Comment des robots ont aidé Trump à gagner les élections

Au mois de mars, des chercheurs de l’université d’Oxford sont parvenus à la conclusion que les robots de certains Etats de la “Rust Belt” ont contribué à la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles de 2016.

“Comparant la technologie à de multiples autres explications, y compris la délocalisation et l’exposition commerciale, nous soutenons l’idée que le soutien à Donald Trump était significativement plus élevé dans les bassins d’emplois locaux plus exposés à l’adoption de robots. Une analyse contradictoire basée sur nos estimations montre que le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin auraient basculé en faveur de Hillary Clinton si l’exposition aux robots n’avait pas augmenté dans les années qui ont précédé les élections, et que les démocrates auraient conservé la majorité dans le collège électoral”, écrivent les chercheurs

Toledo, Ohio, la ville la plus robotisée des Etats-Unis

La ville de Toledo (Ohio) qui emploie maintenant plus de robots par travailleur que toute autre ville américaine, est sans doute la mieux indiquée pour tenter d’expliquer ces résultats. Proche de Detroit, cette cité ouvrière est comme sa célèbre voisine spécialisée dans la construction automobile. On y compte 9 robots pour 1 000 travailleurs. En 2010, on n’en recensait que 702 au total. En 2015, ce nombre était passé à 2 374.

En mars, une autre étude estimait que l’Ohio avait perdu 671 000 emplois en raison de l’automatisation entre 1967 et 2014, un chiffre supérieur à celui des emplois détruits en raison de la concurrence locale et étrangère.

Même si l’adoption de ces technologies a finalement contribué à renforcer l’économie de cette région, elle a suscité des inquiétudes, et donné un sentiment d’incertitude à la population locale, explique Brian Alexander dans la MIT Technology Review.

Trump a profité de cette angoisse

Et cette angoisse s’est matérialisée dans le résultat des élections. Trump a remporté une victoire totalement inattendue sur la candidate démocrate Hillary Clinton, en concentrant sa campagne sur ceux qu’il appelait les “forgotten people” (les ‘oubliés ‘), les Américains blancs de la Rust Belt qui, selon le magnat de l’immobilier new-yorkais, ont été les grands perdants de la mondialisation.

Le slogan de campagne de Donald Trump “Make America great again” (‘rendre sa grandeur à l’Amérique’) a fait mouche pour de nombreux habitants de cette partie du pays. Et alors qu’ils avaient voté en faveur d’Obama lors des 2 élections précédentes, ils ont voté majoritairement pour Donald Trump aux élections présidentielles de 2016. 

“Mais ce qui rend l’histoire dans des endroits comme Toledo et la région environnante difficile à comprendre pour beaucoup de politiciens, et même d’économistes, c’est que l’anxiété va bien au-delà de l’automatisation et du nombre d’emplois. Pour beaucoup de gens, le travail définit l’existence. Les perturbations causées par les robots et les autres technologies affectent profondément les communautés en cause. Ces forces technologiques se sont jointes à beaucoup d’autres – certaines culturelles, d’autres politiques – pour créer une angoisse généralisée, et la perception que les gens ont beaucoup perdu. Ils en arrivent à croire qu’eux-mêmes, leur emploi, leur communauté et le contrat social qui les lie au travail, à l’endroit où ils vivent et aux autres est  menacé. Et ils n’ont pas tort”, écrit Alexander.

La robotisation est un sujet tabou

Il explique que les politiciens locaux n’évoquent guère l’automatisation ; quant à l’intelligence artificielle, elle est considérée comme quelque chose d’ésotérique, bien trop abstrait pour influencer la communauté sur le plan politique, d’autant que personne ne sait à quel point ces technologies vont perturber le marché du travail, ni quand cela surviendra. La possibilité de suppressions d’emplois massives liées à une nouvelle vague d’automatisation n’est donc jamais ouvertement envisagée.

Mais les travailleurs dans les usines qui ont vu les lignes de production se dégarnir de leurs collègues de travail, sont bien conscients qu’ils seront appelés eux aussi, tôt ou tard, à être remplacés par des robots. “Les gens dans l’usine pensent que quelqu’un va les sauver, comme Trump”, explique un ouvrier qui travaille pour un fabricant de pièces automobiles dans la région de Toledo.

Le revenu de base n’est pas la panacée

Alexander ne pense pas que le revenu de base universel pourra atténuer cette angoisse :

“Les effets sont ressentis bien au-delà des emplois eux-mêmes. (…) C’est ce que les promoteurs de solutions telles que le revenu de base universel de la Silicon Valley ne parviennent pas à comprendre. Les ingénieurs et les programmeurs des nouvelles machines semblent penser qu’ils peuvent acheter les personnes qui auront perdu leur emploi avec la promesse qu’on leur donnera de l’argent. Mais beaucoup de ces gens ne travaillent pas pour de l’argent, pas vraiment. (…). Ils sont restés debout sur la ligne, et ont soudé, ou peint, ou boulonné, parce qu’ils étaient ouvriers de l’industrie automobile, dans un pays où ce que vous faites vous définit”.

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