La crise économique engendrée par la pandémie de coronavirus a mis en graves difficultés un très grand nombre d’entreprises, et l’Italie ne fait pas exception. Aux abois, certaines d’entre elles sont prêtes à tout pour obtenir de l’argent frais, et cela la mafia italienne l’a très bien compris.
Suite à la crise et aux mesures de confinement, nombreuses sont les entreprises qui ont désormais un besoin urgent de liquidités sous peine de devoir mettre la clé sous la porte. Mais entre les lourdeurs et lenteurs administratives des aides promises par l’État italien et la prudence des banques en matière de prêt vu le contexte actuel, l’argent frais peut être une denrée rare… Mais pas pour la mafia.
Les organisations criminelles disposent en effet de grandes quantités de cash et ne s’embarrassent guère de détails administratifs. Elles sont donc en mesure de prêter de l’argent rapidement aux entreprises en difficulté.
Mais comme le détaille le site du journal français Les Echos, les prêteurs usuriers appliquent généralement des taux d’intérêt d’au moins 10% par mois et exigent en un an le remboursement du double de la somme avancée.
En Italie, l’usure représenterait un chiffre d’affaires annuel d’environ 100 milliards d’euros, soit 7% du PIB italien. Par ailleurs, un entrepreneur sur cinq y serait victime d’extorsions, de rackets ou de prêts usuriers.
‘Une fois la phase critique passée, l’entrepreneur ne pourra rien leur refuser’
Outre l’aspect purement financier, la méthode permet également à la mafia de renforcer ou d’étendre son pouvoir. Car si celle-ci n’était à la base pas particulièrement portée sur l’usure, elle a fini par voir dans les crises des dernières décennies autant d’opportunités d’arriver à ses fins, pointait récemment l’écrivain italien, spécialiste des milieux mafieux, Roberto Saviano.
‘L’usure à destination des particuliers est laissée aux clans les plus faibles’, expliquait-il. ‘Mais le prêt usurier à destination des entreprises est un élément central de la stratégie (des mafias, NDLR). Elles donnent l’argent immédiatement et ont même parfois supprimé les intérêts pour le remboursement ou les ont réduits très fortement. L’entrepreneur, une fois la phase critique passée, ne pourra rien leur refuser.’
Une explosion de 30%
Dans le sillage de la crise financière, l’usure avait progressé de 30% entre 2008 et 2013. Les deux mois de confinement auraient provoqué une hausse similaire, selon la fédération de commerces Confcommercio et le ministère italien de l’Intérieur. Pour enrayer ce phénomène, préfets et magistrats demandent une plus grande traçabilité des flux financiers, une augmentation des contrôles et la création d’un outil de signalement plus efficace des transactions suspectes.
‘Pour lutter contre l’usure, il y a urgence à obtenir immédiatement des liquidités via les aides promises par le gouvernement et les prêts bancaires avec une garantie de l’État’, estiment pour leur part plusieurs associations de commerçants et de PME. ‘Le risque est que l’argent arrive trop tard et profite à des entreprises qui seront déjà passées sous le contrôle de la mafia’, mettent-elles en garde.