Comment l’UE peut-elle se débarrasser du monstre de l’huile de palme qu’elle a contribué à créer ?

Il n’y a pas qu’entre les États-Unis et la Chine qu’une guerre commerciale menace. Au début de cette année, le Parlement européen a voté une interdiction progressive de l’huile de palme en tant que biocarburant d’ici 2021. En conséquence, les 2 pays plus gros producteurs mondiaux de ce produit, la Malaisie et l’Indonésie, ont menacé l’Europe de représailles. L’Europe a donc revu sa copie, et maintenant, l’huile de palme sera graduellement bannie des transports européens d’ici 2030.

Au départ, le recours à l’huile de palme, qui sert entre autres à la fabrication de biocarburants, était l’un des éléments de l’arsenal de l’UE pour opérer une transition vers des moyens de transport plus respectueux de l’écologie. Mais paradoxalement, il s’est avéré nocif pour cette dernière.

Une culture destructrice

La consommation croissante de l’huile de palme en Europe contribue directement à la destruction des forêts humides. L’extension de ces plantations en Asie nécessite la déforestation, elle-même responsable de la destruction d’écosystèmes dans des territoires qui comptaient parmi les plus riches en faune et en flore de la planète. En outre, les brûlis qui accompagnent cette déforestation produisent un smog et des panaches de fumée visibles de l’espace, témoins des importantes émission de gaz à effet de serre qu’ils occasionnent.

A noter que ce n’est pas toujours le cas, puisque la culture de palme africaine traditionnelle, plus ancienne que celle de l’Asie, est respectueuse de l’environnement, et utilise peu de pesticides. 

En imposant l’utilisation de bio-carburants, l’Europe a contribué à créer un monstre

Actuellement, en Europe, 40 % de l’huile de palme importée sont utilisés pour la production de biocarburants, grâce aux directives de l’UE qui exigent depuis 2008 qu’au moins 10 % des carburants utilisés dans les transports proviennent de sources renouvelables, comme l’huile de palme ou le soja. Le problème, c’est que l’Institution n’a jamais défini ce qu’était un “bon biocarburant”, explique William Todts, qui dirige le think tank belge “Transport & Environment”.

“Nous avons fixé une cible ambitieuse sans mettre au point les règles, c’est donc le marché qui décide, et le moins cher, c’est l’huile de palme », explique-t-il, avant d’ajouter que le marché de l’énergie “a créé un monstre”, dont nous ne savons pas comment nous pourrons nous en débarrasser. À cet égard, la décision que l’UE a prise au mois de janvier va donc dans le bon sens, mais elle ne suffira pas.

Dans nos supermarchés, près d’un produit sur 2 contient de l’huile de palme

Car même si l’on supprime l’huile de palme des transports, cette dernière demeure omniprésente dans le reste de l’économie : agroalimentaire, cosmétique, pharmacie… Le fait est que près d’un produit sur 2 de tout supermarché européen contient de l’huile de palme. L’UE s’est ainsi imposée comme le second marché mondial de l’huile de palme. 

“Nous devons manger moins de viande, manger de la nourriture fraîche, moins transformée, avec moins de substances grasses telles que l’huile de palme. Et nous devons définitivement cesser de mettre de l’huile de palme dans le réservoir de nos voitures”, affirme Danielle van Oijen, une militante de l’ONG de défense de l’environnement Milieudefensie (Friends of the Earth Netherlands).

Elle explique que les grands pays producteurs d’huile de palme tels que la Malaisie subissent une déforestation intense et y consacrent tant de terres arables, qu’ils ne seront bientôt plus en mesure de produire suffisamment de nourriture pour leurs propres populations. “Les terres doivent être utilisées pour produire de la nourriture à usage domestique, et pas pour les Européens, ou pour alimenter les voitures européennes”, dit-elle.

Une superficie proche de celle de la Belgique consacrée aux palmiers à huile

Selon les estimations, la surface consacrée aux palmiers à huile dans le monde entier représente maintenant une superficie proche de celle de la Belgique (environ 30 000 km²). L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture affirme que la demande mondiale pourrait tripler d’ici 2050. Depuis 2002, la consommation mondiale d’huile de palme a plus que doublé, passant de 30 millions de tonnes à près de 60 millions de tonnes par an.

Et comme cette production génère de la richesse et contribue au produit intérieur brut en Asie du Sud et en Afrique, il est peu probable que les principaux pays producteurs baissent leur production, même avec les nouveaux objectifs de l’UE.

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