Nos voisins sont en pleine déprime. Leur économie fait face à des obstacles conjoncturels et structurels. Selon Allianz Trade, l’économie allemande a besoin d’une révision majeure, « mais le plan pour y parvenir se fait attendre ».
« L’Allemagne est désormais un frein pour l’économie européenne »

Pourquoi est-ce important ?
En quelques mois à peine, le moteur de l'Europe s'est enrayé. L'Allemagne reste de très loin la première économie d'Europe, mais sa structure fait qu'elle se dirige vers un long déclin qui n'a pas été anticipé, ou mal préparé.Dans l’actu : Allianz Trade, le leader mondial de l’assurance-crédit, dresse un portrait peu flatteur de l’économie allemande.
Croissance, prix de l’énergie, investissements étrangers ou encore exportations… Il y a quelques jours, on vous faisait l’état des lieux peu reluisant de l’économie allemande, en 10 chiffres.
- Allianz Trade confirme, dans son dernier rapport que avons pu le consulter : « L’Allemagne est la seule grande économie à enregistrer une croissance négative en 2023. »
- En effet, cette année, la croissance économique de l’Allemagne devrait être de -0,4 %, contre +0,8 % dans la zone euro, selon les dernières prévisions de la Commission européenne.
- « Alors que l’Allemagne était auparavant à l’avant-garde de la reprise économique, elle constitue aujourd’hui davantage un frein« , constate Allianz.
- L’inflation et les prix de l’énergie sont un problème ? Oui, mais c’est loin d’être le seul : « L’Allemagne souffre d’une série de problèmes structurels. La pénurie de personnel qualifié constitue par exemple un obstacle majeur. Le vieillissement de la population ne fait qu’aggraver le problème. Autre facteur : l’Allemagne n’est pas vraiment à la pointe en termes de numérisation », énumère Johan Geeroms, Director Risk Underwriting Benelux chez Allianz Trade.
- Sur ce dernier point, l’Allemagne est loin du peloton de tête de l’Indice de développement de la numérisation (EGDI), établi par l’ONU. L’Allemagne ne fait pas partie du top 20, au contraire des pays scandinaves, des Pays-Bas, des États-Unis, du Japon ou encore des Émirats arabes unis.
L’exportation n’a pas que du bon
L’essentiel : un déséquilibre entre l’industrie et les services.
- L’Allemagne est une économie exportatrice. Et forcément, quand les prix des matières premières et de l’énergie sont hauts, ça fait mal. D’autant que la reprise chinoise n’a pas été ce qu’elle aurait dû être.
- Selon le département de recherche d’Allianz Trade, les exportations allemandes ont chuté de -11,8 % sur base annuelle au premier semestre 2023. Et les exportations allemandes vers la Chine ont chuté de -7,9 %.
- Selon Geeroms, cette tendance devrait se poursuivre l’année prochaine : « La demande mondiale de produits allemands majeurs tels que les voitures, les machines et les produits chimiques continuera de diminuer l’année prochaine, notamment en raison du ralentissement de la croissance aux États-Unis et en Chine. »
- Le problème de fond, juge Allianz, c’est un déséquilibre entre l’industrie et le secteur des services. « Si l’on examine le PIB, la part de l’industrie en Allemagne est beaucoup plus importante que dans les autres grands pays, tandis que le secteur des services est à la traîne. »
- L’industrie allemande contribue au PIB à hauteur de 18,5 % (9,3 % en France et 10,7 % aux États-Unis) contre 62 % pour les services (70,3 % en France et 77,6 % aux États-Unis).
Le coup de déprime
Le contexte : les premiers à s’en rendre compte sont les Allemands eux-mêmes.
- « La France, c’est l’Allemagne en mieux ! » : ce plaidoyer inattendu et un peu provocateur du Spiegel a surpris les Français, début septembre, mais pas les Allemands.
- L’auteur de la chronique est revenu sur les progrès faits par la France et le long déclin entamé par l’Allemagne.
- À commencer par la politique énergétique : l’électricité coûte deux fois plus cher aux industriels allemands qu’aux industriels français. Certes, l’Allemagne fait de grands progrès dans le renouvelable, mais l’abandon de ses centrales nucléaires la pousse à relancer des mines de charbon.
- Le Spiegel constate aussi qu’en 2023 et en 2024, la croissance économique tricolore sera deux fois supérieure à celle de la République fédérale. Et que les grandes entreprises choisissent désormais la France pour s’y implanter.
- Comme le montre par exemple la volonté du groupe taïwanais ProLogium d’implanter son usine à batteries électriques à Dunkerque, dans un projet à 5,2 milliards d’euros, au cœur de « la Vallée de la batterie« .
- Le journal allemand salue les décisions courageuses et douloureuses d’Emmanuel Macron qui a su réformer les retraites ou encore baisser les impôts sur les entreprises.
- De plus, là où Macron tente d’assouplir les normes et la régulation, l’Allemagne semble se méfier et les durcir. C’est d’ailleurs aussi l’un des points clés de l’analyse d’Allianz : « Les pouvoirs publics allemands souhaitent une régulation plus stricte, par exemple pour les géants de l’internet, mais aussi pour l’essor de l’intelligence artificielle. Le gouvernement alimente ainsi la culture de la peur, alors que les nouvelles technologies offrent justement de nombreuses opportunités. Et ces dernières ne sont pas saisies. »