Crise bancaire : le short selling de plus en plus pointé du doigt, bientôt la fin de la récré ?

Depuis deux mois, le secteur bancaire américain est dans la tourmente. Du moins les cours boursiers de certaines institutions. Dans un contexte d’incertitudes, les investisseurs se débarrassent rapidement de leurs actifs, au premier signe de mauvais augure. Mais le contexte est aussi favorable au short selling, une pratique qui consiste à parier sur la baisse d’un cours. Les régulateurs commencent à être attentifs.

Pourquoi est-ce important ?

Le short selling, c'est vendre une action (empruntée à un tiers) en pariant sur la baisse du cours. En la rachetant au plus bas, les investisseurs réalisent un bénéfice. Certains hedge funds sont spécialisés dans cette pratique. Dans un contexte de panique, les actions dans la tourmente deviennent une proie facile et peuvent rapporter gros. Poussé à outrance, le short selling massif entraine de facto la ruine des proies qu'il capture. Ce qui pourrait être perçu comme une manipulation du marché. Par exemple, plusieurs short sellers peuvent s'entendre pour couler une banque en difficulté. Un hold-up des temps modernes.

Dans l’actu : les cours boursiers de certaines banques se cassent la figure.

  • Celui de PacWest, le dernier domino bancaire en passe de tomber, a perdu plus de 50% sur la journée de jeudi. La banque régionale avait annoncé être à la recherche « d’options stratégiques« . -38% aussi pour Western Alliance sur la journée de jeudi.
  • Ces deux derniers mois, les cours de plusieurs banques ont été en chute libre. Notamment ceux des banques qui se sont par la suite effondrées, comme Silicon Valley Bank ou First Republic.

La patte des short sellers ?

L’essentiel : parier sur la baisse des cours peut rapporter gros en contexte de crise.

  • Si une entreprise est en mauvaise posture, les investisseurs se débarrassent des actions qu’ils possèdent de cette entreprise, pour éviter de perdre leur mise. Cela fait baisser le cours d’une action.
  • Mais il y a aussi les short sellers, qui vendent justement des actions en pariant sur la baisse du cours (pour les rattraper quand elles sont au plus bas, en se mettant la marge dans la poche).
    • Dans un contexte de panique et de crise, les actions des banques sont des proies faciles. Dès le premier signe quelque peu négatif, les actionnaires vont se débarrasser de leurs actifs et la valeur va baisser. Cela peut vite mener à un emballement. Les short sellers ont tout intérêt à ce que cet emballement dure : en vendant au bon moment, ils peuvent contribuer à faire chuter le cours.
    • Il y a en tout cas de beaux retours à gagner. Rien que sur les deux premiers jours du mois de mai, les shorts contre les banques régionales US ont rapporté 1,2 milliard de dollars aux investisseurs, rapporte Reuters, citant les données de la société d’analyses Ortex. Rebelote jeudi, avec des gains de près de 400 millions. Sur le mois de mars, ils avaient déjà engrangé 7,2 milliards de dollars.

Zoom arrière : les appels à plus de régulation se multiplient.

  • C’est par exemple le cas de Wachtell, Lipton, Rosen & Katz, un cabinet d’avocat américain spécialisé dans la finance. Dans une lettre consultée par Reuters, le cabinet appelle les régulateurs américains à mettre en place une limite au short selling. Dans l’idée, il faudrait interdire les shorts contre les banques pour une période de 15 jours, le temps que les investisseurs digèrent les (mauvaises) nouvelles venant de telle ou telle banque.
    • Une telle limite avait par exemple existé pendant la crise financière de 2008, mais son impact avait été limité.
  • La Maison Blanche commence à être attentive au phénomène. « L’administration va suivre de près l’évolution du marché, y compris les pressions exercées par le short selling sur les banques saines », explique la porte-parole Karine Jean-Pierre ce jeudi.
    • Même son de cloche du côté de la SEC, le gendarme boursier : « En ces temps de volatilité et d’incertitude accrues, la SEC s’attache particulièrement à identifier et à poursuivre toute forme d’inconduite susceptible de menacer les investisseurs, la formation de capital ou les marchés de manière plus générale », s’exprime son président Gary Gensler.
  • Ainsi, certains short sellers pourraient avoir du souci à se faire. Les autorités américaines se disent particulièrement attentives à la « manipulation du marché », dans le contexte des baisses des cours des banques. Cette pratique est souvent lourdement punie, avec des amendes importantes.
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