«Le président des États-Unis, Donald Trump, aime provoquer une crise et ensuite annoncer qu’il l’a résolue. Il menacera ses amis et ses ennemis avant de conclure un accord qu’il qualifiera ensuite de « génial ». En réalité, le nouvel accord restera souvent superficiel et les problèmes sous-jacents demeureront en grande partie non résolus. »
C’est ce qu’écrit Gideon Rachman, l’un des journalistes britanniques les plus renommés et rédacteur en chef des Affaires étrangères au Financial Times, dans un article d’opinion de ce journal (€).
La Corée du Nord, l’ALENA et… la Chine
«C’est le modèle que l’administration Trump a appliqué en Corée du Nord (toujours nucléaire), de même qu’au Mexique et au Canada (l’ancien ALENA est toujours de mise). Et c’est ce même modèle qui semble bien émerger concernant la guerre commerciale de Trump avec la Chine (90 jours sont passés, aucun accord, pas de droits de douane en vue) », écrit Rachman. “Trump va déclarer une grande victoire dans quelques semaines. Ses fidèles assistants joueront le jeu. »
Mais selon ce journaliste britannique, en mettant fin à la guerre commerciale, Trump offrira un bien plus grand cadeau au président chinois Xi Jinping. Selon Rachman, Trump a déjà désarmé l’Amérique dans un combat bien plus important – celui des idées.
Les droits humains ne comptent pas pour Trump
« La notion que des principes abstraits tels que » liberté « et « démocratie » sont de puissants actifs américains est parfois rejetée comme un vœu pieux libéral. […] Le fait que les anciens présidents des États-Unis aient défendu les droits de l’homme était bien plus qu’irritant pour l’État à parti unique chinois : c’était une menace. […] Cela a maintenant changé. En tant que président, Trump a clairement fait savoir qu’il admirait les dirigeants autoritaires du monde. […] A différentes occasions, Trump a encensé Xi, le qualifiant de « grand leader » et « d’homme très bon ».
Ce n’est pas sans importance, car Xi est réellement le dirigeant chinois le plus autoritaire depuis la mort de Mao Zedong en 1976. […] Quand Xi a aboli les limites du mandat présidentiel en Chine, se donnant ainsi la possibilité de rester au pouvoir à vie, Trump a dit en plaisantant « que les États-Unis devraient envisager un tel modèle de gouvernement ».
La répression en Chine n’est pas une blague
Mais la répression dans la Chine de Xi Jinping n’est pas une blague. Le contrôle sur les médias, sur l’Internet et sur les universités ont été durcis depuis son arrivée au pouvoir en 2012. Et l’on assiste à une répression sans précédent dans la province du Xinjiang, où jusqu’à 1 million d’Ouïgours ont été placés dans des « camps de rééducation ».
[Plus tôt cette semaine, il a été annoncé que les start-ups chinoises avaient développé des algorithmes permettant au gouvernement de suivre les membres de cette minorité musulmane. Le logiciel de reconnaissance faciale, qui a rapidement été intégré à plusieurs millions de caméras de surveillance dans la région, recherche exclusivement les 11 millions de Ouïghours en fonction de leur apparence. De cette façon, leurs actions sont documentées numériquement. Les tensions entre cette population à majorité musulmane et le gouvernement chinois sont en partie dues à des restrictions religieuses.]
En comparaison de la Chine, les États-Unis demeurent un exemple inspirant de société libre en action. Mais le fait que le président américain fustige régulièrement les médias censés diffuser des « fake news » et que son gouvernement ait séparé des milliers d’immigrés clandestins de leurs enfants aux frontières américaines brouille ce qui devrait être une ligne de démarcation évidente entre les pratiques d’une démocratie et celles d’un État autoritaire, pense Rachman.
Donald Trump : de croquemitaine à sauveur ?
«La solution au différend commercial américano-chinois pourrait entraîner encore plus de dégâts. Trump montre tous les signes d’un désir d’abandonner son combat avec la Chine, et de déclarer une nouvelle guerre commerciale contre l’UE et le Japon. Ce faisant, le président creusera un fossé au sein de l’alliance occidentale, rendant pratiquement impossible la formation d’un front commun contre la Chine.
Si cela se produit, Trump entrera moins dans l’histoire comme l’adversaire le plus coriace de la Chine, mais plutôt comme l’homme qui a exaucé les prières de M. Xi.