Défilé de la Victoire, redéploiement et impasse des négociations : pourquoi le 9 mai sera le point culminant d’une nouvelle phase de la guerre

A la fin du mois de mars s’est achevée la première phase de la guerre en Ukraine : contre toute attente et après un mois de combats, les forces de Kiev sont passées à la contre-offensive et ont remporté une grande victoire, dégageant la capitale et la totalité du nord-est du pays de la présence russe. Mais elles n’ont pas remporté la guerre, loin de là : une nouvelle bataille, celle pour le Donbas, est sur le point de s’engager, et on peut aisément deviner quand les Russes lanceront leur attaque.

Le 9 mai est un jour très spécial en Russie : il marque l’acte de capitulation de l’Allemagne nazie face aux troupes alliées, et donc la grande victoire de l’Union soviétique dans les ruines de Berlin, après quatre ans à tout sacrifier sur l’autel de la guerre totale. Ce Jour de la Victoire est devenu un jour férié depuis 1965 en Union soviétique, puis en Russie, ainsi que dans de nombreux pays anciennement sous influence de Moscou. Pour les Russes c’est presque une seconde fête nationale.

Grand spectacle ultra-nationaliste

Et sous le régime nationaliste de Vladimir Poutine, prompt à récupérer sans distinction les gloires passées, il est régulièrement marqué par un grand défilé militaire sur la place Rouge, rappelant le Défilé du Jour de la Victoire 1945, durant lequel 40.000 soldats rouges ont rendu hommage au maréchal Joukov, le véritable grand vainqueur derrière Staline.

Un spectacle qui aura, quoiqu’il advienne, une saveur particulière cette année, et Vladimir Poutine espère bien qu’elle sera à son gout : il est considéré comme fort probable que le président russe espère annoncer une grande victoire sur l’Ukraine à cette date symbolique – voire une fin de « l’opération spéciale » après une mission, forcément, accomplie sans accroc.

Une opportunité d’annoncer la victoire

On peut donc estimer qu’une nouvelle offensive russe sera lancée peu avant cette date, fin avril ou tout début mai, dans l’espoir de rafler enfin les fruits de la victoire aux Ukrainiens. La capitale du pays étant hors d’atteinte, il est probable que le Kremlin se concentre sur un nouvel objectif : la conquête de l’ensemble du Donbas, alors que les Ukrainiens tiennent une ligne de front face aux républiques séparatistes, ainsi que des bastions urbains, parfois encerclés, qui tiennent toujours.

« Les généraux russes redéploient les forces qui étaient regroupées autour de Kiev et autour de Soumy » confirmait Emmanuel Dupuy, président de l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe) lors d’un entretien avec TV5 Monde. « Les troupes russes viendraient du nord du Donbas et l’objectif serait d’encercler les troupes ukrainiennes qui font face, elles, aux troupes des deux républiques séparatistes qui se battent également. La nouvelle offensive mettrait les troupes ukrainiennes dans une situation assez complexe. »

Bataille décisive dans le Donbas

« Le 9 mai, Vladimir Poutine veut annoncer que l’opération militaire a permis d’obtenir la libération complète du Donbass avec la confirmation de la prise de la Crimée et un élargissement autour de la ville de Kherson », résumait M. Dupuy. Sauf que les Ukrainiens ne sont pas dupes et connaissent les échéances russes : eux aussi se préparent et se renforcent, d’autant que si la Russie a libéré ses troupes du front nord pour les rapatrier vers le Donbas, eux aussi peuvent se permettra la même manœuvre. Avec, en prime, le bonus moral d’une victoire, et l’équipement occidental, y compris lourd (chars et artilleries) qui commence à affluer. Les troupes de Kiev maintiennent d’ailleurs la pression sur Kherson, seule grande ville conquise par les Russes et tête de pont à l’ouest du Dniepr.

En résumé, les deux camps savent que c’est un coup très important et très violent qui se jouera dans les semaines qui viennent, et les deux s’y préparent au mieux. On note d’ailleurs que le président russe a déclaré que l’Ukraine s’était écartée des accords conclus lors d’une conférence de paix à Istanbul et que les pourparlers étaient dans une « impasse ». Interrogé sur les commentaires de Vladimir Poutine, un membre de la délégation ukrainienne, Mykhailo Podolyak, a déclaré que les négociations avec les Russes étaient très difficiles, mais se poursuivaient quand même, selon The Guardian. Mais il se peut qu’au Kremlin, on ait déjà pris une décision.

Des Ukrainiens prêts à rendre coup pour coup

De l’autre côté, les Ukrainiens font de leur mieux pour handicaper le redéploiement des Russes. Leur audacieuse attaque – jamais confirmée par Kiev – par hélicoptères sur un dépôt de carburant à Belgorod, en territoire russe, a frappé les esprits, mais ce n’est plus un cas isolé. La logistique russe n’est plus à l’abri derrière la ligne de front des attaques de drones ou de missiles. Et dans un cas au moins, il semblerait bien qu’une voie ferrée stratégique pour l’acheminement des troupes ait été sabotée. Des photographies prises sur ce pont de la région de Belgorod, en Russie, ont montré qu’une section de rail avait été arrachée vers le haut, probablement à cause de l’explosion d’une bombe place en dessous. Un acte qui signifierait que les Ukrainiens sont capables de s’infiltrer en territoire russe. Dans tous les cas, ils comptent rendre coup pour coup et les exactions russes découvertes dans les territoires libérés ne vont qu’accentuer leur motivation.

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