Retour sur une (demi-)année charnière pour le dollar comme pour le rouble

Nous n’en sommes qu’à la moitié, mais il est déjà clair que l’année 2022 sera très différente de ce qu’on imaginait à la fin de l’an dernier. Sur les marchés des devises, la hausse du dollar et surtout du rouble attire beaucoup d’attention. Et il est possible que l’euro prenne le dessus au second semestre.

Soyons honnêtes : auriez-vous pensé il y a six mois que vous dépenseriez plus de 2,50 euros à la pompe pour un litre d’essence ? La forte hausse des prix de l’énergie n’est qu’une des conséquences de la terrible guerre en Ukraine. Combinée avec tous les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement, c’est l’une des raisons de la montée en flèche de l’inflation. Les mesures prises par les banques centrales pour juguler cette inflation ont eu un fort impact sur le monde des devises. Cependant, ce n’est pas la plus grande surprise du premier semestre 2022.

Surprise numéro 1

Dans les jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, le rouble russe a subi une forte pression. Depuis, cependant, sa valeur est montée en flèche. Cette monnaie vaut désormais moitié plus qu’à la fin de l’année 2021. En effet, le pétrole et le gaz naturel en provenance de Russie sont de plus en plus souvent payés en roubles. En outre, les entreprises russes sont obligées d’échanger presque toutes leurs devises étrangères contre des roubles. D’autre part, en raison des sanctions, le pays n’a pratiquement plus d’occasions de dépenser ses dollars, euros, et autres devises fortes.

Surprise numéro 2

La deuxième surprise est la vitesse à laquelle les taux d’intérêt augmentent aux États-Unis. En juin, pour la première fois depuis 1994, la banque centrale américaine a relevé son taux directeur de trois quarts de pour cent d’un seul coup. L’objectif de ces mesures est de ramener l’inflation vers le niveau cible de 2%. En mai, le taux d’inflation était encore de 8,6%. Les économistes s’attendent à ce que la barre des 10% soit bientôt atteinte. En Europe, le taux d’intérêt est toujours au même niveau qu’il y a six ans. La dernière hausse des taux d’intérêt remonte même à plus de dix ans. La différence croissante de taux d’intérêt avec les États-Unis est une raison importante de la forte augmentation du dollar, comme du rouble, par rapport à l’euro au cours du premier semestre de l’année.

Une surprise pour l’avenir ?

Ce même euro pourrait devenir la surprise du second semestre de l’année. Dans quelques semaines, la Banque centrale européenne (BCE) relèvera ses taux d’intérêt pour la première fois depuis plus de dix ans. Mais que se passera-t-il ensuite ? Y aura-t-il une autre augmentation en septembre et quelle sera son ampleur ? Et la présidente de la BCE, Christine Lagarde, est-elle vraiment sérieuse dans sa promesse de réduire l’inflation ? Car avec un taux d’inflation de plus de 8%, il faudrait plus que deux ou trois petites mesures de taux d’intérêt pour y parvenir. Bien entendu, la BCE veut éviter que la croissance économique en Europe ne se transforme en récession. Mais pour l’instant, l’inflation obstinément élevée semble être le prélude à des hausses de taux d’intérêt plus importantes que ce que les marchés des changes et des taux d’intérêt prévoient actuellement. Cela fait d’un rallye de l’euro l’une des surprises possibles pour les six prochains mois.


Joost Derks est un spécialiste des devises chez iBanFirst. Cette chronique exprime son opinion personnelle et ne constitue pas un conseil professionnel (d’investissement).

(CP)

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