&V, tout comme celui de la Bible, dure depuis bien longtemps maintenant. Et la fin ne semble pas être en vue ; qui sait, elle viendra peut-être, selon l’analogie chrétienne, à l’Ascension.
- En résumé, le soutien à Coens pour une nouvelle présidence de trois ans est loin d’être suffisant. Celui qui aurait aimé est autre chose qu’un « président corona », exprimait-il en janvier dernier, voit ses chances s’amincir. Car entre-temps, aucun dirigeant du parti ne s’est positionné en sa faveur. Ni Annelies Verlinden, pourtant propulsée au gouvernement par ce même Coens, ni Hilde Crevits, soutien de la précédente bataille présidentielle face au jeune Sammy Mahdi.
- Le candidat perdant avait lui reçu le poste qu’il attendait au sein de la Vivaldi: secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration. Un poste qui apporte, en Flandre, une certaine popularité. Coens attendait en retour un geste de loyauté.
- Mais ce geste, même si Mahdi n’a jamais critiqué ouvertement son président, n’est finalement pas arrivé. Dans un entretien au Tijd ce weekend, le Vilvordois repousse plusieurs fois la question et n’exprime pas de soutien explicite au candidat Coens.
- Dans tous les cas, le CD&V, descendant de Tout-Puissant CVP, doit se trouver un nouvel élan, au centre. Joachim Coens a d’ailleurs fait référence à ce qui se passe en France ou le parti du président Macron, En Marche, se trouve au centre, coincé, mais dominant, entre deux extrêmes, à droite et à gauche.