De l’IA et des grimaces pour décoder les politiques monétaires

Le monde de la finance se tourne vers les algorithmes pour décoder le langage mystérieux des banques centrales. Du pain bénit avec des solutions parfois originales.

Depuis que l’ancien gouverneur de la Fed Alan Greenspan a conseillé aux banques centrales de ‘rester vague, voire incompréhensible’ dans leurs déclarations, les acteurs financiers peinent à décrypter leur communication mystérieuse. C’était bien le but de la manœuvre: enrayer les réactions exagérées des marchés financiers à leurs moindres déclarations. Mais la riposte serait proche.

Les acteurs financiers devraient notamment leur salut à Peter Schaffrik, économiste pour RBC Capital Markets. Selon le site Korii, il a développé avec une équipe informatique l’algorithme ECB-O-Meter. Ce petit bijou permet d’analyser les discours des responsables de la Banque centrale européenne pour déterminer les futures orientations de sa politique monétaire.

Machine learning et grimaces

Une autre astuce consiste à s’appuyer sur l’apprentissage automatique (‘machine learning‘) pour confronter l’utilisation de certains mots-clés par les banques centrales et la progression du prix des actifs financiers. Cette technique, on la doit à Evan Schnidmann, le créateur de Prattle. ‘C’est un test de santé mentale. Cela permet à nos clients de savoir si les banquiers centraux disent bien ce qu’ils pensent avoir entendu’, déclare-t-il.

Plus drôle encore est la méthode découverte par Kyoshi Ozumi, de l’université de Tokyo. Le chercheur s’est mis à décrypter les expressions faciales de Haruhiko Kuroda, gouverneur de la banque du Japon. En classant ses émotions en cinq catégories (colère, dégoût, bonheur, peur, surprise) un algorithme lui a fait remarquer que Kuroda montrait systématiquement du dégoût ou de la colère avant d’annoncer des décisions importantes lors de ses discours. Ozumi tente désormais d’appliquer cette stratégie aux autres directeurs de banques centrales.

Pas de miracle

Prudence toutefois, car ces méthodes ne sont pas infaillibles. Les acteurs financiers ne doivent pas se reposer aveuglément sur les algorithmes sous peine de graves erreurs, comme l’indiquent les chercheurs. Dans l’analyse de discours en particulier, l’intelligence artificielle doit s’appuyer sur des données irréprochables et des ajustements humains réguliers.

Elles-mêmes à l’origine de cette confusion, les banques centrales en ont néanmoins conscience. La présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde a d’ailleurs promis plus de transparence dans les discours. Tandis que d’autres ont trouvé des solutions plus… originales, comme la Banque d’Angleterre et celle de Jamaïque, qui ont engagé des poètes et musiciens pour leurs communications. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

Lire aussi:

Plus